Intervention de Didier Guillaume

Réunion du jeudi 17 octobre 2019 à 9h30
Commission d'enquête sur l'impact économique, sanitaire et environnemental de l'utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de guadeloupe et de martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d'une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires

Didier Guillaume, ministre de l'Agriculture et de l'Alimentation :

L'alimentation, en France comme en Outre-mer, est la priorité du ministère et du Gouvernement car c'est la priorité de la population. Aujourd'hui, nos concitoyens réclament une alimentation la plus sûre, la plus saine, la plus durable, la plus tracée possible et ce que nous pouvons répondre, y compris dans ce contexte de commission d'enquête, c'est que l'alimentation française issue de l'agriculture française, qu'elle vienne de l'Hexagone ou des Outre-mer, est sûre, saine et durable telle qu'elle est faite. Or vous parlez de sujets qui se sont passés auparavant. Lorsque nous baissons les limites maximales de résidus (LMR) pour la viande bovine, c'est tout simplement car nous savons contrôler cela et nous savons qu'il n'y a pas de problème.

Je veux à la fois être dans la totale transparence et dire clairement qu'aujourd'hui, lorsqu'un citoyen français mange, il n'a pas de risque sanitaire, que ce soit un produit qui vient du circuit court, d'une entreprise ou de l'industrie agroalimentaire, car cette alimentation est bonne. Je tiens à le rappeler car trop de personnes passent leur temps à dire qu'on mange mal…, ce n'est pas vrai. Certains produits sont peut-être moins bons que d'autres mais globalement, les contrôles sanitaires que nous faisons, que font la Direction générale de l'alimentation (DGAL) et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) montrent qu'aujourd'hui, la chaîne alimentaire française est une chaîne alimentaire solide dont nous pouvons être fiers. Je tiens à le dire car c'est très important. C'est pour cela que lorsque nous décidons de baisser les LMR, c'est parce que nous pensons que les contrôles sont suffisants pour pouvoir les réduire.

J'en viens à ce qui nous préoccupe ici, c'est-à-dire la situation en Guadeloupe et Martinique sur les résidus, les traces de chlordécone dans l'alimentation et le plan chlordécone tel que nous pouvons l'élaborer. Le ministère est impliqué depuis une dizaine d'années dans le plan avec le ministère des Outre-mer (MOM), le ministère de la Santé et le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche. Les inspections générales des ministères ont été saisies et sont censées, dans le cadre du futur plan chlordécone, faire des propositions début 2020. J'étudierai avec beaucoup d'attention les recommandations des inspections générales.

Au risque de dire des choses qui ne plaisent pas toujours, je m'appuie sur la science et les scientifiques et sur les instituts indépendants. Nous avons un problème d'actualité aujourd'hui avec les zones de non-traitement, etc. Je peux comprendre que certains veuillent pousser le principe de précaution fort loin, que certains, pour des raisons de posture politique, veuillent dire des choses. Ce n'est pas votre cas mais je le dis globalement. En ce qui me concerne, je m'appuie sur les études menées par notre conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et nos inspections générales, et sur l'ANSES. C'est la réalité aujourd'hui. À moins que l'on remette en cause les inspections générales et l'autorité indépendante sanitaire, je ne vois pas d'autre possibilité pour le faire.

Un certain nombre de choses ont déjà été lissées grâce au renforcement du principe de précaution, la prévention d'une éventuelle contamination des productions agricoles, la cartographie dont nous avons parlé tout à l'heure… nous avançons bien dans cette direction. Mais vous avez raison, nous allons de toute façon maintenir l'accompagnement des agriculteurs, qui est indispensable. Si nous voulons aller jusqu'au bout, il faut que les mesures du futur plan chlordécone soient encore plus fortes et contraignantes afin d'arriver à avancer et à assurer les habitants de Guadeloupe et de Martinique que l'alimentation qu'ils mangent, produite par l'agriculture de ces territoires, ne met pas leur santé en danger. C'est aussi simple que cela mais nous allons réaliser le même travail, la même force pour les Outre-mer que pour l'Hexagone, sachant que l'agriculture est quand même différente (l'agriculture vivrière, l'agriculture de circuits courts, de vente au bord des champs et des routes, de vente directe). Il va falloir prendre cela en compte.

Ce que je demande aux services du ministère de l'Agriculture, à celles et ceux qui établissent les règles et les circulaires, c'est de tenir compte de la diversité de la France. La France est une et indivisible, c'est la République, ce sont les fondements de notre République. Elle est une et indivisible mais elle est diverse. Tant que l'on ne comprend pas complètement cela, on ne peut pas bien comprendre ce qu'est la République française dans sa diversité. Les règles sont les mêmes pour tous. Un citoyen français, qu'il soit à Pointe-à-Pitre, à Fort-de-France, à Paris ou à Dijon, a les mêmes droits et les mêmes devoirs, sauf que si je suis à Basse-Terre, au Diamant ou ailleurs, je ne vis pas de la façon et je n'aborde pas l'alimentation de la même façon que si je suis dans le 7e arrondissement et que je vais au Franprix de la rue de Bourgogne. C'est totalement différent et nous avons besoin que l'administration française le comprenne : on met des règles fortes pour tout le monde mais il faut tenir compte des spécificités. Par conséquent, par rapport aux perspectives sur lesquelles vous m'interrogiez, il faut absolument renforcer la lutte contre les difficultés que vous rencontrez. Le renforcement de cette lutte passera par un nouveau plan chlordécone IV fort qui s'appuiera sur ce que vous publierez. Je ne sais pas quand sortira votre rapport mais le Gouvernement (et dans mon ministère, nous travaillerons avec mes collègues) s'appuiera évidemment sur le rapport que rédigera Mme Benin sur la commission d'enquête chlordécone. L'indépendance est claire, la séparation de l'exécutif et du législatif est absolument indispensable, c'est la constitution. Mais l'exécutif a besoin de l'appui du législatif. Vous avez les moyens d'investiguer, de rédiger un rapport et de soumettre des propositions. Ensuite, il faudra vraisemblablement discuter pour voir comment prendre vos propositions pour les faire entrer dans un plan ou non, en tout ou en partie, ce qui sera suivi d'arbitrage.

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