Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 9h35
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière, rapporteur pour avis :

… car la part de l'aide au développement dans le revenu national a été fixée à 0,47 % pour 2020, 0,51 % pour 2021 et 0,57 % pour 2022. C'est donc à partir de 2021 que les sauts seront plus importants. Il faut espérer que les autorisations d'engagement se seront concrétisées en crédits de paiement, que les projets concrets auront avancé afin que la trajectoire soit respectée.

Pour mesurer le volume de l'aide de la France, il est important de prendre en compte, en plus de la mission Aide publique au développement, les recettes de la taxe sur les billets d'avion et de la part de la taxe sur les transactions financières (TTF), également consacrées au développement. L'ensemble constitue ce que l'on appelle la partie pilotable de notre aide au développement, qui se traduit en transferts directs vers les pays en développement.

À côté de cette trajectoire quantitative, la feuille de route du CICID prévoit une trajectoire qualitative, en s'attachant à l'articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale. Le CICID a décidé que l'augmentation importante des crédits devra profiter d'abord au bilatéral et dans une moindre mesure au multilatéral, dans une proportion de deux tiers – un tiers. Il ne s'agit pas de dire du mal du multilatéral, mais depuis 2010, l'aide bilatérale a été la variable d'ajustement budgétaire. Les engagements dans le cadre du multilatéral étant pluriannuels, c'est donc l'aide bilatérale qui subissait les restrictions budgétaires : elle a ainsi perdu près de 40 % de ses crédits. La priorité redonnée à l'aide bilatérale apparaissait clairement dans le budget 2019.

La feuille de route du CICID prévoit également l'équilibre entre prêts et dons, et définit des priorités sectorielles et géographiques.

En 2020, les autorisations d'engagement profitent plutôt au multilatéral, du fait de la forte augmentation de notre contribution à la Banque mondiale, mais également de reconstitutions de fonds, ce dont nous pouvons nous réjouir : la contribution française au Partenariat mondial pour l'éducation, par exemple, est une bonne chose. Encore faut-il regarder comment on l'articule avec le bilatéral et comment elle sert les priorités sectorielles et géographiques de la France. Le Fonds vert pour le climat bénéficie également de cette importante augmentation des autorisations d'engagement.

L'aide multilatérale passe aussi par les contributions volontaires. Il y a deux ans, j'avais remarqué que nos contributions volontaires étaient faibles comparativement à celles de nos voisins européens ; elles augmentent de manière importante dans le budget 2020, au profit du Fonds des Nations unies pour l'enfance, l'UNICEF, et d'autres fonds ayant retenu ce mécanisme de financement.

L'augmentation du montant des AE au profit de l'aide multilatérale s'accompagne d'une réduction des AE en faveur des dons-projets, ce qui n'est pas très cohérent avec la feuille de route du CICID. Rappelons toutefois que ces dons avaient connu une augmentation notable l'an dernier, qui s'est concrétisée par de nombreux projets pilotés par l'AFD, en particulier dans les dix-neuf pays prioritaires identifiés par la feuille de route du CICID.

On relève par ailleurs une hausse importante de l'enveloppe des dons aux organisations non gouvernementales (ONG), tandis que les crédits en faveur de l'action humanitaire augmentent de plus de 140 millions, l'objectif étant d'y consacrer 500 millions d'ici à 2022. Le fonds d'urgence humanitaire en particulier voit son enveloppe doubler en 2020.

L'enveloppe des fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) augmente également cette année ; les FSPI permettent à nos ambassades d'aider de petits projets qui amorcent parfois des projets d'infrastructures plus importants, financés par l'AFD.

Pour en finir sur les autorisations d'engagement, la diminution des AE pour les dons-projets n'est pas totalement cohérente avec la feuille de route ; elles devront augmenter en 2021.

L'importante augmentation des AE enregistrée l'année dernière s'est concrétisée, je l'ai dit, en CP au profit des projets en cours. Pour 2020, l'augmentation des CP s'élève à 300 millions d'euros, dont 202 millions pour l'aide-projet bilatérale, qui passe à 639 millions d'euros si l'on inclut les 185,5 millions d'euros en provenance du FSD. Traditionnellement, les recettes de la TTF et de la taxe sur les billets d'avion affectées au développement financent plutôt de l'aide multilatérale, mais 170 millions de ces recettes avaient été affectées à l'AFD il y a trois ans, puis il y a deux ans. Le Gouvernement a décidé l'année dernière de budgétiser cette somme au profit de l'aide publique au développement. Cette année, à nouveau, une part des recettes de ces deux taxes vient financer l'aide-projet bilatérale, c'est-à-dire la réalisation de projets en cours, qui génèrent des crédits de paiement.

Parallèlement au rééquilibrage entre le multilatéral et le bilatéral, la feuille de route du CICID prévoit une réorientation géographique de l'aide vers dix-neuf pays prioritaires, dix-huit pays africains et Haïti, et une réorientation thématique en direction de cinq secteurs : la santé, l'éducation, l'égalité femmes-hommes, le climat et la lutte contre les fragilités. La ventilation des engagements de l'AFD en dons-projets fait clairement apparaître cette réorientation vers l'Afrique, en particulier vers les pays en crise, et au bénéfice des secteurs sociaux plutôt que des secteurs productifs.

Enfin, le financement par l'État de la coopération décentralisée est en hausse de 24 %, pour une enveloppe de 11,5 millions d'euros. De nombreux collègues sont attachés au rôle de la coopération décentralisée et à sa complémentarité dans l'architecture de notre aide publique au développement.

Nous attendons tous avec impatience la loi de programmation et d'orientation sur l'aide publique au développement, que nous espérons pouvoir examiner dès le premier semestre 2020. Notre commission a participé à son élaboration, en formulant des propositions sur le pilotage, l'articulation entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale, la consolidation des partenariats avec les entreprises privées, la société civile et les collectivités locales, la réappropriation par les citoyens et le renforcement de l'évaluation.

Je conclus mon propos en appelant votre attention sur l'aide multilatérale dans le domaine de la santé, dans le contexte de la conférence de restitution du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Même si un rattrapage de notre aide bilatérale était nécessaire, gardons à l'esprit que l'aide multilatérale peut être très efficace dans le domaine de la santé. La France consacre 882 millions d'euros de son aide à la santé, dont 729 millions dans le cadre multilatéral ; l'aide bilatérale pourrait donc monter en puissance. Mais dans le domaine de la santé, l'aide multilatérale est plus efficace que l'addition d'aides bilatérales. Si l'ensemble des contributeurs au Fonds mondial, à UNITAID et à GAVI en étaient restés à l'aide bilatérale, chacun de leur côté, nous n'aurions pas obtenu les résultats que nous connaissons. Un exemple : en 2005, 4 millions de personnes sont mortes du sida, de la tuberculose et du paludisme ; en 2017, ce chiffre est tombé à 2,5 millions. On estime que 27 millions de vies ont été sauvées depuis la création du Fonds mondial.

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