Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mercredi 9 octobre 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

Vous vous préparez à commettre une faute lourde de conséquences pour la justice fiscale, pour les recettes de l'État et pour les collectivités territoriales. Permettez-moi de citer à nouveau le rapporteur général – mais de manière moins agréable cette fois – : « Si un impôt est injuste pour 80 % des Français, il ne peut pas être juste pour les 20 % qui restent ». Cette phrase étonnante est contraire à la promesse de campagne de M. Macron qui était de supprimer la taxe d'habitation seulement pour les 80 % les plus modestes. C'est absurde puisque je vous ferai remarquer que vous avez supprimé l'ISF mais pas l'IFI. Si on pense qu'un impôt est juste dès lors qu'il touche seulement 5 % de la population, il sera difficile de m'expliquer pourquoi un autre tout d'un coup serait injuste parce toucherait les 20 % les plus aisés. De la même manière, l'impôt sur le revenu n'est payé que par 43 % de la population. Finalement, le principe de la progressivité de l'impôt semble vous être étranger.

Si la taxe d'habitation est un impôt injuste, c'est parce que les valeurs locatives n'ont pas été révisées depuis 1970, ce qui fait que la taxe d'habitation d'un logement social à Paris est plus élevée que celle d'un pavillon dans le seizième arrondissement. Pour corriger cela, il suffisait de réviser les taxes locatives plutôt que de supprimer un impôt qui sera compensé, en partie, par l'augmentation de la TVA. Or, tout le monde sait bien que la TVA est l'impôt le plus injuste.

20 % des foyers les plus riches vont avoir un gain moyen de 1 158 euros grâce à la suppression de la taxe d'habitation, ce qui fait que 44,6 % des 17,6 milliards des baisses d'impôt profiteront aux 20 % les plus aisés. À l'inverse, les 16 % de personnes les moins favorisées en France qui ne payent pas de taxe d'habitation n'auront aucun gain. On augmente donc encore l'injustice fiscale.

Pour les collectivités, j'observe que c'est un coup supplémentaire porté à leur autonomie financière, coup qui pourrait même être fatal aux départements en raison de la disparition de toute forme d'indépendance fiscale. Je me demande si on ne s'attaque pas au triptyque issu de la Révolution : communes, départements, État.

Enfin, la compensation de cette réforme comporte de nombreuses incertitudes. Les projections du Sénat montrent que le maintien de la taxe d'habitation aurait permis une augmentation des recettes de cet impôt de 4 milliards d'euros d'ici à 2020. Le manque à gagner pour les communes en 2023 risque d'être bien plus important que les 17 milliards d'euros que vous promettez de compenser.

Il convenait donc d'éviter absolument de faire cette réforme. C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet article dont nous demandons la suppression.

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