Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du mardi 29 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission justice (état b)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

L'amendement no 739 est lui aussi relatif au personnel pénitentiaire, confronté quotidiennement à la violence des détenus, comme j'ai eu l'occasion de le rappeler à l'instant, en évoquant la prison du Gasquinoy, à Béziers. Celui-ci souffre du climat de travail déplorable dans lequel il est parfois amené à travailler, provoqué par cette violence.

Vous n'ignorez pas que la violence dans les établissements pénitentiaires n'est pas un épiphénomène. Cet été, quatre surveillants de la prison de Fresnes ont été agressés à coup de barres de fer. Le détenu, qui avait démonté les barreaux de son lit, s'est littéralement jeté sur eux. Sur les quatre gardiens, trois se sont vus prescrire des ITT – interruptions temporaires de travail – de quinze et dix jours. Le quatrième, qui a eu le crâne fracassé, a été évacué sur un brancard. Ancien militaire, il a été très choqué et a avoué avoir eu la peur de sa vie : « j'ai failli mourir pour la première fois », a-t-il dit. L'agresseur a comparu devant la justice en septembre. Pour la vice-procureure, il ne s'agit pas d'une agression gratuite. « Ces hommes ont été attaqués parce qu'ils portaient un uniforme », a-t-elle déclaré. Au demeurant, elle s'est quasiment excusée auprès des victimes de ne pas avoir pu retenir les chefs de tentative de meurtre et de préméditation.

La justice doit adresser un signal clair pour condamner fermement quiconque s'en prend au personnel pénitentiaire, et plus généralement à ceux qui portent un uniforme. Tel est l'objet de l'amendement no 739 , dont vous aurez compris qu'il est un amendement d'appel.

L'amendement no 740 , quant à lui, porte sur les détenus radicalisés. Depuis trois ans, l'administration pénitentiaire tâche de se battre contre la fatalité d'une radicalisation islamiste très difficile, voire impossible, à désamorcer. Au demeurant, on ne tente même plus de déradicaliser ; tout au plus essaie-t-on de faire renoncer les détenus à la violence. La situation est d'autant plus inquiétante que la question de la radicalisation se pose non seulement en prison mais aussi à la sortie des établissements pénitentiaires. En effet, chaque année, des dizaines de condamnés pour terrorisme finissent par sortir de prison. Ils étaient trente en 2018, le ministre de l'intérieur en a annoncé quarante-huit pour 2019, et ils seront au moins quarante en 2020. Il faut leur ajouter les prisonniers de droit commun radicalisés – plusieurs dizaines d'entre eux sont sortis de détention au cours des trois dernières années.

À cet égard, deux questions se posent.

La première porte sur la formation du personnel pénitentiaire, laquelle, en l'état actuel des choses, ne lui permet pas de travailler sereinement, comme l'a rappelé une directrice de prison, dans une tribune relative aux détenus radicalisés publiée par Le Parisien au début du mois : « C'est un public très difficile, très éprouvant pour le personnel. Un public auquel nous n'étions pas préparés. Une réflexion globale a été engagée au niveau de l'administration. Mais comment former plus de 30 000 personnes à l'accueil d'une population comme celle-là ? C'est énorme. » Madame la garde des sceaux, que comptez-vous faire pour répondre à la demande pressante du personnel pénitentiaire, pour une formation permettant de gérer les détenus radicalisés ?

Ma seconde question porte sur le programme de déradicalisation, dont nous savons tous que l'efficacité est pour le moins mise en cause. Quelles solutions concrètes comptez-vous apporter pour contrôler la radicalisation – à défaut d'en finir avec elle – et assurer la sécurité des Français une fois ces détenus sortis de prison ?

Question subsidiaire : comment gérer l'éventuel retour en France de djihadistes partis en Syrie ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.