Intervention de Stéphanie Do

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 15h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaStéphanie Do, rapporteure pour avis :

En 2019, le Gouvernement a poursuivi le chantier de transformation de la politique du logement engagé en 2018. Plusieurs réformes d'envergure ont été menées et seront poursuivies en 2020. Elles concernent avant tout les aides au logement, mais également ce que l'on appelle les aides à la pierre.

Concernant le programme « Aide à l'accès au logement », grâce à la RLS, à la mise en oeuvre des APL en temps réel et à une contribution d'Action Logement au Fonds national d'aide au logement (FNAL), il sera possible de diminuer la dépense de l'État de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finance 2019 sans diminuer l'aide destinée au logement. Parmi ces mesures, deux grandes réformes permettent d'arriver à ce résultat.

Je commencerai par la RLS. Il s'agit d'un mécanisme désormais bien connu, visant à diminuer les loyers dans le secteur des habitations à loyer modéré (HLM) en compensation d'une baisse du niveau des APL. Son niveau évolue par paliers : en 2019, le montant de la RLS a ainsi été fixé à 890 millions d'euros ; il atteindra 1,3 milliard d'euros en 2020.

Nous avions beaucoup échangé au sujet de l'impact de la RLS lors de l'examen de la loi de finances pour 2019. Les acteurs du secteur avaient fait part d'une grande inquiétude et je m'étais engagée à suivre cette question avec beaucoup d'attention. D'après les chiffres dont j'ai eu connaissance et à la suite des auditions que j'ai menées, je note que la RLS a été mise en oeuvre de façon très satisfaisante. Le volume des agréments est resté proche de son niveau historique atteint en 2017 : 107 000 agréments en 2018 contre 113 000 en 2017. La capacité d'autofinancement des organismes concernés est restée stable, avoisinant les 6 milliards d'euros. Je tiens à saluer les efforts collectifs de mise en oeuvre de cette réforme. Ce succès est imputable en partie aux efforts d'organisation des organismes de logement social, engagés à la suite de la loi ELAN. Il est également le fruit des mesures d'accompagnement décidées par l'État, la Caisse des dépôts et consignations et Action Logement. Permettez-moi de citer quelques-unes de ces mesures : le lissage de l'impact de la RLS grâce à la cotisation payée par les bailleurs sociaux à la caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), la stabilisation du taux du livret A, l'allongement de la durée des prêts, les prêts de haut de bilan, les éco-prêts, le programme Tonus. Ces mesures, élaborées en concertation avec les bailleurs sociaux, ont permis de stabiliser leur capacité d'autofinancement malgré la baisse des loyers.

Le pacte signé entre l'État et ces acteurs le 24 avril 2019 a permis de s'accorder sur un niveau de RLS de 1,3 milliard d'euros en 2020 et sur la mise en place de mesures d'accompagnement supplémentaires. Dans mon rapport budgétaire pour avis de 2018, j'avais attiré l'attention sur la difficulté, pour les organismes sociaux, de mettre en oeuvre une somme de 1,5 milliard d'euros de RLS. Je me réjouis donc qu'une concertation ait pu aboutir à la réduction de ce montant, assortie de mesures d'accompagnement renforcées. J'avais demandé l'élaboration d'un rapport d'évaluation de l'impact de la RLS sur l'autofinancement et les capacités d'investissement des organismes de logement social, dans la perspective d'une hausse du montant de ce dispositif. Ma demande avait été acceptée dans la loi des finances pour 2019 et ce rapport devait être remis avant le 1er septembre 2019.

La seconde réforme concerne la modernisation des APL. La mise en place d'un mode de calcul fondé sur les revenus contemporains du versement de l'aide doit permettre une diminution des dépenses de 1,2 milliard d'euros en 2020. Lors de l'examen du PLF 2019, nous avions adopté le principe d'une mise en oeuvre de cette réforme à compter de l'été 2019. La complexité du chantier technique pour la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et pour la Mutualité sociale agricole (MSA) a conduit au report de cette réforme au mois de janvier 2020.

Cette réforme me semble logique et cohérente. Elle fait suite à la mise en oeuvre du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu et rendra le mode de calcul des APL plus proche du cycle économique. La croissance économique et le retour à l'emploi susciteront une diminution des dépenses plus rapide ; inversement, les personnes confrontées à des accidents de la vie seront prises en charge plus rapidement. Nous devrons suivre très attentivement les conditions de mise en oeuvre de cette réforme au cours des tout premiers mois de l'année prochaine.

Les personnes auditionnées nous ont fait part de leur inquiétude concernant les étudiants devenant jeunes actifs ; le montant de leur aide sera adapté plus rapidement à leur situation réelle, et ce, sur douze mois glissants, ce qui permettra davantage de progressivité. J'ai personnellement tenu à alerter le Gouvernement à ce sujet ; il a bien pris en considération cette problématique. La prise en compte immédiate des variations de revenus est la bienvenue lorsque la situation des ménages se dégrade, en raison du chômage, de la maladie ou encore d'une baisse d'activité. Par ailleurs, cette réforme aura un impact positif pour les retraités récents, pour les primo demandeurs et pour les indépendants.

J'en viens maintenant à l'autre volet de la politique du logement, que l'on qualifie souvent d' « aides à la pierre ». Les crédits correspondants, regroupés dans le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », connaissent une augmentation importante, de plus de 20 %, qui s'explique pour l'essentiel par le versement d'une enveloppe de 60 millions d'euros au programme « Habiter mieux » de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), dans le cadre de la transformation du CITE en prime. Dans le prolongement de la loi de finances pour 2019, les crédits de ce programme financeront une série d'autres mesures mentionnées dans mon rapport, telles que la lutte contre l'habitat indigne ou les opérations de revitalisation des territoires, prévues dans le cadre de la loi ELAN.

Pour compléter ces mesures, j'ai souhaité, dans la partie thématique de mon rapport, formuler plusieurs propositions de nature à soutenir la rénovation et la construction, d'une part, et à améliorer l'accompagnement des plus fragiles, d'autre part.

Comme nombre de députés, je regrette l'extinction du prêt à taux zéro (PTZ) en zones dites détendues. Je défendrai à ce titre un amendement en commission des finances visant à maintenir ce dispositif.

À deux ans de son extinction, je propose en outre que nous nous intéressions aux modalités d'évaluation du dispositif d'encouragement à l'investissement locatif mis en place par notre collègue Sylvia Pinel. J'avais proposé un amendement sur ce sujet en 2017, qui a été adopté dans la loi de finances pour 2018. Je regrette que le rapport relatif à ce dispositif ne nous soit pas parvenu à ce jour. Je propose de ne pas prolonger ce dispositif au-delà de 2021 en l'absence d'une évaluation rigoureuse confirmant son efficacité sociale.

De nombreux acteurs s'inquiètent de la disparition des APL « accession », qui permettent à de nombreux ménages de sortir du dispositif des APL « location » et, ce faisant, de diminuer les dépenses de l'État concernant ce poste. Ce dispositif, peu coûteux pour l'État, s'ajuste aux variations de revenus des bénéficiaires ; il ne s'agit donc pas d'un engagement pour toute la durée du prêt. Par conséquent, je propose d'engager des discussions avec le Gouvernement pour le renouveler, éventuellement assorti d'aménagements visant à préciser sa vocation sociale.

Concernant l'accompagnement des plus fragiles, je formule des recommandations de nature réglementaire pour une meilleure mise en oeuvre du droit au logement opposable (DALO), ainsi que pour la poursuite du plan quinquennal « Pour le logement d'abord ». Toujours au niveau réglementaire, je formule quelques propositions visant à fluidifier les conditions de pilotage de la politique du logement au niveau déconcentré. Autant de propositions au sujet desquelles nous pourrions continuer à échanger ensemble et avec le Gouvernement.

Pour conclure, je crois utile de saluer à nouveau l'état d'esprit constructif et optimiste qui anime les acteurs du logement. Un tel état d'esprit permettra la réussite des réformes en cours, en alliant responsabilité budgétaire et souci de protection des plus fragiles.

J'émets donc un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » s'agissant du logement.

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