Intervention de Cendra Motin

Réunion du mercredi 16 octobre 2019 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCendra Motin, rapporteure pour avis :

Commençons par la question de la non-compensation par l'État de certaines dépenses sociales décidées dans le cadre des mesures d'urgence économiques et sociales en fin d'année dernière, qui anime beaucoup nos débats et ceux de la commission des affaires sociales. Nous avons tous vécu la fin de l'année 2018 comme un moment important d'écoute de nos concitoyens. Nous avons tous entendu les demandes prégnantes qui étaient formulées. Le Gouvernement et la majorité ont souhaité y répondre par des mesures qui nous étaient d'ailleurs proposées depuis quelques temps par nos collègues Les Républicains. Je pense notamment à celles relatives aux heures supplémentaires. Ces mesures ont été conçues, dès l'origine, pour être portées par la sécurité sociale sans compensation de l'État. Certes, elles ne devaient s'appliquer qu'à partir du mois de septembre 2019, et non du mois de janvier 2019, mais vous conviendrez avec moi que les événements exceptionnels que nous avons vécus en fin d'année nécessitaient une réponse immédiate. Nous avons donc décidé ensemble – puisque nombreux sont ici ceux qui ont voté ces mesures – de faire mieux et de prévoir la mise en place, dès janvier 2019, du dispositif relatif aux heures supplémentaires, celles-ci, étant, je le rappelle, non seulement désocialisées, mais également défiscalisées – ce dernier aspect étant par définition totalement supporté par l'État.

Cette mise en oeuvre anticipée constitue effectivement un surcoût qui n'est pas compensé, car, encore une fois, la mesure n'était pas initialement prévue pour être compensée en 2019. En outre, le programme de stabilité que nous avons adopté et présenté à nos amis européens intégrait complètement la non-compensation de cette charge.

Par ailleurs, nous avons dû faire face au problème de l'augmentation de la CSG. Vous nous aviez alertés sur tous les bancs et nous étions tous d'accord pour revoir la copie, mais cela a effectivement un coût : 1,2 milliard d'euros.

Il reste que l'essentiel des 5,4 milliards d'euros de déficit n'est pas uniquement lié à ces mesures. Il s'explique aussi par la moindre dynamique de la masse salariale en France : nous avons créé des emplois, mais la masse salariale n'a pas connu la dynamique que nous espérions. Nous n'avons pas non plus atteint totalement l'objectif des prévisions macro-économiques de croissance, même si les décisions que nous avons prises en loi de finances l'année dernière ont permis à la France de maintenir un taux de croissance bien meilleur que celui des autres pays de la zone euro. C'est la politique que nous menons en faveur de nos entreprises et de l'emploi qui nous permet d'atteindre ce niveau. Le déficit que nous constatons ne nous réjouit évidemment pas plus que vous, mais nous avons décidé de l'assumer.

La loi Veil de 1994 a posé le principe, au moment de la création des allégements généraux de charges, de la compensation par l'État à la sécurité sociale des allégements en question. Mais dès 2005, la LOLFSS a prévu une exception qui a été maintes fois invoquée par la suite. Ainsi, je tiens à votre disposition une note qui montre qu'à peu près tous les ans, depuis le départ, il y a eu des exceptions à la compensation directe – parfois à la marge.

Le rapport Charpy-Dubertret refait précisément l'historique de cette loi et de ses effets. Il en tire des conclusions qui sont pour moi tout aussi valables dans le contexte de prévision d'excédents que nous connaissions l'année dernière que dans celui-ci. Certes, nous repoussons un peu l'objectif de retour à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale, mais nous ne l'abandonnons absolument pas. Je vous propose, comme l'a fait le ministre Gérald Darmanin la semaine dernière devant la commission des affaires sociales, de recevoir les auteurs de ce rapport afin d'échanger avec eux. Et nous aurons de toute façon le débat dans l'hémicycle.

J'en viens aux autres points qui ont été abordés.

S'agissant de l'intéressement, je commencerai par rappeler que, grâce à la loi PACTE, des modèles d'accord d'intéressement sont aujourd'hui disponibles sur internet. Le ministère du travail les a validés et mis à disposition des entreprises, notamment des TPE. Par ailleurs, nous avons adopté l'année dernière l'exonération de forfait social pour les entreprises de moins de 250 salariés. En outre, la prime exceptionnelle sera conditionnée uniquement à l'intéressement, et non à la participation. Enfin, la possibilité de créer un accord pour une durée inférieure à trois ans répond à une vraie demande des TPE-PME. Elles vont disposer d'un outil qui leur permettra de le faire : un engagement pourra donc être pris sur une période adaptée aux TPE.

Nous avons fait en sorte que les entreprises puissent signer très rapidement des accords et les faire enregistrer puisque nous avons allégé les obligations d'enregistrement auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

S'agissant de la prise en charge des mesures ciblées par les ministères, une règle de responsabilisation prévaut depuis plusieurs années. Elle est réaffirmée en quelque sorte au travers du rapport Charpy-Dubertret. Il est en effet important que chaque ministère soutienne, dans son budget, la politique publique qu'il a décidé de mettre en oeuvre. Ainsi, l'année dernière, nous nous étions collectivement battus en faveur d'un allégement de charges pour les travailleurs occasionnels demandeurs d'emploi (TO-DE). C'est précisément le ministère de l'agriculture et de l'alimentation qui portait cette mesure dans son budget. De même, il est logique que le ministère du travail porte ses objectifs et ses choix de politique publique dans son propre budget.

Madame Louwagie, en ce qui concerne le financement des hôpitaux de proximité, la garantie pluriannuelle est extrêmement importante. Tous les acteurs de l'hôpital nous ont demandé cette visibilité pluriannuelle sur leur budget. Ce que nous mettons en place pour les hôpitaux de proximité constitue une véritable avancée, qui répond à leurs besoins et à leurs demandes. Nous mènerons, bien sûr, une évaluation de ce dispositif assez innovant dans le secteur de l'hôpital. De toute façon, nous sommes en train de changer un certain nombre de modes de financement : il faudra donc évaluer aussi le nouveau mode de financement de la psychiatrie, qui permettra en outre d'assurer une complémentarité des offres dans les territoires. L'idée est de prendre vraiment en compte les besoins des territoires au travers de ces hôpitaux et de ces financements, mais aussi d'avoir une meilleure articulation avec la médecine de ville. C'est pour cela que nous avons besoin de revoir en profondeur la façon dont les hôpitaux fonctionnent et sont financés. Ils pourront ainsi travailler avec des professionnels exerçant en libéral, qui n'ont pas le même type de rémunération. Tout cela est en lien avec le plan « ma santé 2022 ». Le dispositif sera bien évidemment évalué de manière très fine : quand on modifie aussi profondément un système de financement, on ne peut pas s'arrêter là.

Le fonds d'indemnisation des victimes des pesticides fonctionne selon une logique de pollueur-payeur : ce sont les recettes fiscales liées aux produits phytosanitaires qui vont le financer. Comme cela a été dit, la branche AT-MP est actuellement excédentaire. Or, l'exposition aux produits phytosanitaires est souvent liée à l'activité professionnelle – c'est le cas des agriculteurs, mais ils ne sont pas les seuls. L'idée est donc de financer le fonds à la fois par les recettes fiscales des produits phytosanitaires et par la branche AT-MP.

En ce qui concerne les jeunes médecins et leur installation, je suis un peu déçue que vous pensiez que le dispositif n'est pas assez ambitieux. Nous avons actuellement un véritable problème, lié au numerus clausus. Mais, comme madame la ministre des solidarités et de la santé l'a rappelé, ce n'est pas parce qu'on fait sauter aujourd'hui le numerus clausus qu'il va y avoir demain un afflux de médecins dans nos territoires. Il faudra un peu de temps pour les former. En attendant, nous essayons, à travers les mesures en question, de rendre un peu plus attractifs les territoires sous-denses, ceux où l'on manque cruellement de généralistes et de spécialistes. L'objectif est aussi de répondre à ce qui constitue un changement sociétal : les jeunes médecins ne veulent plus nécessairement exercer et être rémunérés comme leurs aînés. On s'oriente donc vers une sorte de salariat, avec des contrats assez structurants pour l'activité et la rémunération des jeunes médecins. Nous considérons que cela correspond à leurs demandes, notamment parce que le dispositif a été construit avec eux. À nous de faire en sorte qu'il soit efficace et attractif.

Cela me permet de répondre en même temps à la question de monsieur Brun : il est vrai que la ministre a fait très clairement le choix de ne pas contraindre l'installation des médecins. La médecine de ville se veut une médecine libérale, garantissant la liberté d'installation ; à nous de rendre attractifs les territoires sous-denses. C'est l'objectif des mesures s'adressant aux jeunes médecins. Je sais que les collectivités territoriales font énormément, elles aussi, pour les accueillir : au delà de la mise à disposition de locaux, elles mettent tout en oeuvre pour favoriser leur vie de famille. Je pense – c'est en tout cas ce que nous souhaitons – que les efforts conjoints des collectivités territoriales et de l'État pour offrir également des garanties de rémunération aux jeunes médecins seront de nature à encourager la réinstallation de praticiens dans les zones sous-denses.

Madame El Haïry, nous étudierons les propositions du MoDem avec exigence et bienveillance.

Monsieur Bricout, la progression de l'ONDAM hospitalier est effectivement un peu moins importante cette année, mais je ne voudrais surtout pas que l'on oublie, d'une part, qu'un ONDAM en progression de 2,1 %, cela représente quand même de l'argent en plus pour la santé et pour l'hôpital, et que, d'autre part – et même surtout –, des efforts très importants avaient été consentis en 2018 et en 2019. Il s'agissait, notamment, d'opérer un rattrapage : l'ONDAM avait progressé très faiblement les années précédentes pour ce qui est de l'hôpital. Il n'est donc pas vrai de dire que nous oublions l'hôpital : nous continuons à faire progresser les dotations, mais la hausse retenue s'appuie sur l'analyse du tendanciel, lequel fait apparaître clairement une diminution de l'activité dans les hôpitaux, aussi étonnant que cela puisse paraître. On observe en effet une baisse de la fréquentation des hôpitaux, alors même qu'il y a une hausse de la demande et de l'activation de l'ONDAM de ville. De fait, celui-ci ne concerne pas seulement les médecins, mais inclut aussi les suites d'hospitalisation. Ainsi, quand un traitement médical est prescrit à l'hôpital, une fois que vous êtes rentré chez vous, c'est l'ONDAM de ville qui en supporte le coût. Il ne faut donc pas se focaliser uniquement sur des montants ou sur des écarts. Très clairement, le secteur hospitalier n'est pas oublié.

De la même façon, le vieillissement de la population est pris en compte, à hauteur de 500 millions d'euros. Nous avons discuté avec la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) des efforts de l'État et de son financement propre.

S'agissant des médicaments innovants, je voudrais saluer deux articles du texte qui me semblent importants : ils concernent les clauses de sauvegarde sur le prix des médicaments. Il s'agit de continuer à financer l'innovation avec les laboratoires, mais aussi de réguler les prix, car l'innovation, dans le domaine de la santé, peut coûter très cher. Il importe donc d'y prendre garde.

Monsieur de Courson nous a interrogés sur la branche vieillesse et le problème que constitue son déficit. Il est vrai que, cette année, on observe un accroissement lié à une liquidation des retraites plus importante que ce qui était prévu. Cela s'explique en partie par un phénomène démographique. Quoi qu'il en soit, les prévisions étaient trop basses par rapport à l'exécution réelle. Pour les pensions de retraite inférieures à 2 000 euros mensuels, cette année, la revalorisation tiendra compte en effet de l'inflation. Pour apprécier ce montant, sont considérées les pensions de retraite du régime général et du régime complémentaire – vous faites bien de le noter. Comment connaît-on les montants des pensions perçues par les retraités ? Grâce à la déclaration sociale nominative (DSN). Je tiens à préciser que la revalorisation porte uniquement sur la retraite de base. Les complémentaires ont cependant annoncé une revalorisation au niveau de l'inflation à partir du 1er novembre 2019.

Madame Pires Beaune, je ne suis pas en mesure de vous répondre sur l'intérim des médecins. C'est en effet un sujet important, auquel la ministre s'attaque, même si je n'ai pas vu dans ce PLFSS des dispositions permettant de remédier spécifiquement au problème. Enfin, je ne vois pas de lien entre l'éviction du RSA et la réforme du chômage. Les deux sujets me semblent assez éloignés.

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