Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du jeudi 10 octobre 2019 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Le PLFSS 2019 a été le noeud d'une question sociale toujours plus prégnante. Vous avez d'ailleurs été obligés d'y retoucher sans le renier vraiment. Son petit frère, pour 2020, est un budget de sous-financement, d'affaiblissement et d'appauvrissement de la sécurité sociale.

L'État a décidé de prendre à la sécurité sociale une partie de ses recettes et de ses excédents potentiels, tout en lui laissant ses déficits. Résultat, il manque 5,8 milliards dans les caisses en 2019, l'équivalent du déficit du régime général. En 2020, le déficit atteindra 5,1 milliards d'euros. La sécurité sociale est confrontée à une crise de financement, organisée pour justifier la compression des dépenses sociales et préparer les esprits au déclassement généralisé de la réforme des retraites.

Hormis le coup de rabot sur la déduction forfaitaire spécifique, vous ne proposez jamais d'actionner le levier des recettes dans ce projet de loi. Il n'y a donc jamais eu autant de trous dans la raquette, avec diverses mesures d'exonération de cotisations sociales qui ont atteint des sommes astronomiques. On se perd dans les chiffres : 66 milliards d'euros selon le Gouvernement, 90 milliards selon la Cour des comptes. Ces mesures ne sont pas compensées. Je ne m'attendais pas à ce que les communistes soient au coeur du débat, mais je m'en félicite : la « loi Veil », effectivement, n'a pas empêché les non-compensations des allégements de cotisations patronales. C'est un débat sur lequel nous pourrons revenir.

Vous nous avez appelés à ne pas porter un regard strictement comptable sur ce PLFSS. Sans faire offense à Léonard de Vinci, ce budget, c'est un peu la Joconde : si l'on vous écoute en parler, il est magnifique, mais quand on se retrouve devant, on est quand même un peu déçu parce qu'il est tout petit !

Bien sûr, il y a quelques touches chatoyantes, dont l'indemnisation du congé de proche aidant. Je me réjouis que ma proposition de loi ait atteint son but. J'y vois une bonne nouvelle, même si ce ne peut être qu'un premier pas.

La faiblesse de la prise en charge de la perte d'autonomie nous inquiète, les 500 millions d'euros prévus ne sont pas à la hauteur du défi. Pour rappel, le rapport Libault sur la dépendance estime les besoins de financement à hauteur de 6 milliards d'euros par an. Ce sont selon moi des dépenses qui devraient être incluses dans le périmètre de la sécurité sociale.

Vous menez avec constance votre politique de baisse du coût du travail au profit des entreprises. Elle a un prix, mais peu de résultats : 22 milliards de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) pour 100 000 emplois créés ou sauvegardés, selon les études, 26 milliards d'allégements généraux, distribués sans contrepartie. Ces choix budgétaires, lourds de conséquences, privent la sécurité sociale de son autonomie – une autonomie pourtant nécessaire à la promotion de la solidarité et à la redistribution des richesses.

Vous évoquez un budget en faveur du pouvoir d'achat mais on cherchera en vain les progrès en la matière. Pour le domaine de la santé, c'est le régime sec : 4,2 milliards d'euros d'économies exigées par rapport à l'évolution naturelle des dépenses d'assurance maladie, une somme qui vient s'ajouter aux 8 milliards d'économies exigées et, hélas, obtenues en 2018 et en 2019.

La situation dans les hôpitaux de notre pays est intenable, et insoutenable. C'est un drame quotidien. J'ai rencontré il y a quelques jours les personnels de l'hôpital de ma circonscription : franchement, on ne peut pas en rester là. Il faut des mesures d'urgence, nous en proposerons dans les jours qui viennent. Il est impossible de s'en tenir au budget que vous proposez !

La ministre de la santé a dit qu'avec ce budget, vous préserviez l'hôpital. Je pense au contraire que nous abîmons encore un peu plus le service public hospitalier. Après avoir annoncé une enveloppe de 750 millions d'euros pour les urgences, étalée et prise sur des crédits existants, vous demandez maintenant aux hôpitaux un effort supplémentaire de 1 milliard d'euros. Il faut sortir de cette logique de compression de l'ONDAM : elle répond à une logique de comptabilité publique qui ne tient pas compte des besoins de santé de nos concitoyens et des conditions de travail des personnels hospitaliers.

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