Intervention de Pierre Dharréville

Séance en hémicycle du mardi 15 octobre 2019 à 15h00
Bioéthique — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

La technique nous change depuis la nuit des temps. Elle s'inscrit dans un processus civilisant et humanisant, à condition qu'elle ne prenne pas le dessus, qu'elle n'avilisse pas, qu'elle ne serve pas la destruction de nous-mêmes ; elle donne alors matière à améliorer la vie, à réparer, à suppléer. Elle ne peut pas tout, cependant – et elle ne doit pas tout. Nous devons conserver le recul nécessaire pour donner, si besoin, des coups de guidon, des coups d'accélérateur ou des coups de frein ; le recul qui permet d'élucider le sens pour respecter tout l'humain.

Or il faut bien mesurer que, si le moteur du développement technologique doit être la quête insensée du profit, nous perdrons. Les filets des accumulateurs de richesses sont jetés partout. Il faut les tenir à distance de la personne humaine dont ils pourraient, plus ou moins incidemment, faire un marché. Dès qu'il y a une demande, il s'en trouve quelques-uns pour fournir une offre. Et certains de penser que toute demande mérite une offre, que tout désir ou tout manque doit légitimement être comblé. Tout ne serait question que de prix à payer, comme si l'éthique pouvait s'en accommoder.

Nous avons vu, au cours de nos débats, que les intérêts privés cherchent à élargir le champ de leurs petites affaires. Il a fallu réaffirmer fermement que nul ne saurait faire commerce de la vie humaine, de la personne humaine et de tout ce qui relève de l'ordre de la personne, et que nul ne saurait instrumentaliser les corps. Il a fallu batailler pour préserver les logiques de don, et je regrette que ce projet de loi les ait en partie fragilisées.

Pour que cette loi soit pleinement bioéthique, pour qu'elle ne soit pas qu'une pétition de principe, pour qu'elle n'ouvre pas la porte à son contraire, il faut mettre sur la table les moyens de son application et les services publics qui lui correspondent. C'est là, souvent, que la bioéthique s'abîme dans les faits.

Comme le dit Lucien Sève dans son grand livre, Pour une critique de la raison bioéthique : « Dans ses développements actuels la biomédecine n'est pas une avancée comme les autres de nos savoirs et de nos pouvoirs. Elle est cette amorce de mutation vertigineuse où sous bien des rapports la condition humaine elle-même cesse d'être une donnée irréformable. » Or nos existences d'humains, acceptons-le, ont des limites et des exigences au-delà desquelles nous cesserions d'être le genre humain.

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