Intervention de Christine Pires Beaune

Séance en hémicycle du mercredi 30 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines ; action et transformation publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; remboursements et dégrèvements ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

La mission « Remboursements et dégrèvements » est, en volume, la plus importante du budget général de l'État : les crédits ouverts s'établiront à 141 milliards d'euros en 2020, soit 33 % des recettes fiscales brutes et près de la moitié des recettes nettes. Cela correspond à une hausse de 6 milliards d'euros par rapport à la LFI – la loi de finances initiale – pour 2019, mais à un léger recul, de 2 milliards d'euros, par rapport à la prévision révisée.

J'ai présenté, en commission, les raisons de ces évolutions : sur le programme 200, la mise en oeuvre du prélèvement à la source pour plus de 3 milliards d'euros, la suppression du CICE – le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi – pour un peu moins de 10 milliards et le recul des dépenses contentieuses pour moins de 2 milliards ; sur le programme 201, le dégrèvement de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages, pour plus 3,8 milliards d'euros.

Je souhaite appeler ce soir l'attention de notre assemblée sur quelques points particulièrement saillants de la prévision pour 2020.

D'abord, concernant la performance de la mission, je relève que les résultats accusent un certain recul, sur les deux programmes, depuis 2017. Ces indicateurs mesurent les délais dans lesquels l'administration fiscale traite les demandes de remboursement d'impôts d'État comme d'impôts locaux. Trois des quatre indicateurs mesurant ces délais se sont dégradés au cours des dernières années, et je m'interroge à propos de l'impact de la baisse des effectifs de l'administration fiscale sur cette situation.

Je souhaite également relever que, si les dépenses associées aux contentieux fiscaux devraient connaître un léger recul en 2020, cette remarque mérite d'être nuancée à deux égards.

D'une part, les évolutions sont inquiétantes pour les contentieux individuels. La baisse attendue des contentieux portant sur l'IS – l'impôt des sociétés – ne constituera qu'un retour à la normale, et, depuis trois ans, la prévision initiale est largement dépassée. Les décharges exceptionnelles d'IS ont atteint des niveaux très élevés en 2017 : 1,3 milliard d'euros pour seulement six dossiers, auxquels se sont ajoutés 130 millions d'euros d'intérêts moratoires pour ces mêmes six entreprises. En 2018, les montants étaient de 1,7 milliard d'euros pour treize dossiers, avec plus de 311 millions d'intérêts moratoires. Pour 2019, 300 millions d'euros de dégrèvements exceptionnels d'IS, au titre de quelques dossiers à fort enjeu, ont déjà été enregistrés : le montant pourrait atteindre 3 milliards d'euros cette année.

D'autre part, pour les contentieux de série, la prévision pour 2020 est élevée, à 2,3 milliards d'euros. Une provision de 1,1 milliard d'euros en responsabilité a notamment été enregistrée au titre du seul contentieux sur le précompte mobilier avec Accor. Les risques associés aux contentieux fiscaux restent donc très élevés.

J'appelle l'attention de notre assemblée sur le coût des intérêts moratoires. Malgré la division par deux du taux intervenue à l'automne 2017, leur coût atteindrait 1,7 milliard d'euros en 2019, soit 1 milliard d'euros par an, en moyenne, sur les cinq dernières années. Je défendrai des amendements visant à limiter ce coût dans le contexte actuel de taux négatifs.

Je rappelle que la commission des finances a adopté deux amendements visant à améliorer l'information du Parlement sur ces enjeux budgétaires importants. Ils ont été proposés par Véronique Louwagie, qui avait présidé la mission d'information sur la gestion des risques budgétaires associés aux contentieux fiscaux et non fiscaux de l'État, dont Romain Grau était rapporteur. Ces propositions sont bienvenues, et je souhaite, monsieur le ministre, que vous y donniez suite.

Sur un sujet proche, celui des transactions fiscales, notre commission a également adopté, sur ma proposition, un amendement s'appuyant sur les travaux du printemps de l'évaluation. Nous disposons d'informations intéressantes sur la manière dont l'administration fiscale utilise les outils à sa disposition pour minorer les impositions dues par les contribuables, mais celles-ci gagneraient à être complétées. Je vous propose donc d'étendre le champ du rapport prévu à l'article L. 251 A du livre des procédures fiscales, portant sur les remises et les transactions en matière fiscale, à d'autres éléments comme les règlements d'ensemble et les conventions judiciaires d'intérêt public conclues en matière fiscale.

Sur le programme 201 « Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux », je souhaite rappeler que les montants de dégrèvements contentieux et gracieux portant sur la taxe foncière resteront très élevés en 2020 – plus de 1,2 milliard d'euros – , du fait du nombre significatif des transactions immobilières réalisées au cours des dernières années. Les services de la publicité foncière ne sont toujours pas en mesure de régulariser le flux. Je vous proposerai donc d'adopter un amendement demandant un rapport sur le sujet.

Au final, le groupe Socialistes et apparentés votera pour les crédits évaluatifs de la mission.

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