Intervention de Valérie Rabault

Séance en hémicycle du lundi 28 octobre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Recherche et enseignement supérieur

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Rabault :

Tous les budgets sont importants pour la vie de notre pays, mais celui de l'enseignement supérieur et de la recherche a la particularité de nous faire prendre nos responsabilités vis-à-vis du futur, c'est-à-dire vis-à-vis des jeunes générations. Ce budget invite à penser l'avenir, ce qui implique de prendre une part de risque. C'est bien grâce aux paris pris par nos aînés sur l'avenir que la France a créé une école de mathématiques devenue la deuxième au monde – dont nous comptons un éminent représentant dans cet hémicycle. C'est aussi grâce à ces paris que la France compte aujourd'hui une femme prix Nobel d'économie, Esther Duflo. C'est encore grâce à ces paris que les laboratoires français ont su s'imposer et transmettre le goût de la recherche à de nombreux étudiants.

Je connais, madame la ministre, votre leitmotiv selon lequel ce budget est en augmentation. C'est vrai : il augmente facialement de 535 millions d'euros entre la loi de finances de 2019 et le projet de loi de finances pour 2020. Cela mérite d'être souligné.

Je voudrais toutefois démontrer que cette augmentation, aussi notable soit-elle, ne suffira pas à résoudre l'équation à laquelle notre pays est confronté. Si nous considérons que le savoir est un véritable atout, qu'il est précieux et qu'il doit être largement partagé, il faut en faire davantage.

L'examen des dépenses par étudiant, calculées sur la base du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et du programme 231 « Vie étudiante », fait ressortir les données suivantes, inflation comprise : de 6 061 euros en 2017, elles ont chuté à 5 915 euros en 2018, puis à 5 884 euros en 2019. Certes, on ne saurait réduire le sujet à la dépense budgétaire, mais cette évolution n'en reste pas moins insatisfaisante. Elle avait commencé avant 2017, et votre politique perpétue indéniablement cette décroissance de la dépense par étudiant.

L'analyse des données que vous présentez dans les documents budgétaires – les fameux bleus – est également révélatrice.

On constate ainsi, dans le programme 150, que le pourcentage d'une classe d'âge qui obtient un diplôme de l'enseignement supérieur en formation initiale baisse depuis 2017. Le taux d'obtention de la licence en trois et quatre ans diminue lui aussi en 2019.

Dans le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires », on constate que la France n'occupe que le huitième rang mondial au regard du nombre d'articles publiés. On note aussi une baisse de la part des publications de référence internationale des opérateurs du programme dans la production scientifique mondiale. Je ne fais là que citer les chiffres qui émanent de vos documents budgétaires, madame la ministre.

Tous ces indicateurs – vos indicateurs – accusent un recul qui nous semble problématique. Le groupe Socialistes et apparentés et moi-même avons déposé des amendements qui constituent des solutions susceptibles d'enrayer cette tendance défavorable. Nos amendements visent à ce que la dépense consacrée à la recherche publique atteigne 1 % du PIB. Nous proposons également la création de 2 000 postes de chercheurs, pour un coût budgétaire de 100 millions d'euros estimé au vu des données que vous nous avez transmises.

En juillet dernier, la session extraordinaire du Comité national de la recherche scientifique, à laquelle j'ai assisté, a fait un amer constat : 300 postes de chercheurs et 800 postes d'ingénieurs et techniciens ont disparu entre 2010 et 2017. Il est vrai qu'à l'époque, vous n'étiez pas aux responsabilités, madame la ministre. Mais aujourd'hui, c'est bien le cas, et il vous incombe de redonner du souffle à la recherche – d'autant qu'à votre arrivée, en 2017, vous disposiez de marges de manoeuvre et d'une croissance économique restaurées, que vous n'utilisez pas pleinement dans ce budget.

Nous voulons que les chercheurs puissent retrouver de la liberté. L'an dernier, j'avais souligné, à titre d'illustration, que ce n'était pas en améliorant la bougie que l'on avait découvert l'électricité. La recherche suppose d'éviter de travailler en vase clos, ce qui implique de supprimer les appels à projets et de donner de vraies lignes budgétaires aux laboratoires. Nous avons déposé un amendement en ce sens.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.