Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du lundi 21 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 36 et débat sur le prélèvement européen

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

L'essentiel du budget de l'Union européenne provient directement des États membres. Environ 72 % de ses ressources sont constituées d'un prélèvement indexé sur le revenu national brut des États membres.

La part de la contribution française au bénéfice de l'Union européenne a été multipliée par deux en quarante ans, passant de 3,7 % des recettes fiscales françaises en 1982 à 7,9 % en 2020, à périmètre constant. La question de savoir comment financer le budget européen est aussi cruciale pour l'avenir de l'Union européenne qu'elle est méconnue des citoyens européens.

D'après le projet de loi de finances pour 2020, la contribution de la France au budget de l'Union européenne s'élèvera, l'an prochain, à 21,337 milliards d'euros. Par rapport au prélèvement opéré en 2012, elle a augmenté de 13 %.

Nous savons qu'il existe un désaccord assez profond entre États membres sur l'importance des dépenses de l'Union à l'horizon 2021-2027 – nous nous inscrivons en effet dans un exercice pluriannuel – et sur les priorités en la matière. Ce désaccord se double d'une divergence entre les propositions de la présidence du Conseil européen, qui suggère que les dépenses globales s'élèvent à 1,03 % du PIB de l'Union européenne, en conformité avec leur volume courant, les souhaits d'autres acteurs qui évoquent un pourcentage de 1,08 %, et les recommandations de la Commission européenne et du Parlement européen, qui proposent respectivement des taux de 1,15 % et de 1,30 %. Entre ces deux orientations, la différence s'élève à 45 milliards d'euros, pour la période allant de 2021 à 2027.

Le prochain cadre financier pluriannuel couvrira des missions supplémentaires par rapport au cadre actuel, et entraînera donc un besoin de financement complémentaire. Si le montant actuel global est maintenu, il faudra faire un choix parmi les dépenses, autrement dit parmi les grands secteurs d'intervention de l'Union européenne. Plusieurs États du Nord proposent de réduire les fonds attribués à la PAC et à la politique de cohésion. Je serai claire : ce serait une erreur d'opposer la PAC à la transition verte, car c'est l'utilisation appropriée et efficace des dépenses qui importe avant tout. De même, une diminution des crédits dédiés à la cohésion régionale – certains évoquent une baisse de près de 10 % – affecterait une politique qui a des effets concrets sur le développement économique et qui favorise une économie soucieuse de la nature. Comme d'autres, je doute que les États membres fournissent un complément si l'Europe se montrait défaillante : jamais nous n'avons assisté à de telles réactions. Les associations qui oeuvrent en faveur de la solidarité sur le terrain craignent que les crédits européens d'aide alimentaire aux plus démunis ne soient pas maintenus à la hauteur des besoins. Gardons-nous donc de demander un taux de contribution trop faible, en arguant que les besoins non couverts seront assurés par les États : ce n'est pas ce qui se produira.

Le gouvernement français soumet l'augmentation du budget global et de sa propre contribution à plusieurs conditions. Pour leur part, les groupes politiques représentés au Parlement européen défendent des positions plus ou moins audacieuses concernant les montants devant être consacrés à la transition énergétique et à la lutte contre le réchauffement climatique. Si la Commission se donne pour objectif d'y affecter 25 % des dépenses, le groupe socialiste au Parlement européen a proposé un cap plus ambitieux encore, dépassant 30 %. Il y a donc une divergence sur l'orientation générale.

Nous avons le choix entre deux possibilités : d'une part, une audace raisonnable promouvant des politiques innovantes et répondant aux aspirations des citoyens, à l'heure où ceux-ci expriment une défiance vis-à-vis des institutions et de l'Union européenne ; d'autre part, une forme de repli marquée par une reconduction des moyens à l'identique, et ce, alors que les domaines couverts seront plus étendus. Dans ce dernier cas, nous aurons une myriade de mesures, mais avec des effets limités.

J'exprime ici le souhait, au nom du groupe Socialistes et apparentés ainsi qu'en mon nom propre, que la France ait une ambition forte, tant dans sa détermination que dans ses priorités.

S'agissant du soutien à une économie efficace et sobre en ressources naturelles, nous devons assurer une plus grande cohérence entre la politique budgétaire que nous menons et la politique d'accès aux liquidités et aux crédits que conduit la Banque centrale européenne.

S'agissant de la conciliation entre l'économie et la transition climatique, il est important d'avoir à l'esprit que l'Union européenne souffre d'une croissance molle, marquée par une incapacité à créer des emplois pour toutes les franges de la population et à investir significativement pour l'avenir.

Dans ce contexte, la Banque centrale européenne prête de l'argent aux entreprises, via des achats de titres, pour injecter des liquidités dans l'économie. Ce faisant, elle finance des entreprises qui ne contribuent en rien à la transition énergétique, voire qui s'y opposent. Alors que nous refusons d'accroître l'endettement public pour prévenir les effets dévastateurs du changement climatique, la Banque centrale européenne, de son côté, finance l'endettement privé et soutient des entreprises n'ayant d'autre objectif que de produire, sans se soucier de préserver des ressources naturelles limitées. Un gouffre se creuse entre les annonces, parfois spectaculaires, faites lors des sommets européens, et les faibles moyens mis en oeuvre pour financer les objectifs de la transition verte. Une cohérence accrue s'impose donc dans les grandes politiques de l'Union européenne.

Il faut donner toute sa force à une réelle politique industrielle de l'Union européenne et dans l'Union européenne. Ainsi pourrons-nous créer de la richesse de façon localisée. L'Union doit soutenir la création d'un plus grand nombre d'entreprises porteuses de technologies de rang mondial, qui soient capables de rivaliser avec les meilleurs à l'échelle mondiale ainsi que d'offrir des emplois et des conditions de travail de qualité, tout en se conformant aux ambitions et aux engagements environnementaux de l'Europe. Une base industrielle européenne solide ne saurait reposer exclusivement sur quelques multinationales : elle doit s'appuyer sur le tissu économique dans son ensemble, PME comprises. Les partenaires sociaux peuvent contribuer à trouver le juste équilibre entre la compétitivité et le bien-être.

La Commission propose de développer des ressources propres fondées sur le système d'échange de quotas d'émissions de l'Union européenne, à hauteur de 20 % des recettes, sur la future assiette commune consolidée pour l'impôt sur les sociétés, à partir de 2023, et enfin sur les déchets d'emballages plastiques non recyclés.

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