Intervention de Nicole Belloubet

Séance en hémicycle du jeudi 10 octobre 2019 à 9h00
Violences au sein de la famille — Présentation

Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice :

Je reviendrai brièvement sur les dispositions de la proposition de loi, au civil et au pénal. Le rapporteur l'a rappelé, le texte vise tout d'abord, au civil, à étendre le recours à l'ordonnance de protection. Le recours à ce dispositif est en constante progression depuis sa création : plus de 3 000 ordonnances de protection ont été prononcées depuis 2016.

Cette évolution positive – beaucoup moins marquée néanmoins qu'en Espagne – n'est toutefois pas suffisante. Il faut prolonger ce constat par des dispositions précises pour en assurer la pleine effectivité. La proposition de loi complète donc utilement le dispositif existant en incitant non seulement les parties mais aussi les avocats qui les assistent à solliciter les mesures prévues par les textes. Elle renforce l'effectivité de l'ordonnance de protection en précisant l'action du juge aux affaires familiales. C'est pourquoi le rappel du principe selon lequel la délivrance d'une ordonnance de protection n'est pas subordonnée à une plainte préalable a une vertu pédagogique.

Le texte renforce également le traitement de l'urgence, le rapporteur vient de le rappeler. La commission des lois a en effet voté l'amendement proposé par le rapporteur et soutenu par le groupe LaREM visant à instaurer « un délai maximal de six jours à compter de la fixation de la date de l'audience » pour que le juge aux affaires familiales rende sa décision.

J'aurai l'occasion de le rappeler : il est effectivement nécessaire de raccourcir les délais de prononcé des ordonnances de protection. Mais il est tout aussi nécessaire de respecter le principe du contradictoire et la nature spécifique de la procédure civile qui repose sur des principes différents de ceux du procès pénal. Il faut répondre à l'impératif de protection de la victime tout en permettant au défendeur de faire valoir ses arguments.

La rédaction proposée par la commission des lois dessine une voie, assortie d'un objectif de célérité que nous partageons tous. Peut-être sera-t-il encore utile d'affiner ce dispositif pour le rendre parfaitement opérationnel. C'est un travail que nous avons engagé avec le rapporteur ainsi qu'avec Guillaume Vuilletet. Je ne suis pas certaine que nous ayons tout à fait abouti à un dispositif juridiquement parfait. Mais nous avons progressé, et la navette nous permettra, j'en suis certaine, d'améliorer encore le texte.

Pour ce qui est du contenu de l'ordonnance de protection, le texte de la commission tend à imposer au juge civil qu'il se prononce sur chacune des mesures de l'article 515-11 du code civil. Là encore, je crois qu'on peut préciser ce dispositif pour maintenir la capacité du juge à se prononcer au vu des éléments présentés dans le dossier par les parties. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

Le texte tend en outre à renforcer la protection de la victime – le rapporteur y a insisté à juste titre – , en permettant au juge de lui attribuer le logement du couple dès lors qu'elle en fait la demande, les frais afférents à ce logement pouvant être mis à la charge de l'auteur des violences.

Ces évolutions permettent d'aller plus loin que le droit en vigueur, et c'est heureux.

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