Intervention de Gérald Darmanin

Séance en hémicycle du mercredi 30 octobre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Après l'article 76

Gérald Darmanin, ministre :

Le débat est très délicat, tant, devant l'opinion publique, la caricature est facile. La question se pose également à chacun des Français qui nous écoutent et sont nettement moins bien payés que les femmes et hommes politiques en général.

Vous ne situez donc pas le débat à ce niveau, préférant décréter que personne ne devrait être mieux payé que le chef d'entre les chefs. Mais, si l'on transfère le débat aux collectivités locales, on n'a jamais vu un directeur général des services moins bien payé que le maire : au contraire, celui-ci, le président du conseil régional ou le président du conseil départemental sont moins bien rémunérés, en dépit de leurs grandes responsabilités, que la plupart des fonctionnaires importants de leur administration ou que leur directeur de cabinet. La décorrélation de rémunération entre l'élu et les agents qui servent sous son autorité n'est donc pas exceptionnelle.

Le montant de la rémunération des fonctionnaires mieux payés que le Président de la République est à votre disposition. Il n'était pas nécessaire d'en passer par la loi pour l'obtenir : il suffit d'interroger l'administration et, en l'absence de réponse de sa part, la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, vous donnera les rémunérations anonymisées, c'est-à-dire par fonction.

Qui sont ces personnes ? Souvent des fonctionnaires du Quai d'Orsay en poste à l'étranger : il me semble que les hauts fonctionnaires les mieux payés sont les diplomates en poste dans des pays en guerre. Or je ne pense pas que ce soit très amusant d'être ambassadeur de France en Afghanistan ou en Irak. Si le Président de la République me le permet, je dirai même qu'il s'agit d'une tâche parfois un peu plus difficile et dangereuse que la sienne. Si nous adoptions votre amendement, il faudrait encore tenir compte de cette dangerosité.

Se pose ensuite la question de la rémunération au mérite, qui rejoint celle de l'évaluation dont vient de parler Mme la rapporteure spéciale. En la matière, mes collègues du Gouvernement pourraient vous dire que je suis un peu vétilleux, mais je mets un point d'honneur à appliquer les recommandations du Premier ministre : fixer à 25 % du salaire la part variable de la rémunération de tout haut fonctionnaire travaillant pour l'État, au sein des opérateurs comme au niveau des directeurs d'administration centrale.

Peut-être faut-il aller même au-delà de 25 %, pour signifier l'importance de l'évaluation. Mais cela implique que les ministres, le Président de la République et, de manière générale, ceux qui sont chargés de l'évaluation ne procèdent pas comme à « L'école des fans » et ne mettent pas dix-neuf sur vingt à tout le monde à la fin de l'année : ce ne serait plus une rémunération au mérite. Pour évaluer, il faut établir un plan de transformation, puis voir si l'agent public a respecté la feuille de route qu'on lui a donnée et indexer sa rémunération variable sur sa réussite. Les critères d'appréciation peuvent être nombreux : les économies réalisées, le management – dont la qualité peut se mesurer à l'absentéisme des agents encadrés – , l'évolution, la diversité, l'implication, etc.

L'amendement est sinon démagogique, du moins peu averti de la façon dont l'État fonctionne et de certains problèmes qu'il rencontre actuellement. Ainsi, les intérêts de l'État ne sont pas toujours bien défendus, notamment en cas de contentieux juridiques. Nous aimerions que davantage de jeunes gens choisissent le service de l'État, ce qui nous ferait gagner de l'argent dans certains contrats ou contentieux, plutôt que de voir une partie des plus talentueux partir dans le privé.

Cette réflexion rejoint celle que nous avons eue à propos de l'ENA, entre autres établissements : nous formons de jeunes hauts fonctionnaires pour qu'ils servent l'État et l'intérêt général et non pas pour qu'ils aillent dans le privé. Ce n'est pas seulement une question de rémunération, mais c'est aussi une question de rémunération, et il ne faut pas en avoir honte.

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