Intervention de Agnès Buzyn

Séance en hémicycle du mercredi 23 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 — Article 6

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Monsieur Door, j'ai oublié tout à l'heure de répondre à votre question, mais je tiens à vous dire qu'il n'y a pas de sous-exécution de l'ONDAM. Vous sembliez en effet remettre en cause la position du comité d'alerte, mais celui-ci est tout à fait rassurant quant à l'exécution. En réalité, donc, il n'y a pas d'alerte et le budget présenté est tout à fait sincère.

M. Viala et Mme Rabault ont évoqué la situation des urgences en demandant d'où venaient les 750 millions d'euros qui leur seraient consacrés. Sur cette somme, 150 millions sont destinés, en 2020, au recrutement de personnel pour une meilleure gestion des lits en aval des urgences et, éventuellement, pour recréer des unités là où il manque des lits car, sur certains territoires, on en a trop fermé. Ces 150 millions sont liés à la trésorerie dont nous disposons aujourd'hui.

Pour 2021 et 2022, nous aurons l'occasion de discuter de ce montant de 250 millions par an dans le cadre du PLFSS. Le seul engagement que je prends aujourd'hui consiste donc à dire que je suis capable, par des redistributions internes, de trouver les sommes nécessaires pour l'année 2020 – raison pour laquelle cette somme n'est pas spécifiquement inscrite dans ce PLFSS.

Mme Fiat s'est interrogée sur le fait que les moyens aient manqué pour les urgences. En réalité, et si surprenant que cela puisse paraître, ce n'est pas le cas. En effet, nous avons tous le sentiment que les urgences sont débordées parce que leur activité aurait augmenté sans que les moyens suivent. Or, pour ce qui concerne les moyens – qu'ils soient humains ou financiers – les chiffres fournis par la DGOS, la direction générale de l'offre de soins, au sein de mon ministère, concordent avec l'activité : pour une activité moyenne en hausse de 13 % sur les trois ou quatre dernières années, 13 % de moyens supplémentaires ont été consacrés aux ressources humaines ou aux financements. J'imagine toutefois que cette concordance doit masquer de très grandes disparités territoriales. On voit bien, en effet, que certains hôpitaux connaissent d'immenses tensions, alors que c'est moins le cas pour d'autres.

On observe également un changement sociétal, avec une impatience du public qui exerce une pression sur les personnels. On voit en effet apparaître une autre façon de traiter les soignants, un positionnement de consommateurs de soins qui rend le métier beaucoup plus pénible, ce qui pourrait expliquer le sentiment que nous avons aujourd'hui : si les services d'urgence sont totalement surchargés de travail, ce ne serait pas seulement pour des raisons de moyens, mais aussi à cause des pressions nouvelles qu'ils subissent.

Enfin, monsieur Quatennens, vous m'avez dit que j'étais ministre de la santé, et non pas du budget, et vous avez laissé entendre que les dépenses de santé devaient être infinies et que l'ONDAM devait augmenter tant que durerait l'augmentation tendancielle du vieillissement de la population. Je ne suis pas ministre du budget et je souhaite évidemment que l'on consacre beaucoup d'argent à la santé, mais je vous dirai, en toute responsabilité, qu'un ONDAM élevé, ou plutôt une part élevée des dépenses de santé dans le PIB, n'a jamais été synonyme d'un bon état de santé de la population. Il suffit pour s'en convaincre d'examiner la situation des États-Unis, où les dépenses de santé représentent 17 % du PIB : ce n'est pas une bonne médecine.

Il faut donc mettre autant d'énergie à structurer l'offre de soins, à la rendre accessible et à assurer la pertinence des actes qu'à trouver de l'argent. L'argent ne règle pas tout si l'on ne restructure pas un système et si l'on n'y réfléchit pas. Ce que je vous propose depuis deux ans, et à quoi vous avez travaillé à la faveur de différents textes de lois, c'est de réfléchir à une transformation holistique de notre système, dans laquelle nous repenserions la tarification, la place du numérique et celle de nouveaux professionnels de santé intermédiaires entre les infirmiers et les médecins, avec les infirmiers de pratique avancée.

D'autres pays ont réussi cette transformation et disposent d'une offre de santé de qualité, sans forcément suivre cette augmentation tendancielle de 4 % par an, qui ne peut pas être l'alpha et l'oméga de la réflexion. Il faut donc, bien sûr, de l'argent, mais il faut aussi savoir pour quoi faire et quelles sont les transformations que nous menons. Tel est le sens de la concertation que je conduis aujourd'hui avec les professionnels du secteur.

Avis défavorable sur tous ces amendements.

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