Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du jeudi 10 octobre 2019 à 16h00
Commission des affaires sociales

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

En introduction et pour répondre à M. Jean-Pierre Door, je remarque que si la réforme institutionnelle est un jour discutée et adoptée par le Parlement, nous pourrions éventuellement revoir la façon dont les textes financiers, projet de loi de finances (PLF) et PLFSS, sont examinés. En effet, ils sont très insérés dans un cadre constitutionnel. Les ministres sont les premiers à souhaiter que l'on puisse améliorer un certain nombre de pratiques en la matière.

Vous parlez des délais relatifs au dépôt des amendements : lorsque nous venons devant la commission juste après la présentation du texte en Conseil des ministres, on nous reproche de manquer de temps pour en prendre connaissance, et lorsque nous sommes auditionnés un peu plus tard, comme c'est le cas au Sénat, on nous reproche de ne pas venir juste après la présentation du texte. Ce type d'observations émane de l'opposition, quelles que soient les majorités.

La question du calendrier des textes financiers et de leur imbrication pourra se poser dans le cadre de la réforme institutionnelle et permettra de répondre à une interrogation soulevée par tous les commissaires des affaires sociales depuis que le PLFSS a été inventé. Votre expérience en témoigne, monsieur le député.

Nous avons beaucoup travaillé à ce projet de financement de la sécurité sociale. C'est un texte financier auquel le ministère des comptes publics est évidemment très attentif. En effet, plus de la moitié des dépenses publiques sont des dépenses sociales. En outre, les cotisations sociales représentent une part très importante des prélèvements obligatoires, devant même la TVA.

J'aborderai les questions d'équilibre des branches et de recettes. Comme nous le faisons traditionnellement, Mme la secrétaire d'État évoquera plus particulièrement les dépenses et les questions de santé.

Tout d'abord, je tiens à préciser que ce PLFSS ne prévoit pas de mesures relatives aux retraites. En effet, un texte particulier sera déposé ultérieurement par le Gouvernement sous l'autorité conjointe de la ministre des solidarités et de la santé et du haut-commissaire aux retraites. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre a décidé de présenter un projet de loi de programmation des finances publiques qui s'adapte aux nouvelles prévisions de croissance et aux dépenses effectuées postérieurement au dépôt du projet de loi relatif à la réforme des retraites. Bien évidemment, la question des retraites ou encore le Brexit ont une incidence sur la trajectoire des finances publiques.

Nous devons discuter de plusieurs sujets relatifs aux comptes publics et notamment du déséquilibre constaté de la sécurité sociale. Le déficit s'élève en effet à 5,4 milliards d'euros, alors que le Gouvernement avait prévu un excédent d'un peu plus de 100 millions d'euros. Avant d'évoquer plus avant les causes de ce déficit, je voudrais rappeler que les mesures d'urgence annoncées par le Président de la République et adoptées par l'Assemblée comme par le Sénat, ne sont pas les uniques responsables du « trou » de la sécurité sociale. La dégradation de la conjoncture économique en est la principale cause. En effet, la diminution des recettes qui en résulte pour la sécurité sociale s'élève à 2,5 milliards d'euros. La désocialisation des heures supplémentaires, qui a simplement été anticipée puisqu'elle a été appliquée non pas en septembre mais dès le mois de janvier, n'intervient en revanche qu'à hauteur de 1,2 milliard d'euros. Quant à l'annulation de la hausse de la contribution sociale généralisée (CSG) des retraités percevant moins de 2 000 euros, elle porte sur 1,5 milliard d'euros.

Par ailleurs, nous constatons que la branche vieillesse accuserait en 2022 un déficit de 5 milliards d'euros. Nous attendons les nouvelles prévisions, afin de savoir quel sera exactement l'équilibre de la branche vieillesse, en fonction notamment de la conjoncture économique, des cotisations des actifs et du poids de la fonction publique ; vous connaissez l'importance de ce dernier point dans les prévisions du conseil d'orientation des retraites.

Le Gouvernement déplore bien évidemment le « trou » de la sécurité sociale, mais il a fait le choix de la baisse massive des impôts et de la sincérité des comptes. L'objectif demeure de résorber le déficit à l'horizon de 2023 ou 2024. Je vous rappelle qu'en 2010, la sécurité sociale avait connu un déficit de 24 milliards d'euros, en raison de la crise économique et de l'effondrement de la conjoncture qu'elle avait entraîné. En outre, même en 2017, le Gouvernement a trouvé un déficit de la sécurité sociale de 5 milliards d'euros. Pour autant, ce déficit, qu'il faut résorber, n'empêche pas le champ social de fonctionner.

Bien évidemment, les dépenses sociales ne se limitent pas à la sécurité sociale, puisque de nombreuses prestations sociales, dans le budget de Mme Pénicaud, comme dans celui de Mme Buzyn, relèvent du champ de l'État. Le PLF et le PLFSS sont complémentaires. Si l'on évoque le débat sur l'immigration, l'aide médicale de l'État (AME) provient de crédits d'État, tout comme la prime d'activité, dont la forte augmentation a été décidée par le Président de la République. Tel est le cas également d'autres prestations sur lesquelles je ne reviendrai pas.

Le déficit de la sécurité sociale s'établit donc à 5,4 milliards d'euros et son retour à l'équilibre a donc été repoussé à 2023. Les prévisions économiques ajustées seront différentes de celles que nous avions établies, lorsque nous pensions au début de l'année 2018 que la croissance serait de 1,7 %.

Je voudrais ensuite évoquer les mesures que nous pérenniserons dans le cadre du PLFSS. Tel sera le cas de la prime dite « Macron », nous aurons l'occasion d'en parler. Cette prime a été défendue par les ministres, en particulier par la ministre du travail. Dès l'origine, nous avions décidé collectivement qu'elle n'aurait pas d'impact sur les finances publiques. Comme la loi elle-même le précisait, cette prime ne constituait pas une perte pour la sécurité sociale. Nous avons donc décidé de reconduire cette prime exceptionnelle, en la conditionnant aux accords d'intéressement, afin d'éviter tout abus et de favoriser un meilleur partage entre le capital et le travail. À cet égard, cette reconduction correspond à ce qu'a souhaité le Gouvernement dans le cadre de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (« PACTE »).

S'agissant des non-compensations, le rapport Charpy-Dubertret privilégiait le « chacun pour soi ». De manière générale, la non-compensation entre l'État et la sécurité sociale n'est pas nouvelle, elle était déjà d'actualité au cours des précédents quinquennats. De nombreux exemples datant du dernier quinquennat ont d'ailleurs été évoqués. En outre, la non-compensation était prévue dès le programme de stabilité adopté par la majorité parlementaire au mois d'avril dernier. Elle porte aujourd'hui sur la désocialisation des heures supplémentaires sur un certain nombre d'autres points. Mais, comme nous l'avons dit en Commission des comptes de la sécurité sociale, cela s'accompagne de l'abandon d'autres décisions. La sécurité sociale aurait dû ainsi verser à l'État 3 milliards d'euros répartis comme suit : 1,5 milliard d'euros pour la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) et 1,5 milliard d'excédents de TVA, qui auraient dû être répartis de façon équitable, comme le prévoyait le rapport Charpy-Dubertret. La part de TVA perçue par la sécurité sociale est en effet de plus en plus importante, puisque la compensation de la recette d'État versée à la sécurité sociale avoisine désormais 57 milliards d'euros.

Nous devrons également discuter de sujets qui intéressent particulièrement la ministre de la santé, tels que la fixation de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM). Celui-ci restera à 2,3 %, soit l'objectif fixé au début des travaux sur la loi de programmation des finances publiques. Je rappelle que 0,1 point d'ONDAM correspond à 205 millions d'euros. Il y aura donc un tendanciel de mesures nouvelles à hauteur de 4,6 milliards d'euros. Cet objectif est difficile à tenir, puisque nous rattrapons les années précédentes – en 2015 et en 2016, l'ONDAM était inférieur à 2 % – et que nous devons faire face au vieillissement de la population. Cela me permet d'évoquer la question du grand âge et de la dépendance sur laquelle reviendra la secrétaire d'État. Des crédits engagent d'ores et déjà le financement de la dépendance, avant les décisions qui pourraient être prises à la suite à du rapport Libault, et le texte législatif qui sera déposé sur le bureau du Parlement.

Sur la déduction forfaitaire spécifique, la fin de la niche sociale s'élève à 423 millions d'euros sur un total de 2 milliards d'euros. Ce point concerne uniquement les charges patronales, et non pas les charges salariales. Dans son dernier rapport, la Cour des comptes a évoqué un certain nombre de niches sociales : nous aurons l'occasion d'y revenir.

Par ailleurs, je souhaite revenir sur la façon dont le Gouvernement a présenté le texte relatif à l'indexation des retraites. Une disposition a été invalidée par le Conseil constitutionnel. Elle a été modifiée lors d'une annonce du Président de la République : à partir de 2 000 euros, l'indexation s'établit à 0,3 % ; en dessous de cette somme, elle est égale à l'inflation. Indépendamment du montant qui déclenche l'indexation, il existe un autre changement. En 2017, lorsque le Gouvernement a présenté la mesure, l'indexation se faisait sur le revenu fiscal de référence (RFR). Cela signifie que l'intégralité des revenus était prise en compte pour un couple. Désormais, le montant retenu comme seuil de déclenchement, à savoir 2 000 euros bruts, est un montant individuel, qui n'est pas corrélé au RFR. Ainsi, ce n'est plus l'intégralité des revenus qui est prise en compte pour déclencher l'indexation ou la sous-indexation, mais la pension individuelle, et le cas échéant les pensions complémentaires, perçues par une seule et même personne. De ce fait, 77 % des retraités seront indexés sur l'inflation.

Je voudrais également souligner l'importante réforme de l'unification du recouvrement qui est incluse dans ce PLFSS. La simplification concerne notamment les entreprises, qui doivent s'adresser à plusieurs autorités utilisant le recouvrement. Il s'agit là d'une source de complexité. Il est prévu dans le PLF un recouvrement simplifié avec des dates de mise en place entre la direction générale des douanes et droits indirects, et la direction générale des finances publiques (DGFiP). La même disposition devra s'appliquer dans le champ social, selon des dates arrêtées avec les professionnels : en 2022, les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) reprendront les cotisations de l'AGIRC-ARRCO et en 2023, les régimes de la fonction publique seront à leur tour concernés. Hormis dans l'exposé des motifs, nous n'avons pas abordé les professions libérales, qui font l'objet d'études complémentaires. Nous attendons donc le terme de la discussion qui sera menée avec les professionnels pour savoir comment mettre en place le recouvrement. Celui-ci fait écho à la volonté d'instaurer un système de retraite par points, qui figure dans le projet de loi relatif à la réforme des retraites, défendu par Mme Buzyn et M. Delevoye.

Je ne détaillerai pas l'ONDAM entre médecine hospitalière et médecine de ville, sur lequel reviendra Mme la secrétaire d'État. Je voudrais simplement souligner que le Gouvernement a exécuté fidèlement et sincèrement ce que le Parlement lui a accordé, c'est-à-dire un objectif à 2,5 %, – et à 2,3 % l'année précédente. Nous pourrons sans doute – les chiffres ne sont pas encore complets – reverser des fonds aux hôpitaux pour leur désendettement, avec une visibilité sur les tarifs comme nous l'avons fait l'an dernier à hauteur de 300 millions d'euros. Nous serons en mesure d'exécuter l'ONDAM à 2,5 % sans dépassement cette année encore d'après les chiffres communiqués par la direction de la sécurité sociale.

Je ne reviendrai pas non plus sur le financement de la dépendance ni sur la baisse très importante des impôts que ce PLFSS consacre en même temps que le PLF. Je rappelle simplement que la baisse d'impôt atteindra 40 milliards d'euros sur l'ensemble du quinquennat, dont 27 milliards d'euros pour les ménages, un montant sans précédent. Je laisserai également Mme la secrétaire d'État exposer la mesure relative aux pensions alimentaires.

Je terminerai en évoquant une mesure de simplification très importante, que nous devions aux travailleurs indépendants. La réforme du Régime social des indépendants a été menée avec succès, sans mobilité forcée et en simplifiant le travail des indépendants. J'en remercie les responsables syndicaux et managériaux. Les indépendants remplissent trois déclarations différentes : pour le revenu fiscal relatif à leur revenu propre, pour le revenu fiscal relatif à leur activité économique et enfin pour la fiscalité sociale. En 2021, les indépendants rempliront un seul document relatif au volet fiscal et en 2022, ils n'en rempliront plus qu'un seul en tout et pour tout. En deux ans, nous serons donc passés pour les indépendants de déclarations non pré-remplies à des déclarations pré-remplies, et de trois à deux, puis à un seul document. Cela s'inscrit dans la continuité, bienvenue, des mesures de renforcement prises en faveur des travailleurs indépendants, et de la simplification promise en septembre 2017 par le Premier ministre lors d'un déplacement à Dijon.

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