Intervention de Gisèle Biémouret

Séance en hémicycle du mardi 22 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGisèle Biémouret :

Nous sommes arrivés à ce moment de fragilisation extrême, qui résulte de vos choix budgétaires depuis deux ans et demi.

Au cours de ce débat, nous aurons pourtant l'occasion de montrer aux Français qu'il existe d'autres chemins permettant de consolider notre modèle de protection sociale en cessant de le considérer comme défaillant et coûteux pour mieux le mettre à mal.

Certes, ce PLFSS comporte quelques mesures intéressantes comme l'indemnisation du congé de proche aidant, la complémentaire santé solidaire ou la consolidation du système de garantie des pensions alimentaires impayées mis en place en 2016 – des mesures toutefois peu coûteuses, dont vous saurez sûrement faire un outil de communication pour habiller de social l'ensemble du texte. Mais ne nous y trompons pas : il n'est pas beaucoup question de social dans ce texte, qui recherche avant tout les économies.

Ainsi, alors que vous portez le montant de l'AAH – l'allocation aux adultes handicapés – à 900 euros, vous associez à cette revalorisation une contrepartie qui exclura plus de 67 000 allocataires du dispositif en abaissant le plafond de ressources à 81 % de l'AAH pour les couples. De plus, le complément de ressources de 179 euros destiné aux personnes les plus lourdement handicapées sera supprimé à partir du mois de décembre et les nouveaux bénéficiaires de l'AAH n'y auront pas droit.

Vous mettez en place une complémentaire santé dans le but de limiter le renoncement aux soins, reprenant ainsi une grande partie des propositions de l'association ATD Quart Monde. Mais vous annoncez vouloir instaurer un délai de carence de trois mois dans le cadre de l'aide médicale pour les demandeurs d'asile, contribuant à l'aggravation de santé des plus pauvres parmi les pauvres.

Vous gelez la revalorisation des prestations sociales et familiales à 0,3 % alors même que l'inflation est estimée à 1,2 % pour 2020, ce qui va entraîner une perte de pouvoir d'achat pour des publics déjà fragilisés. Pour la deuxième année consécutive, la revalorisation du RSA restera donc sous l'inflation, consacrant ainsi une très faible redistribution en faveur des 4 millions de ménages les plus pauvres.

À quoi bon, dans ce cas, élaborer une stratégie pauvreté centrée sur les enfants, lorsque l'on sait que les faibles ressources de leurs parents leur donneront une vie différente des autres, notamment en termes de conditions de logement, d'études, d'accès aux sorties et aux loisirs ? Les petits déjeuners gratuits et un accès privilégié à la cantine ne les empêcheront pas de subir le fait d'être nés au mauvais endroit du point de vue des revenus. Le collectif Alerte, qui regroupe des associations de lutte contre l'exclusion, l'a souligné en septembre dernier : les plus pauvres sont dans l'angle mort de la stratégie gouvernementale.

Je citerai pour conclure les signataires de la tribune publiée aujourd'hui en défense de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale créé sous Lionel Jospin, que vous envisagez de supprimer alors qu'il fournit un travail remarquable : il ne suffit pas de « casser le thermomètre pour ne plus voir le malade ». C'est pourtant la philosophie de ce PLFSS. Il est encore temps d'y remédier avant que soit atteint le point de rupture.

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