Intervention de Joël Giraud

Séance en hémicycle du lundi 21 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 36 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Giraud, rapporteur général de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Quelques mois nous séparent désormais du renouvellement, au printemps dernier, du Parlement européen, au terme d'élections marquées par le rebond de la participation des Européens. Si la configuration politique qui en ressort est plus complexe et moins stable que sous la législature précédente, et si l'euroscepticisme a progressé dans certains pays, les citoyens européens ont montré, dans leur majorité, leur attachement à l'Union européenne, à ses acquis et à ses capacités de progrès.

Le débat de cet après-midi a précisément pour objet d'éclairer notre vote sur la contribution de la France au financement des politiques de l'Union. Il nous appartient, en tant que représentants de la nation, de consentir au prélèvement de cette contribution sur nos recettes nationales.

De même que l'article 1er de nos projets de loi de finances, qui garantit le consentement à l'impôt, l'article 36 du PLF pour 2020, consacré au prélèvement sur recettes – PSR – au profit de l'Union européenne, a en outre une portée politique. Nous sommes amenés à apprécier le montant de ce prélèvement qui, dans chaque PLF, n'est qu'un ordre de grandeur indicatif : son montant effectif précis dépendra en effet de règles de ressources fixées par les traités et les engagements budgétaires de l'Union, ainsi que des débats budgétaires européens à venir. Nous sommes également amenés à constater l'importance que revêt le vote annuel de l'Assemblée nationale en faveur de la participation matérielle de la France au projet européen.

Ce vote n'est en rien une affaire isolée et hors norme au sein du travail parlementaire français. La prise en compte par l'Assemblée nationale de l'action de l'Union est quotidienne et constante. Droit français et droit européen sont fortement imbriqués et évoluent au gré d'influences réciproques qui s'accentuent – nous le constatons lors de l'examen de nos textes nationaux. L'évaluation parlementaire de nos politiques publiques, même lorsque ces dernières sont éloignées des compétences des institutions européennes, gagne en acuité lorsqu'elle se connecte aux principes et aux pratiques de nos voisins européens.

Les députés français, enfin, sont par construction des parlementaires attentifs à l'Union européenne. Les commissions des affaires étrangères et des affaires européennes fournissent un travail d'observation et d'éclairage des débats européens afin de faire entendre la voix de l'Assemblée nationale à Bruxelles et à Strasbourg.

Les nombreuses résolutions européennes que nous adoptons sont le signe du vif intérêt des parlementaires français pour les enjeux européens. La commission des affaires européennes s'apprête ainsi à débattre d'une proposition de résolution sur la réforme du droit d'asile, à l'initiative de nos collègues Ludovic Mendes et Marietta Karamanli. Les procédures d'accueil et de transit doivent respecter scrupuleusement les valeurs de solidarité et de défense des droits de l'homme qui sont au fondement de la construction européenne et au coeur de l'Europe telle que nous la souhaitons.

Quant à la commission des finances, elle sera prochainement impliquée dans la discussion et le vote d'une proposition de résolution européenne visant à accentuer la pression française sur le projet de transposition du dernier paquet de supervision bancaire, « Bâle 3 », qui, en l'état, pourrait desservir nos intérêts économiques au profit de nos concurrents internationaux, notamment nord-américains.

L'Assemblée nationale a enfin adopté, le 8 octobre dernier, une résolution dont le premier signataire est le président Ferrand et qui fait suite à la constitution de l'Assemblée parlementaire franco-allemande. Comme l'indique son intitulé, la résolution vise à la promotion d'une amitié franco-allemande au service de l'Europe.

Pour aborder plus précisément notre débat de ce jour, les députés français s'intéressent également à l'Union européenne du point de vue budgétaire. Ce débat est assis remarquablement éclairé par les rapports sur le prélèvement sur recettes remis par nos collègues Xavier Paluszkiewicz, au nom de la commission des finances, Pascal Brindeau, au nom de la commission des affaires étrangères, et Alexandre Holroyd, au nom de la commission des affaires européennes.

Je note également que le jaune budgétaire sur les relations financières avec l'Union a été mis en ligne par le Gouvernement dans des délais qui ont permis au Parlement d'en prendre connaissance et de l'exploiter. J'en remercie particulièrement Mme la secrétaire d'État, car c'est la première fois depuis fort longtemps, et je la sais attachée au respect du Parlement.

Le prélèvement sur recettes au profit de l'Union s'élève, dans le PLF pour 2020, à 21,3 milliards d'euros, en hausse de 100 millions d'euros environ par rapport au montant prévu pour 2019. Les exécutions des années précédentes nous invitent cependant à la prudence quant à la valeur de ses prévisions : en 2018, le montant voté de 19,9 milliards a été surexécuté à hauteur de 20,6 milliards, tandis qu'en 2017, nous avons constaté une forte sous-exécution de 2,5 milliards d'euros – seuls 16,3 milliards ont effectivement été transférés, au lieu des 18,7 adoptés initialement.

Le PSR effectif dépend en effet des équilibres du budget européen pour 2020, en cours de discussion. Il dépend aussi de la mobilisation effective des fonds pour les dépenses correspondantes, dans un contexte où le PSR que nous devons consentir est le dernier d'un cadre pluriannuel de sept ans. En d'autres termes, alors que le Parlement européen et Commission européenne se renouvellent, un nouveau cadre financier pluriannuel de sept ans, de 2021 à 2026, est en cours de négociation. Les futurs prélèvements sur recettes que nous devrons autoriser refléteront donc les nouvelles priorités d'action de l'Union européenne à moyen terme, sinon à long terme, entre soutien aux politiques traditionnelles et appui aux nouveaux besoins de l'Union, notamment en matière de politiques migratoire et environnementale. Ce rappel a un mérite : sous l'enveloppe comptable du PSR au profit de l'Union européenne se dessine, en réalité, la contribution à un projet politique en plein renouvellement.

J'ai la conviction qu'à ce moment charnière, la France doit peser de tout son poids pour que les priorités de ce projet politique correspondent pleinement aux attentes des citoyens français, qui sont profondément des citoyens européens. Cette ambition est légitime pour plusieurs raisons.

La France est, avec l'Allemagne, l'héritière de l'ambition originaire de la construction européenne, avec ses valeurs pionnières. Comme l'écrivait l'an dernier le président Maurice Leroy dans le rapport pour avis de la commission des affaires étrangères, désormais assuré par notre collègue Pascal Brindeau, l'Union européenne est beaucoup plus qu'un carnet de chèques : c'est une union de valeurs. La France doit prendre sa part dans la défense de ces valeurs.

Cette légitimité, toutefois, n'est pas seulement un droit acquis, un droit d'aînesse en quelque sorte. La France continue aujourd'hui de porter le projet européen. Si vous me permettez de mettre de côté le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne sont les deux principaux contributeurs nets au budget européen. Malgré les limites de cette logique de caisse, cela signifie que la France mobilise davantage de ressources au profit de l'Union qu'elle n'en tire de bénéfice financier stricto sensu, en termes d'argent public. Ce solde net oscille autour de 7 milliards d'euros, selon les méthodes de calcul.

Le projet politique de l'Union européenne, enfin, est aussi un projet économique. Or, selon les dernières estimations, la France est en 2019 le principal moteur de la croissance dans la zone euro. Son dynamisme économique, largement dû aux mesures que nous avons adoptées depuis le début du quinquennat, est supérieur à celui de nos principaux partenaires européens et les tire vers le haut. La France tire la zone euro, tout en appelant à ce que celle-ci se dote d'un vrai budget pour encaisser les chocs économiques et lisser les effets de conjoncture.

De façon plus générale, je suis favorable à ce que l'influence de la France soit, autant que possible, exploitée à son bénéfice, dès lors que notre pays soutient la mise en oeuvre de politiques favorables à l'approfondissement et à l'aboutissement de l'Union.

Pour nous en tenir au thème budgétaire qui nous occupe, il s'agit notamment de promouvoir un certain nombre de réformes. Je pense tout d'abord à la refonte du système des ressources propres de l'Union dans un sens plus favorable à l'intégration fiscale des États membres. De nouvelles ressources sont à portée de main : pourquoi ne pas utiliser le produit de la taxe sur les services numériques que nous avons adoptée en France, et qui pourrait essaimer ? Pourquoi ne pas s'appuyer sur l'affectation d'une partie des recettes d'enchères de quotas du marché européen du carbone ?

À ce propos, le développement de la tarification du carbone pour de nouveaux secteurs non encore couverts par le marché européen du carbone serait pertinent, afin d'encourager la réduction des émissions de gaz à effet de serre et l'investissement dans les technologies vertes innovantes. Plus prometteur et plus important encore, il faut désormais penser sérieusement à instaurer des droits carbone à l'entrée de notre marché unique. Il convient de protéger nos économies, d'accroître nos ressources communautaires et de favoriser une production durable et locale.

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