Intervention de Belkhir Belhaddad

Séance en hémicycle du mercredi 30 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Gestion des finances publiques et des ressources humaines ; action et transformation publiques ; crédits non répartis ; régimes sociaux et de retraite ; remboursements et dégrèvements ; gestion du patrimoine immobilier de l'État ; pensions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBelkhir Belhaddad, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Chaque automne donne l'occasion d'examiner les 66 milliards d'euros de crédits affectés au financement des régimes des fonctionnaires civils et militaires, et des régimes spéciaux, rassemblés dans la mission « Régimes sociaux et de retraite » et dans le compte d'affectation spéciale « Pensions ». Chaque automne nous permet ainsi de constater la complexité et l'enchevêtrement des circuits financiers, à l'image du système de retraites, dont les dépenses sont dispersées entre le PLFSS et le PLF, qui nous mobilise ce soir.

L'examen de cette année intervient toutefois dans un contexte singulier, à mi-chemin entre la remise du rapport du haut-commissaire aux retraites et la présentation du projet de loi relatif au régime universel. Plutôt qu'un examen caisse par caisse ou régime par régime, j'ai souhaité inscrire mes travaux dans la perspective de cette réforme et embrasser, dès maintenant, une approche inter-régimes.

Au-delà de l'analyse des crédits, j'ai choisi de consacrer mes auditions à l'un des domaines les plus lourds financièrement – plus de 200 milliards d'euros – et paradoxalement l'un des moins documentés, puisqu'il n'a pas fait l'objet de travaux parlementaires : les réserves financières de notre système de retraites. En d'autres termes, si je devais user d'une métaphore sportive, j'aurais pu me contenter d'escalader le Mont-Blanc, mais j'ai préféré faire l'ascension de l'Everest par la face nord !

La sensibilité politique et l'importance financière de ces réserves nous ont été rappelées par l'actualité des dernières semaines. Plutôt que m'en tenir au statu quo ou observer un silence poli, j'ai volontairement fait le choix de donner la parole aux représentants des principaux régimes de retraite concernés, et de confronter les divers scénarios possibles.

Les auditions que j'ai menées ont permis de mettre en lumière la forte diversité des enveloppes de réserves financières, de leurs conditions de placement et de leurs doctrines d'utilisation. Il s'est également avéré qu'un grand flou entoure leurs conditions d'utilisation et leurs conséquences comptables. Nous devons donc être particulièrement vigilants à leur sujet, dans le respect de nos engagements européens.

Rapidement, une tension s'est dessinée. D'un côté, les représentants des divers régimes de retraite que nous avons auditionnés ont manifesté leur attachement aux réserves financières qu'ils ont constituées ; elles doivent leur permettre de faire face aux prochains chocs, notamment démographiques, auxquels leurs professions pourraient être confrontées. De l'autre, l'État, garant des équilibres financiers et du versement des pensions, agira demain dans le cadre d'un régime qui sera universel et par répartition, ces deux conditions n'étant pas négociables.

Toutefois, cette contradiction n'est pas insurmontable, à condition de relativiser les oppositions, parfois caricaturées dans le débat public. Ainsi, certains n'ont pas hésité à brandir l'étendard imaginaire d'une spoliation, là où le rapport Delevoye ne constitue au contraire qu'un premier ensemble de préconisations rationnelles et raisonnables, dans la perspective de la création d'un fonds de réserve universel.

Pour ma part, je préfère la confrontation des scénarios, en rassemblant tous les acteurs autour de la table, plutôt que la caricature ou l'approximation.

Non, aucune profession ne perdra le bénéfice de ses réserves financières pour financer le pot commun des déficits publics ! Non, aucun hold-up ne sera orchestré par l'État, dans une confusion entre les cigales et les fourmis qui relève avant tout de la fable ! Et non, le futur régime universel ne sera pas viable si les engagements pris par les quarante-deux régimes de retraite ne sont pas honorés financièrement.

Je propose donc une méthode et un principe pour sortir de ce débat par le haut et en dépasser les termes.

S'agissant de la méthode, je préconise d'associer les caisses de retraite à la concertation menée par le haut-commissaire aux retraites, et non les seuls partenaires sociaux.

S'agissant du principe, j'estime qu'une doctrine de fléchage devrait être mise à l'étude, afin de rassurer les professions sur l'avenir de leurs réserves financières. Que ce soit pour honorer le versement de leurs pensions, pour financer de nouveaux droits ou pour accompagner la montée en puissance de nouveaux taux de cotisations, l'orientation des réserves vers les professions les ayant constituées serait à même de rassurer tout un chacun et de dissiper la méfiance constatée à l'heure actuelle.

Cette méthode et ce principe ont reçu un accueil favorable en commission des affaires sociales, la semaine passée, ce qui démontre notre capacité à trouver une sortie par le haut sur ce sujet épineux.

Je suis convaincu qu'une réforme aussi ambitieuse que celle portée par le Gouvernement et la majorité ne pourra être menée que dans un climat de confiance, cette confiance qui manque cruellement lorsque l'on interroge les jeunes générations sur l'avenir des retraites, et qui se manifeste insuffisamment entre professions et entre acteurs de notre système de retraites.

J'achèverai mon propos en citant Georges Clemenceau, qui pourrait nous servir de boussole : « Il faut savoir ce que l'on veut. Quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire ; quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire. »

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