Intervention de Bénédicte Peyrol

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure spéciale pour la mission Engagements financiers de l'État :

Les crédits de la mission Engagements financiers de l'État s'élèvent à 38,5 milliards d'euros en 2020, en baisse de 3,9 milliards d'euros par rapport aux prévisions de 2019. Ces crédits correspondent à 99 % aux dépenses relatives à la charge de la dette de l'État qui sont, comme vous le savez, des crédits évaluatifs. La charge de la dette et de la trésorerie de l'État serait de 38,1 milliards d'euros, soit le niveau prévisionnel le plus faible depuis 2002. La part de cette dépense dans le budget général s'établirait à 11,3 %, contre 16 % en 2011.

Bien entendu, cette baisse s'explique par le niveau particulièrement faible des taux d'intérêt constaté depuis ces deux dernières années. Le Gouvernement fait l'hypothèse prudente pour 2020 d'une légère remontée des taux à l'émission de l'obligation assimilable du Trésor (OAT) à dix ans à leur niveau de 2018, soit 0,5 %, et d'une stagnation des taux des bons du Trésor à taux fixe et à intérêt précompté (BTF) à trois mois à moins 0,5 %.

Cet effet baissier a bien plus que compensé l'effet haussier de l'augmentation de l'encours de la dette. L'effet taux a eu un impact baissier de 1,5 milliard d'euros entre l'exécution 2018 et la prévision révisée pour 2019, et de 2,7 milliards d'euros entre le révisé 2019 et la prévision du projet de loi de finances pour 2020. En sens inverse, l'effet volume serait de plus 1,5 milliard d'euros entre 2018 et le révisé 2019, et de plus 400 millions d'euros entre 2019 et 2020. Il s'explique par l'augmentation de 82 milliards d'euros de l'encours de la dette négociable en 2020.

La reprise de la dette de SNCF Réseau par l'État, prévue à l'article 76 du projet de loi de finances, se répercutera sur les crédits de la mission Écologie et non sur la présente mission. Je me suis assurée auprès de l'Agence France Trésor de la maîtrise de l'impact de cette reprise sur la trésorerie de l'État et sur sa propre dette. Grâce à un mécanisme déjà utilisé par le passé de prêts croisés entre la Caisse de dette publique (CDP) et SNCF Réseau, l'État se substituera à SNCF Réseau comme débiteur de la CDP pour les intérêts liés aux emprunts.

Le besoin de financement de l'État en 2020 serait principalement constitué d'un déficit à financer de 93,1 milliards d'euros et d'amortissements de titres à moyen et long terme de 136,4 milliards d'euros. Au total, il s'établirait à 230,5 milliards d'euros, un niveau qui serait supérieur de 5 milliards d'euros à celui de 2019, de 39 milliards d'euros à celui de 2018 et de 47 milliards d'euros à celui de 2017.

La mission est composée de trois autres programmes dotés de crédits en 2020 : le programme Appels en garantie de l'État, le programme Épargne et le programme Fonds de soutien relatif aux prêts et contrats financiers à risque, qui représenteraient à eux trois 356 millions d'euros en 2020, sur lesquels je vous renvoie à mon rapport pour me concentrer plus particulièrement sur les économies, même si je n'aime pas ce mot, qui seraient liées à la charge de la dette.

Cette question n'a pas manqué de susciter un débat sur l'opportunité d'investir davantage dans la transition écologique, voire dans les différentes transitions que nous connaissons comme la démocratique numérique, rappelant un peu les débats sur une éventuelle cagnotte fiscale lorsque la croissance économique est forte. Comme l'a résumé Olivier Blanchard dans le dernier numéro de la revue Commentaire, la dette publique est une mauvaise chose, mais elle n'est pas catastrophique si elle est utilisée à bon escient. Or, l'environnement durable de taux bas et leurs niveaux inférieurs au taux de croissance réduisent le coût social de la dette. S'endetter pour financer des projets d'infrastructure publique dont le rendement social est élevé est pertinent dans ce contexte.

La cause même de la faiblesse des taux d'intérêt incite à la plus grande prudence. Elle résulte en partie des réactions des banques centrales face au ralentissement de la croissance et de l'inflation. Or la baisse de la croissance équivaut à une baisse de recettes des prélèvements obligatoires pour les administrations publiques. Je rappelle qu'un point de croissance en valeur du produit intérieur brut (PIB) engendre mécaniquement environ 10 milliards d'euros de recettes de prélèvements obligatoires. Donc les économies constatées sur la charge de la dette sont indirectement liées à des pertes de recettes substantielles sur les prélèvements obligatoires.

L'autre question de ce débat est de savoir si l'investissement public en France est faible. La réponse est plutôt non. En 2018, la formation brute de capital fixe par les administrations publiques a atteint 3,4 % du PIB. Elle est supérieure de 0,7 point à la moyenne de la zone euro. À titre de comparaison, l'investissement public est de 2,3 % du PIB en Allemagne et de 2,1 % du PIB en Italie et en Espagne.

Je rappellerai quelques chiffres, évoqués lors de l'audition de Mathilde Lemoine que j'ai menée hier. Depuis la crise de 2008, un changement a été opéré dans la structure de la dépense publique puisque les dépenses publiques ont augmenté chaque année de 15 % tandis que les investissements publics ont baissé de 10 %.

La baisse de la charge d'intérêt de la dette devrait donc plutôt nous inciter à nous désendetter. La faiblesse des taux d'intérêt peut être durable, mais elle n'est certainement pas un phénomène permanent. L'histoire nous a montré que les taux peuvent rapidement remonter. Au vu du niveau de sa dette publique qui n'est pas celui de l'Allemagne ou des Pays-Bas, la France serait alors en situation très délicate. Il est donc nécessaire de retrouver des marges de manoeuvre pour faire face au retournement de cycle qui arrivera un jour ou l'autre.

Il faut donc se concentrer sur le fait de dépenser non pas forcément plus, mais mieux. À cet égard, l'OAT verte est un outil très intéressant. J'ai déposé un amendement, qui a été adopté lundi soir, relatif à la suppression du compte d'affectation spéciale Transition énergétique afin d'augmenter le potentiel de cette OAT verte qui permet une évaluation transparente de l'impact environnemental et économique des dépenses publiques et de sécuriser le financement de notre dette. Il est en effet extrêmement sécurisant de voir que les investisseurs viennent chercher sur le marché ce type de dette.

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