Intervention de Max Mathiasin

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 9h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMax Mathiasin, rapporteur pour avis sur la mission Outremer :

La lecture d'un budget peut conduire à des interprétations diverses mais, en réalité, à périmètre constant, les crédits alloués aux outre-mer n'ont pas diminué par rapport à l'année dernière.

Ceci posé, Mme Justine Benin, qui a salué ce budget et les efforts de l'État, m'a interrogé sur les capacités d'ingénierie outre-mer.

Lorsque l'État soutient les collectivités territoriales par des investissements – par exemple, en Guadeloupe, dans le domaine de l'eau – il doit également leur fournir un accompagnement, car elles n'ont souvent pas les capacités nécessaires pour développer leurs projets. C'est la raison pour laquelle 13 millions d'euros sont affectés cette année à l'ingénierie et aux études. Cela nous permettra, me semble-t-il, de progresser dans ce domaine.

Pour ce qui concerne plus particulièrement l'agriculture, un support en ingénierie est également nécessaire, mais il faut surtout des crédits supplémentaires pour soutenir la diversification agricole et aider les agriculteurs à sortir de la monoculture – banane ou canne à sucre – héritage de l'époque coloniale. L'essentiel des crédits et des aides ayant été, pendant des années, orienté vers ces cultures destinées à l'exportation, nous accusons un retard considérable en matière de cultures vivrières, notamment les fruits et légumes.

Augmenter les crédits consacrés à la diversification des cultures est donc nécessaire, tout particulièrement en Guadeloupe et en Martinique, du fait du chlordécone. Je rappelle qu'une commission d'enquête conduite par M. Serge Letchimy et Mme Justine Benin travaille actuellement pour savoir dans quelle mesure la responsabilité de l'État est engagée dans cette affaire, puisque le produit était encore utilisé outre-mer, alors que les États-Unis l'avaient interdit et qu'il n'était plus autorisé en France métropolitaine. La ministre des outre-mer, Mme Annick Girardin – et ce sera sans doute la position du Gouvernement – va dans le sens d'une reconnaissance de la responsabilité de l'État.

Pour en revenir aux filières agricoles, la diversification doit nous permettre, grâce à l'organisation des filières, d'accéder à des marchés beaucoup plus larges que le marché local ou métropolitain – je pense notamment au marché européen et à ses 500 millions d'habitants, qui représentent un potentiel que nous n'exploitons pas assez. Nous bénéficions pourtant de plusieurs atouts, qu'il s'agisse de nos capacités à développer l'agriculture biologique ou encore d'une variété de territoires situés dans différents océans et ouverts, donc, à de vastes marchés.

Pour ce qui concerne la vie chère et la sur-rémunération des fonctionnaires, les traitements sont en effet supérieurs outre-mer – de 40 % à la Guadeloupe et à la Martinique – dans la fonction publique d'État et dans la fonction publique territoriale. Il faut savoir qu'à l'origine, cette bonification n'était pas destinée aux ultramarins mais aux fonctionnaires métropolitains qui venaient travailler en outre-mer. Elle correspondait à deux primes : une prime de chaleur de 15 % et une prime d'éloignement de 25 %. Cela a abouti à créer une fonction publique à deux vitesses, avec des fonctionnaires locaux rémunérés selon la grille indiciaire normale de la fonction publique et des fonctionnaires métropolitains qui, pour les mêmes fonctions, touchaient 40 % de plus. L'une de nos revendications a donc été que cette bonification s'applique à tous les fonctionnaires d'État, puis à tous les fonctionnaires territoriaux travaillant outre-mer.

Ce différentiel n'est pas le seul à exister entre la métropole et les territoires ultramarins puisque, tandis que le seuil de pauvreté est de 1 000 euros dans l'Hexagone, il a été fixé à 597 euros en Guadeloupe.

Cela étant, je ne pense pas que c'est en stigmatisant les fonctionnaires métropolitains ou ultramarins qui sont employés dans nos territoires, comme l'a fait M. Macron, que l'on réglera le problème. La suppression de cette bonification aurait par ailleurs des résultats désastreux sur l'économie des outre-mer, car cela provoquerait une baisse du revenu global, donc une baisse de la demande et une baisse de la production.

Cela illustre fort bien les difficultés liées au fait que, lorsqu'en 1946, les anciennes colonies ont accédé à la départementalisation, cela s'est fait sans aucun ajustement ni aucune remise à niveau, si bien que depuis, malgré toutes les mesures qui ont été prises, de grandes disparités subsistent dans nos territoires par rapport à la métropole.

Si l'on prend le cas de l'illettrisme, il faut bien comprendre que, au moment où les colonies sont devenues des départements, le taux de scolarisation y était extrêmement faible et donc le taux d'illettrisme extrêmement élevé. Or le retard n'a jamais été rattrapé.

De même, il existait un décalage entre le SMIC métropolitain et celui qui était appliqué chez nous. Il a fallu réaliser des ajustements progressifs. Au moment de la départementalisation, nos territoires auraient dû bénéficier d'un plan de remise à niveau, ce qui n'a pas été fait.

Il faut donc à présent prendre des mesures de plus grande ampleur. Certes, un effort a été accompli, notamment grâce à Mme Girardin mais nous estimons, tout en ayant conscience de la raréfaction des ressources budgétaires, qu'il n'est pas suffisant. Le parti pris du développement, qui met l'accent sur la production locale et vise à mettre fin à une situation de bouleversement permanent, offre aux entreprises implantées dans ces territoires, pour la première fois depuis longtemps une certaine stabilité institutionnelle, favorable au travail. Mais il faut adopter des mesures plus ambitieuses, budgétairement parlant, pour permettre le véritable développement de ces pays.

Il convient d'agir non seulement en faveur du logement mais aussi – c'est fondamental – d'apporter un correctif à la lutte contre le chômage. Les jeunes ne cessent de partir. Le département et la région où je vis perdent 4 000 habitants par an, sur une population qui atteignait, encore récemment, 400 000 personnes. Avant, les jeunes partaient pour la métropole ; ils gagnent aujourd'hui l'Amérique du nord et ne reviennent pas. L'Amérique du nord cherche des cerveaux, des personnes formées en France. Pour notre part, nous n'avons pas produit l'effort nécessaire pour assurer un véritable développement de ces territoires.

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