Intervention de Aurélien Pradié

Séance en hémicycle du jeudi 10 octobre 2019 à 15h00
Violences au sein de la famille — Article 2

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La commission n'a pas eu le temps d'examiner l'amendement du Gouvernement. J'y serai favorable à titre personnel et j'invite M. Vuilletet à retirer l'amendement du groupe majoritaire, même si la commission y avait donné un avis favorable.

Il s'agit du second point capital de l'évolution de l'ordonnance de protection. Après les délais, nous réfléchissons à la possibilité pour le magistrat de statuer sur l'ensemble des outils que la loi lui offre. Rappelons quelques statistiques, déjà données ce matin. Dans un cas sur deux, le juge ne statue pas sur la question du logement. Dans 85 % des cas, il ne statue pas sur la suspension de l'autorisation de détenir et de porter une arme. Dans un cas sur cinq, le juge ne statue pas sur la restriction du droit de visite et d'hébergement des enfants du parent auteur des violences. Enfin, dans un cas sur six, le juge ne statue pas sur l'interdiction de contact entre l'auteur de violences et la victime.

Dans le fond, nous ne prenons pas cette mesure par crainte de voir le juge oublier ou refuser de statuer sur ces différents sujets. Simplement, et Mme la garde des sceaux l'a rappelé, en matière civile, le magistrat doit être sollicité par les parties. Or, il est bien des sujets sur lesquels les parties ne sollicitent pas le magistrat, soit par méconnaissance du champ d'intervention du juge, soit parce que ces femmes sont toujours sous influence. C'est toute la difficulté d'appliquer le droit civil aux violences conjugales. Lorsque ces femmes se présentent devant le juge aux affaires familiales pour solliciter la protection dans le cadre d'une ordonnance de protection, elles sont encore, pour la plupart, sous l'emprise de leur bourreau. Il leur est bien souvent extrêmement difficile, notamment pour ce qui concerne le sort des enfants, de solliciter d'elles-mêmes une décision du magistrat.

C'est pourquoi je reste réservé quant au principe, en raison de la nature même du rôle du juge civil. L'affaire appartient aux parties, c'est vrai, mais en l'espèce, l'influence, l'emprise à laquelle est soumise l'une des parties, l'empêche d'exprimer librement sa volonté.

Par précaution intellectuelle, mais factuelle dans la réalité, la nouvelle rédaction me semble convenir. Elle permettra de demander au magistrat de solliciter mécaniquement, si je puis m'exprimer ainsi, l'avis des parties sur chacune des compétences que la loi lui offre. Il rendra sa décision à partir de cet avis.

Nous comblons ainsi les fameux « trous dans la raquette » que nous évoquions tout à l'heure grâce à cette mesure aussi importante que celle relative au délai ou au bracelet anti-rapprochement.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.