Intervention de Julien Denormandie

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 18h35
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargés de la Ville et du Logement :

Mme Krimi, vous avez tout d'abord évoqué la répartition des places d'hébergement d'urgence. Au moment où je vous parle, 4 900 places d'hébergement d'urgence ont été identifiées, dont 40 % en Île-de-France, 10 % en Auvergne-Rhône Alpes ; 7 % dans les Hauts-de-France ; 7 % en Occitanie et 7 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur. D'ici à la fin de l'année 2019, nous comptons parvenir à un total de 5 000 à 5 100 places, avec une répartition géographique à peu près identique, et ce, indépendamment des 1 000 places supplémentaires prévues, dont 250 seront dédiées à l'hébergement d'urgence.

S'agissant ensuite de s'assurer que les places d'hébergement créées seront fléchées vers les femmes victimes de violences, le décompte que j'ai donné résulte d'enquêtes visant à disposer d'un état des lieux, à un moment précis. Celui-ci établit que notre dispositif permet un tel accueil. Il ne s'agit cependant pas de places consolidées, comme un parc que nous aurions dédié aux femmes victimes de violences.

Nous sommes en train de créer un tel parc avec le système informatique que j'ai mentionné. Il faut toutefois pouvoir flécher des places, afin d'être certain qu'elles bénéficieront bien aux femmes victimes de violences, et que d'autres personnes ne prendront pas leur place dans des hébergements dédiés. Ce système, qui n'existait pas auparavant, est en train d'être finalisé.

Grâce aux premières réformes que nous avons portées ces dernières années, pour donner un rôle de coordinateur aux plateformes locales, les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO) ainsi qu'à ce système informatique, qui définira où se trouvent les places disponibles et en fournira un pilotage, nous parviendrons à identifier ces hébergements, à les flécher vers les femmes victimes de violences et à nous assurer qu'ils leur seront bien attribués de manière pérenne.

Vous évoquez un troisième élément, celui des coûts. Je vous prie d'excuser le caractère technique de cette précision, mais vous parlez en réalité des tarifs plafonds des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), qui sont, avec les nuitées hôtelières et les centres d'hébergement d'urgence, l'une des trois modalités de l'accueil en centre d'hébergement.

Les nuitées hôtelières, qui ne bénéficient pas de l'accompagnement que j'évoquais, représentent malheureusement une part trop importante de l'accueil en centre d'hébergement. Nous réalisons un effort important pour les diminuer. Pour la première fois cette année, nous avons même consacré 5 millions d'euros à un accompagnement dans les hôtels, qui permette aux personnes d'en sortir.

S'agissant des CHRS, nous nous sommes aperçus que les coûts des différentes structures varient de manière très importante. Nous avons donc lancé une réforme de la gestion des CHRS qui fixe des coûts cibles. Pourtant, des spécificités existent et certains de ces centres dépassent les coûts cibles car ils proposent un accompagnement très particulier, que la singularité des publics accueillis rend nécessaire, quel que soit son coût.

En plus d'avoir fixé des coûts cibles, nous avons fléché des crédits de la stratégie pauvreté – 10 millions d'euros en 2019 et 12 millions en 2020 – pour financer l'accompagnement spécifique de CHRS qui verraient leur tarif plafond diminuer car ils n'atteindraient pas le coût cible. Sur ce point, j'espère avoir été clair et reste à votre disposition.

Pour répondre aux propos de M. Nogal, que rejoignent ceux de Mme Calvez et de Mme la présidente, je dirai qu'il faut toujours partir des initiatives territoriales. Si, dans les centres d'hébergement, les trois catégories que j'évoquais coexistent, le dispositif Logement d'abord regroupe des structures très diverses, que l'on appelle des logements adaptés.

Il peut s'agir de logements très sociaux adaptés comprenant un accompagnement, financés par un prêt locatif aidé d'intégration (PLAI) adapté. L'hiver dernier, nous avons signé une convention qui permet de doubler le nombre de PLAI adaptés dans le parc existant.

On y trouve également les pensions de famille, une solution proche de ce que proposait Mme Calvez, avec quelques différences. Jusqu'à présent réservées à des publics en grande détresse, elles se caractérisent par une vie en communauté, à laquelle les femmes victimes de violences ne peuvent participer immédiatement. Il faut qu'un accompagnement soit pensé dès le début.

Quant à l'intermédiation locative, c'est-à-dire au fait pour des personnes seules ou non de disposer d'un logement par le truchement d'une association locative – elle peut inclure des colocations, le cas échéant –, elle a pour particularité que tout passe par une association. Le propriétaire du parc privé, qui loue son logement à l'association, en retire un avantage fiscal. J'en appelle à tous les propriétaires qui nous regardent : si vous avez des logements vacants, donnez-en les clés à ces associations pour faire de l'intermédiation locative.

Depuis le début du quinquennat, nous avons très nettement renforcé les crédits dans les domaines de l'intermédiation locative et des pensions de famille, et nous les augmentons encore de 35 millions d'euros dans le budget que nous aurons l'occasion de discuter prochainement.

Le goulet d'étranglement réside aujourd'hui dans la quantité de logements que nous arrivons à capter pour les confier aux associations. J'en appelle donc encore une fois à tous les propriétaires républicains qui disposent de logements vacants, pour qu'ils fassent le choix de les confier à une association. Ce dispositif permet de venir en aide et d'apporter des solutions concrètes à de nombreuses personnes, tout en étant sans impact financier, ni risque pour le propriétaire, car il prévoit des garanties de paiement des loyers et de remise en état du bien.

M. Nogal a également évoqué la garantie Visale – j'ai bien vu qu'il n'était pas nécessaire de convaincre un convaincu. Je souhaiterais cependant rappeler la nécessité de la faire connaître. Je salue à ce titre l'énergie que vous mettez à porter ces sujets dans tous les territoires. Vous l'avez dit, nous avons profondément revu ce dispositif. Aujourd'hui, un propriétaire qui loue un bien avec une garantie Visale est totalement assuré, notamment contre le non-paiement des loyers – trois ans de loyers sont assurés à compter du premier impayé, là où, dans notre pays, si les choses se passent mal, les procédures juridiques durent dix-huit mois en moyenne – et contre la détérioration du bien, par une garantie de remise en état.

Il faut faire connaître cette garantie auprès des propriétaires et des agences immobilières. Pour ces dernières, nous devions aller plus loin. Nous l'avons fait, en abordant la question de la rémunération. Aujourd'hui, la difficulté que nous rencontrons pour que la garantie Visale connaisse le succès espéré réside dans son déficit de notoriété. Pour autant, nous constatons une augmentation très significative des souscriptions. La dynamique est enclenchée : plus nous ferons connaître le dispositif, mieux il fonctionnera et plus il deviendra une habitude.

D'après les résultats disponibles, l'impact financier de la garantie Visale au sein d'Action logement, qui en gère le fonds de garantie, est tout à fait limité. Aujourd'hui, contrairement à des idées reçues, le risque d'impayés des moins de 30 ans, à qui cette garantie était initialement réservée, n'est pas supérieur au risque pour les plus de 30 ans. Je partage donc votre constat d'un vrai déficit de notoriété, qu'il nous faut résoudre.

Ayant déjà répondu à la question de Mme Calvez, j'en viens à celle de Mme Chapelier qui portait sur l'hébergement des auteurs de violences. Pour l'instant, nous n'avons pas abordé le sujet sous cet angle. Quelques actions ont été menées en ce sens, qui restent des initiatives territoriales. En 2019, le département de l'Aisne a par exemple créé dix places dédiées. Cela renvoie à la question de la double peine : non seulement une femme est victime de violences, mais encore, elle subit la violence de devoir quitter son domicile, ce qui s'explique souvent par l'urgence de la situation.

Comme l'a dit Mme Lazaar au sujet de la proposition de loi qu'elle a évoquée, cela renvoie à la question de l'éloignement du conjoint. Pour l'instant, nous n'avons pas abordé le problème sous cet angle, ce qui ne signifie pas qu'il ne faille pas le faire. Au regard de ce que j'ai dit depuis le début de l'audition, vous voyez cependant tout ce qu'il était nécessaire de réaliser afin de mieux piloter, de mieux identifier, d'augmenter, de fluidifier les places, tout en garantissant un meilleur accompagnement. Nous avons donc adopté l'angle de l'accompagnement de la femme victime de violences, non de l'auteur des agressions.

En écho au troisième point de votre intervention, Mme Lazaar, cette question renvoie également à l'accès au logement. Je souhaiterais d'ailleurs vous féliciter pour le rapport que vous avez rédigé dans le cadre de cette proposition de loi. Les points que vous soulevez sur le contingent préfectoral, en particulier, ou sur l'attribution des logements sont extrêmement importants.

Nous avons déjà modifié certains éléments. Pour d'autres, nous pouvons aller plus loin. S'agissant du logement social, Mme Calvez l'a dit, certaines modalités étaient impossibles. Jusqu'à la loi portant évolution du logement, de l'aménageant et du numérique (ELAN), la colocation, par exemple, était extrêmement compliquée car le bail pouvait être requalifié. Je vous épargne les détails, mais c'était la réalité.

Un second élément modifié par la loi ELAN est peu connu, bien qu'il soit appliqué : nous avons mis fin à la garantie conjointe et solidaire d'une femme victime de violences, une fois que le jugement a été prononcé. Il s'agit là d'une vraie avancée, même s'il faut attendre le jugement, car la femme n'est plus solidaire du règlement du loyer avec son conjoint violent. Cela répond donc à votre question, Mme la présidente.

Outre ce qui a déjà été fait, nous n'avons pas suffisamment avancé sur un autre point, facile à énoncer, mais beaucoup plus compliqué à concrétiser et sur lequel je suis prêt à travailler avec vous. En effet, lorsqu'une femme est liée par un bail avec son conjoint, elle ne peut pas recevoir d'autre logement dans le parc social. Ce point relève très probablement de la loi, c'est pourquoi je suis prêt à ce que nous l'étudions, pour voir jusqu'où nous pourrons avancer car si la loi ELAN a déjà conduit à de belles avancées, nous pourrions peut-être aller encore plus loin. Je parle là avec beaucoup de précaution – cela semble facile à dire mais plus compliqué à mettre en place.

Il est certain que, depuis 2010, les femmes victimes de violences sont un public prioritaire d'accès au logement social. Je l'ai dit en signant la convention avec les bailleurs sociaux la semaine dernière, on voit là la différence entre les droits formels et les droits réels car ces femmes sont un public prioritaire, parmi 14 autres publics prioritaires.

La question est donc d'organiser véritablement l'accompagnement vers le logement. C'est pourquoi, à cette priorité donnée par la loi, j'ai préféré signer un accord avec les bailleurs sociaux et les associations, qui met en avant le chemin à suivre pour mieux accompagner les femmes victimes de violences vers un logement, notamment social, en identifiant des places et en améliorant l'accompagnement avec les crédits supplémentaires du fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL) que j'ai évoqué.

Enfin, Mme Lazaar, vous avez rapporté un cas aberrant, qui malheureusement existe. L'engagement doit être celui de toute la société : les voisins sont là pour accompagner cette solidarité et composer le 3919, plutôt que le numéro du propriétaire afin de demander d'exclure les victimes de violences. C'est un sujet de société et, par là même, d'accompagnement, une fois que l'association ou l'État a identifié la difficulté. La réponse ne peut évidemment pas être de se voiler la face et de demander aux personnes de quitter le domicile.

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