Intervention de Michel Castellani

Séance en hémicycle du lundi 21 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 36 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Castellani :

Discuter de la contribution de la France à l'Union européenne, c'est discuter de notre projet pour l'Europe et de notre ambition pour l'avenir.

Les questions soulevées par ce débat ne sont pas seulement comptables, elles sont aussi éminemment politiques. Nous devons saisir cette occasion pour examiner de manière approfondie les politiques communes de l'Union européenne et les orientations que nous choisissons pour l'Europe.

Car l'Union reste à bâtir, au fond. Nous lui avons certes donné naissance, mais le sentiment d'appartenance commune, l'adhésion profonde n'existent pas – à la place règne le doute, ce qui pose un problème majeur.

D'un point de vue budgétaire, le prélèvement sur recettes permet de faire bénéficier l'Union d'un montant de 21,3 milliards pour l'année 2020. Rappelons toutefois qu'il ne s'agit que d'une estimation, sur laquelle vous nous demandez de voter. C'est là que le bât blesse.

En effet, le budget pour 2020 de l'Union européenne s'inscrit dans un contexte très instable. Les incertitudes liées aux modalités du Brexit, avec ou sans accord, pèsent lourdement. Il est possible que les Britanniques refusent d'assurer leur contribution pour l'entièreté du cadre budgétaire, qui vaut jusqu'à 2020.

Par ailleurs, bien des éléments indiquent qu'une nouvelle crise économique est possible, sinon probable. La guerre commerciale à laquelle se livrent notamment les États-Unis et la Chine a des effets concrets, les Américains ayant adopté des mesures protectionnistes qui affectent l'industrie. En conséquence, la croissance de la zone euro est ralentie – elle n'en a pourtant pas besoin !

En somme, le montant du budget sur lequel nous votons est incertain. En 2019 déjà, quatre budgets rectificatifs ont été adoptés. Certes, il y a cette année une bonne surprise, puisque nous économisons 249 millions d'euros sur la somme votée dans la loi de finances initiale de 2019. Nous savons pourtant tous que de telles surprises ne sont pas la norme, et que la question doit être étudiée au sein de l'Union européenne.

Lorsque les parlements de chaque pays votent sur le budget de l'Union européenne et sur la contribution des États-membres à celui-ci, il faut que le montant voté soit réellement respecté.

Par ailleurs, le prélèvement sur recettes est perçu par certains comme un poids important sur le budget de l'État. Ce débat est ainsi l'occasion d'aborder la question des rapports entre les finances publiques des différents pays, la France en particulier, et la construction européenne. Nous ne le rappelons jamais assez : si la France contribue pour beaucoup au budget de l'Union, elle en est aussi un des principaux bénéficiaires. En 2018, la France était le deuxième bénéficiaire en volume des dépenses de l'Union européenne, derrière la Pologne, en grande partie grâce aux fonds de la politique agricole commune.

Le budget de l'Union pour 2020 s'inscrit dans la continuité du précédent, au sein du cadre financier pluriannuel 2014-2020. Nous le regrettons, alors que l'Union peine à relever des défis aussi inédits et colossaux qu'incontournables, tels que le défi environnemental, le défi numérique et le défi gigantesque des mouvements migratoires.

En conséquence de quoi, les Européens doutent de leurs institutions. Le Brexit en est bien sûr l'ultime et douloureuse preuve. Ce rejet s'explique notamment par un manque de transparence. Une profonde réforme des mécanismes financiers de l'Union européenne est nécessaire afin d'améliorer la lisibilité et la transparence du budget. Bien des efforts restent à fournir.

Nous soutenons la volonté du Gouvernement de mettre fin au système des rabais, qui contrevient au principe de solidarité budgétaire.

Nous connaissons tous ce problème pratique : comment un citoyen français peut-il comprendre que le taux d'appel de la ressource TVA soit fixé à 0,3 % pour la France, alors qu'il n'est que de 0,15 % pour d'autres pays, comme l'Allemagne ou les Pays-Bas ?

Le groupe Libertés et territoires soutient la volonté de la Commission européenne d'instaurer trois nouvelles ressources propres pour le prochain cadre financier pluriannuel 2021-2027 : la contribution sur les déchets plastiques, d'un montant de 7 milliards d'euros par an, l'assiette commune consolidée sur l'impôt sur les sociétés, pour 12 milliards, et la contribution Emission Trading Scheme, pour 1,2 à 3 milliards par an. Ce projet, vertueux, répond aux enjeux de demain.

La part des nouvelles ressources propres devrait ainsi correspondre, avec une moyenne annuelle d'environ 22 milliards d'euros pour la période 2021-2027, à quelque 12 % des recettes budgétaires de l'Union.

Enfin, compte tenu de l'importance des enjeux climatiques, la Commission a proposé de porter de 20 % à 25 % la part du budget consacrée à la poursuite des objectifs climatiques.

Nous soutenons bien sûr l'objectif de verdissement du budget européen à hauteur de 40 %, qui pourrait s'inscrire dans le second pilier de la PAC.

Pour autant, le prochain cadre financier fait aussi naître des inquiétudes. Nous pensons notamment aux risques de transferts financiers inéquitables entre États membres. Si, dans la proposition initiale de la Commission, la PAC reste le premier poste de dépenses, son volume diminue de 5 %, passant de 408 milliards d'euros actuellement à 365 milliards. De même, la politique de cohésion verrait ses crédits amputés de 7 %. La nécessaire affirmation de nouvelles priorités par la Commission ne doit pas se faire au détriment des politiques traditionnelles. Cela suppose soit une augmentation du budget global, soit des choix drastiques.

Le Brexit peut être vu, même si ce n'est pas sa première caractéristique, comme une opportunité pour resserrer les liens entre les pays de l'Union européenne et pour formuler une nouvelle ambition européenne, dans laquelle nos concitoyens seraient pleinement engagés. Pour cela, l'Europe doit répondre aux attentes de ses citoyens – et elles sont nombreuses.

En premier lieu, il y a l'harmonisation fiscale. C'est une nécessité, comme les tentatives pour instaurer une taxe de 3 % sur le chiffre d'affaire de la publicité en ligne des géants du numérique au niveau européen ou une taxe sur les transactions financières en sont la preuve.

Si cette harmonisation est difficile, c'est que la fiscalité constitue le dernier domaine, avec les affaires étrangères, où, pour faire adopter une directive, l'unanimité des vingt-huit États membres est requise. Cette condition empêche depuis des décennies de faire progresser l'harmonisation des impositions. Seul un système de majorité qualifiée peut aider les États membres à relever les défis d'aujourd'hui.

En toute hypothèse, rien de véritablement constructif ne se fera tant qu'existeront de véritables paradis fiscaux et sociaux au sein même de l'Union.

En parallèle de ce processus d'harmonisation fiscale, il faut construire un espace de développement durable exemplaire. L'Union européenne doit être le moteur de la transition écologique. La mutation des systèmes économiques et des comportements doit être encouragée. Ainsi, un plan d'investissement massif dans la transition écologique et solidaire à l'échelle européenne est nécessaire. Grâce à sa puissance économique, l'Europe est seule capable de répondre aux défis environnementaux de demain.

Au passage, je vous invite à lire The Green New Deal de Jeremy Rifkin. Vous constaterez que la situation évolue aux États-Unis et qu'un débat a lieu sur l'orientation des d'investissements, tant dans le secteur privé que public, en matière d'énergie : le soutien aux énergies fossile diminue, quand celui aux énergies renouvelables augmente.

Au sein de l'Union européenne, les questions environnementales feront probablement l'objet de moyens supplémentaires dans le prochain programme financier pluriannuel. Nous ne pouvons que nous en réjouir et encourager cette évolution. Toutefois, il est à nos yeux nécessaire d'aller plus loin dans ce domaine.

Vous l'aurez compris, chers collègues, la refondation de l'Europe passera par la redéfinition de son projet et par la formulation d'une ambition plus grande : l'adhésion de ses citoyens. C'est la condition de toute vie démocratique, et c'est l'enjeu majeur pour l'avenir européen.

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