Intervention de Boris Vallaud

Séance en hémicycle du mardi 22 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBoris Vallaud :

Au-delà de l'appétence personnelle, cela est sans doute consubstantiel à la fonction : après tout, on ne demande pas au préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de dire autre chose que le catéchisme. Mais, face à cela, nous avons besoin d'une ministre hérétique qui, d'une certaine manière, résiste.

Depuis dix-huit mois, dans les services d'urgence comme dans tous les services publics d'un hôpital gravement malade, c'est l'alarme. Les médecins, les infirmiers, les aides-soignants, tous nous le disent à l'unisson, avec gravité et une infinie responsabilité : ils ne peuvent plus assurer leurs missions dans de bonnes conditions. Les effectifs, l'investissement et parfois même les lits manquent. La charge de l'activité et la souffrance au travail s'accroissent, et la qualité des soins s'en ressent.

Nous en sommes là, vous comme ministre, et nous comme parlementaires. Convenons, les uns et les autres, que nous avons demandé beaucoup d'efforts à l'hôpital depuis vingt ans. Les personnels de santé, que vous connaissez bien, ont consenti des efforts considérables en raison de la charge de travail qui n'a cessé de s'accroître. Convenons ensemble que nous en arrivons à un point de rupture. Les effectifs ont augmenté de 2 % au cours des dix dernières années alors que l'activité à l'hôpital augmentait de 15 %.

La population augmente, elle vieillit. Les progrès de la médecine permettent de prendre en charge de nouvelles pathologies. Seulement voilà, les personnels des hôpitaux nous disent qu'ils ne peuvent plus faire mieux avec moins.

Dans ce contexte, le niveau de l'ONDAM que vous proposez tient de la vexation, pour ne pas dire de la provocation, puisque vous demandez à nouveau des efforts et des économies à l'hôpital public et au personnel soignant.

L'hôpital public est un trésor national, dites-vous, madame la ministre. Vous avez raison. C'est parce qu'il est notre bien commun que je voudrais ici, au nom du groupe Socialistes et apparentés, formuler quelques propositions qui constituent l'ossature de ce que pourrait être un plan d'urgence pour l'hôpital.

Première proposition : soutenir massivement l'investissement à l'hôpital. Nous sommes devant une situation paradoxale : pour le plan hôpital 2007-2012, nous avons investi au moment où les taux d'intérêt étaient les plus élevés, et à présent que les taux d'intérêt sont négatifs, nous désinvestissons au point que le sous-investissement devient extrêmement préoccupant et obère les conditions d'un bon exercice des missions de l'hôpital public.

Nous préconisons trois solutions pour y remédier. Premièrement, nous proposons que tous les centres hospitaliers puissent faire comme l'AP-HP et emprunter sur les marchés financiers à des taux d'intérêt négatifs plutôt qu'auprès des banques. Deuxièmement, nous proposons que la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, reprenne 10 des 30 milliards d'euros de dette, afin de libérer des capacités d'autofinancement des établissements. Troisièmement, nous proposons que les concours financiers à ces établissements soient augmentés de 1,5 milliard d'euros par an afin de porter l'investissement annuel dans nos hôpitaux à 6 milliards d'euros, ce qui correspond à peu près à l'évaluation faite par le candidat Emmanuel Macron lors des élections présidentielles.

Deuxième proposition : augmenter le budget de l'hôpital et porter l'ONDAM à 3,1 %. Ces 840 millions d'euros supplémentaires permettraient de prendre de vraies mesures catégorielles pour soutenir le pouvoir d'achat de professionnels qui sont parmi les moins bien payés de l'OCDE, pour examiner sérieusement la question des effectifs et des lits d'hôpital dans le cadre d'un dialogue entre les ARS et les établissements.

Troisième proposition : s'engager à ne supprimer aucun poste de personnels travaillant au lit du malade. Pour ce faire, nous devons abroger une norme que nous n'avons jamais votée : le taux d'un soignant pour quinze malades vers lequel les établissements sont incités à tendre par la direction générale de l'offre de soins, la DGOS. C'est intenable et cela aboutit à des situations inextricables. Cela peut même conduire à des suppressions massives de postes, comme on l'a vu lors de la construction de l'hôpital Grand Paris-Nord ou de l'hôpital de Nantes.

Compte tenu de la surprévalence du burn-out à l'hôpital, nous proposons de lancer une grande enquête sur les conditions de vie au travail. À partir de cette enquête, nous pourrons discuter de l'ONDAM, qu'il est nécessaire de réformer car il est devenu exclusivement un instrument de pilotage budgétaire alors qu'il devrait être un outil politique de santé publique.

Nous demandons aussi des états généraux de l'hôpital pour tout remettre à plat de façon pluraliste, c'est-à-dire avec vous, madame la ministre, et avec les organisations syndicales, les patients, les collectifs et les parlementaires.

Ces propositions, madame la ministre, peuvent être financées par un report de deux ans du financement de la dette sociale. La CADES peut s'éteindre deux ans plus tard que l'échéance prévue de 2024. Ce report n'obérerait pas du tout nos comptes publics. Nous y ajoutons les compensations que l'État doit à la sécurité sociale.

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