Intervention de Aurélien Pradié

Séance en hémicycle du jeudi 10 octobre 2019 à 9h00
Violences au sein de la famille — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Je comprends parfaitement le fond de cette démarche, à laquelle, du reste, je souscris. Nous faisons tous le constat que, comme l'a rappelé tout à l'heure François Ruffin, les femmes qui se présentent dans des lieux qui ne sont pas habituels pour elles – commissariats ou gendarmeries – , et où elles ne se sont, pour la plupart, jamais rendues, doivent être accompagnées, y compris physiquement, dans ces procédures. Nous avons eu de nombreux témoignages du fait que, lorsque ces femmes font le choix très difficile d'aller parler, sachant par avance que leur parole sera sûrement questionnée, voire remise en cause, elles ont besoin d'un soutien et d'un accompagnement réels.

Ces amendements me semblent toutefois contre-productifs. La loi doit en effet permettre à ces femmes d'être accompagnées par qui elles le souhaitent. Ce peut être une association dont les compétences sont reconnues, mais toutes les associations n'ont pas ces compétences ; de sorte qu'il y a un certain danger à inscrire dans la loi un accompagnement par les associations, qui, dans certains départements, ne sont pas armées pour assumer cette procédure.

Les avocats spécialisés, quant à eux, le font très bien : dans une très écrasante majorité des cas d'ordonnances de protection – près de 95 % – , les femmes sont accompagnées par un avocat.

Il faut donc un accompagnement professionnel pour solliciter une ordonnance de protection, et cela n'est pas sans conséquences. En particulier, comme nous le verrons tout à l'heure, en cas de constitution de partie civile, il faut que les parties, notamment la femme en danger, se manifestent auprès du juge pour obtenir le maximum de protection.

La femme victime doit donc avoir connaissance de l'étendue de la protection que lui offre la loi, ce qui nécessite un accompagnement. Si j'émets un avis défavorable à propos de cet amendement, c'est parce que je crains que nous ne fassions supporter aux associations un poids trop important et inapproprié.

Je salue en revanche comme vous le rôle considérable que celles-ci assument. La modification législative que nous vous proposerons ensuite rappellera que l'ordonnance de protection est à la portée de toutes les femmes, accessible par tous les moyens et pas uniquement – j'insiste sur ce point – par l'intermédiaire des associations. Dans certains départements, des parquets ont passé des conventions, sans doute de bonne foi, avec une seule association. Or des remontées font état du caractère problématique de ce filtre unique. Il faut laisser aux femmes la possibilité de passer par différents canaux. Il est risqué, à mon sens, de citer spécifiquement les associations, car il faudrait aussi citer les avocats et tant d'autres possibilités d'accompagnement. Tout en partageant le fond de votre intention et votre hommage légitime aux associations, l'avis est donc défavorable.

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