Intervention de Alexandre Holroyd

Séance en hémicycle du lundi 21 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 36 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd :

Nous examinons aujourd'hui le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne. Derrière cet acronyme transparaissent un engagement financier et, surtout, des actions concrètes menées en faveur des citoyens européens.

Pour 2020, la contribution française est évaluée à 21,3 milliards d'euros, soit un montant proche de la prévision effectuée pour 2019.

Je remarque d'emblée, comme l'a fait le Haut Conseil des finances publiques, que la prévision de contribution française en 2020 est en légère diminution, alors qu'elle est la dernière du cadre financier pluriannuel. Or, historiquement, la dernière année, on observe plutôt une accélération des dépenses de l'Union. Cela s'explique en grande partie par le décalage dans le temps entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.

Deuxièmement, le départ du Royaume-Uni de l'Union européenne fait également peser de lourdes incertitudes sur cette contribution. Les aléas du Brexit ne sont pas sans conséquences sur le budget 2020, puisque la proposition de budget européen repose sur l'hypothèse de la participation du Royaume-Uni. En cas de sortie sans accord, la Commission a certes présenté un règlement de contingence permettant au Royaume-Uni de continuer à bénéficier des financements européens et de maintenir sa contribution, mais cela ne permet pas de dissiper toutes les craintes liées aux conséquences du départ du deuxième contributeur net au budget de l'UE.

Ceci étant, il me semble judicieux de revenir sur ce que la contribution française à l'Union européenne apporte concrètement à nos concitoyens. Un budget, qu'il soit européen ou national, ce n'est pas seulement des chiffres : ce sont des politiques publiques, des actions, pour notre pays, nos régions, nos citoyens.

La contribution française va à un budget européen qui doit être à la hauteur de nos priorités politiques. Au-delà des politiques traditionnelles comme l'agriculture, le budget 2020 consacre 35,3 milliards d'euros au financement de la transition écologique. Les fonds européens encouragent les projets bas-carbone, comme à Amiens : le réseau de chaleur Amiens Energies, cofinancé par l'Europe, utilise les énergies renouvelables et améliore la qualité de l'air respiré par les Amiénois.

Le prochain cadre financier pluriannuel doit accroître cette ambition écologique. J'ai encore en mémoire les propositions faites lors des élections européennes : rendre le budget européen 100 % compatible avec l'Accord de Paris et doubler le montant qu'il consacre à la transition écologique. Alors que les sécheresses et les canicules se font chaque année plus fortes, à l'heure où chaque citoyen est confronté aux effets du dérèglement climatique, les efforts et l'argent européens doivent soutenir corps et âme ce nouveau Green Deal européen, priorité de la nouvelle Commission. En mots plus simples, cette contribution française que nous évoquons aujourd'hui nous permet de redoubler de vigueur dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Le financement de l'innovation et de la recherche doit également nous donner les moyens de relever ce défi écologique. Les projets scientifiques consacrés à l'environnement font déjà partie intégrante du programme européen Horizon 2020, avec des recherches sur l'économie circulaire ou les énergies renouvelables. Mais le futur Conseil européen de l'innovation, financé par le budget européen, et donc par notre contribution, devra ériger l'innovation environnementale en priorité absolue. Alors que nous avons raté bien des tournants technologiques, l'Europe ne peut passer à côté des innovations vertes, comme le projet de construction d'une filière européenne de batteries pour voitures électriques, désormais soutenu par la France et l'Allemagne avec la construction d'une usine en Nouvelle-Aquitaine.

La capacité de l'Europe à protéger ses citoyens des conséquences des bouleversements du monde repose sur l'affirmation de sa souveraineté. La contribution française au budget européen soutient le développement d'une capacité militaire européenne et d'une véritable autonomie stratégique. Comment construire une Europe qui se défend efficacement alors qu'il existe dix-sept modèles de chars européens, tandis que les États-Unis n'en comptent qu'un ? Le Fonds européen de la défense, doté de 525 millions d'euros, permet d'aider nos entreprises à développer des projets industriels communs. La mise en commun de nos forces est la condition d'une Europe capable de défendre ses valeurs dans le monde de demain.

C'est désormais une évidence : partout en Europe, la gestion nationale des enjeux migratoires manque d'efficacité, à la fois dans le traitement des demandes d'asile et dans le contrôle des frontières. Une harmonisation est impérative, et je me réjouis que le budget 2020 augmente de plus d'un tiers les moyens alloués tant à l'agence Frontex qu'au Bureau européen d'appui en matière d'asile. Le corollaire de la liberté de mouvement, c'est davantage de cohérence entre les politiques d'asile de chaque État membre. Notre contribution au budget européen y participe.

Écologie, économie, protection, asile : ce sont bien des espoirs que nous plaçons dans ce budget européen. L'année dernière, de cette tribune, je vous disais que j'entendais bien souvent le même refrain : c'est au niveau européen qu'il faut trouver une solution. De la justesse de cette affirmation, je suis bien convaincu – mais comment alors expliquer que le budget européen reste équivalent à 1 % de notre richesse collective ?

Pour faire face sur tous les fronts où nous l'envoyons, l'Europe doit pouvoir se doter de ressources propres. Aujourd'hui, deux tiers de ses ressources proviennent directement des États membres, via la contribution française que nous étudions aujourd'hui, et celles des autres pays européens. Auparavant, l'Union était majoritairement financée par ses propres ressources, notamment les droits de douane, qui se sont rapidement amenuisés avec le développement d'accords commerciaux. Or, l'Europe a besoin d'une indépendance budgétaire, qui lui donnera la force de frappe nécessaire pour remplir les objectifs que nous lui fixons.

Laissez-moi remarquer avec satisfaction, chers collègues, que les élections européennes ont permis de faire avancer le débat sur cette question. L'instauration d'une taxe carbone aux frontières de l'Union et d'une taxe sur les services numériques donnerait à l'Europe des ressources indépendantes des États membres, et qui serviraient des objectifs politique, écologique et numérique. Je m'en réjouis et je sais que nos parlementaires européens, fraîchement élus, auront à coeur de défendre à Strasbourg l'idée d'une Europe plus autonome, dotée de véritables capacités d'action.

S'il y a un sujet capable de tous nous mettre d'accord, chers collègues, c'est l'instabilité de notre monde. Le budget européen est agencé en tranche de sept ans. Mais regardons les sept dernières années, du Brexit aux guerres commerciales : il est impossible de prévoir l'avenir politique. Apprenons de nos erreurs et demandons une plus grande flexibilité budgétaire.

Sur le respect de nos valeurs, nous devons être intraitables. Nous ne sommes rien sans la liberté, l'égalité, l'indépendance de la justice et la liberté de la presse. L'Union ne doit pas transiger avec la transgression de ses valeurs ; si un État membre ne s'y conforme pas, il doit cesser de bénéficier de la solidarité et des fonds européens. Le prochain cadre financier pluriannuel doit permettre de lutter contre le recul de l'État de droit.

Nos concitoyens demandent également de la clarté : le futur cadre pluriannuel ne pourra y échapper et devra être plus lisible, pour que chacun distingue concrètement les actions européennes. Les dépenses européennes doivent être facilement identifiables, tout comme les ressources de l'Union : je rejoins M. le rapporteur général pour affirmer que le départ du Royaume-Uni doit absolument marquer la fin du système des rabais.

Enfin, il m'apparaît nécessaire de changer de paradigme quand nous discutons du budget européen. Beaucoup lui font porter le chapeau de tous les maux de nos sociétés. Beaucoup ne veulent pas chercher plus loin qu'un vain calcul entre ce qu'ils donnent et ce qu'ils reçoivent.

Ces critiques oublient ce qu'est un budget. Le principe est pourtant simple : le collectif est la condition sine qua non de réponses efficaces aux grands défis auxquels nous sommes confrontés. En assemblant nos ressources, nous pouvons financer des services publics plus efficaces, de l'innovation à plus grande échelle, des politiques publiques plus ambitieuses. Imaginez nos têtes si, lors de l'étude du projet de loi de finances, chaque contribuable français faisait le calcul de sa contribution à l'État, et nous demandait un rabais s'il donnait davantage qu'il ne reçoit !

Chers collègues, gardons à l'idée que nous sommes, Gouvernement et parlementaires, également responsables de ce budget. Il n'est plus possible de demander, au gré d'incantations, toujours plus à l'Union sans lui donner non pas seulement des moyens, mais aussi la capacité de créer ses propres moyens d'agir. Nous ne pouvons pas réclamer une Europe championne de la transition écologique, une Europe qui nous protège face aux bouleversements du monde, une Europe de la recherche et de l'innovation, une Europe solidaire, une Europe qui promeut une agriculture de qualité, sans augmentation significative du budget européen.

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