Intervention de Jimmy Pahun

Réunion du mardi 29 octobre 2019 à 18h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJimmy Pahun, rapporteur pour avis des crédits du programme 205 Affaires maritimes de la mission Écologie, développement et mobilité durables :

En tant que rapporteur pour avis sur les affaires maritimes, j'ai souhaité inscrire mes travaux dans la continuité de ceux que j'avais réalisés lors de la préparation des projets de loi de finances pour 2018 et 2019, en privilégiant les sujets suivants : le soutien à la Société nationale du sauvetage en mer, la SNSM, ainsi que l'initiative française en faveur de la réduction de la vitesse des navires.

Le budget des affaires maritimes sera stable en 2020, ce dont je me réjouis. Si les autorisations d'engagement du programme 205 baissent légèrement pour passer de 163 millions d'euros en 2019 à 156 millions en 2020, les crédits de paiement se maintiennent à hauteur de 157 millions d'euros.

Par ailleurs, les crédits relatifs aux ports relevant de l'action 43 du programme 203 augmentent légèrement. Les autorisations d'engagement et les crédits de paiement de cette action passent à près de 101 millions d'euros en 2020. Je tiens à souligner ce point, car il est la traduction de l'effort consenti depuis deux ans pour rattraper le sous-financement du dragage des grands ports maritimes, sur lequel les rapporteurs pour avis de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire n'avaient cessé d'alerter le Gouvernement.

Je tiens à rappeler que le budget des affaires maritimes est calculé au plus juste et qu'il doit être préservé dans la durée.

Je veux également rappeler que ce sont les moyens non pas seulement financiers mais aussi humains qu'il convient de préserver. D'ailleurs, je regrette encore vivement que, cette année encore, il soit prévu de réduire les effectifs des affaires maritimes, qui perdent 19 équivalents temps plein travaillé (ETPT). C'est loin d'être négligeable étant donné qu'il s'agit d'une administration dont les effectifs sont faibles mais dont le rôle est essentiel pour la sécurité et la sûreté maritimes civiles.

La moitié des crédits du programme 205 est consacrée à la compensation d'exonérations de cotisations sociales patronales. Ces mesures sont nécessaires, car elles servent une politique qui vise à rendre le pavillon français plus attractif et à favoriser l'employabilité des marins.

En revanche, je regrette que l'action 3, qui porte ce budget, soit intégrée dans le programme 205 et non dans le programme 197 relatif aux régimes de retraite et de sécurité sociale des marins. Je pense qu'il faut modifier le rattachement de cette action. J'ai déjà fait cette préconisation dans mes précédents rapports et je tiens à nouveau à insister sur cette évolution, qui me semble nécessaire.

En effet, la maquette budgétaire du programme 205 entraîne une situation illogique. L'action 3 correspond à des dépenses contraintes dont l'augmentation est un signe de bonne santé du secteur maritime. Dans ce cas, si le total des crédits budgétaires alloués au programme 205 n'augmente pas, ce sont les crédits alloués aux autres actions qui doivent diminuer, crédits qui concernent les moyens de contrôle des règles de sécurité et de sûreté maritimes et l'enseignement maritime.

Un peu plus de 17 % des crédits du programme 205 contribuent au financement de la formation maritime, notamment des lycées professionnels maritimes et de l'École nationale supérieure maritime. Il est indispensable de continuer à soutenir ces formations dont la qualité est reconnue internationalement.

Un peu plus d'un quart des crédits du programme budgétaire 205 « Affaires maritimes » financent l'action de l'État dans les domaines de la sécurité et de la sûreté maritimes et de la lutte contre la pollution. Ils servent notamment à financer les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS) et les maritime rescue coordination centres (MRCC), les centres de sécurité des navires ou encore le dispositif de contrôle et de surveillance qui participe à l'exercice des missions de police en mer – notamment la surveillance de la pêche.

Ils permettent également d'apporter un soutien à la SNSM, dont la pérennisation du modèle constitue l'un des deux grands axes de mon rapport.

Le drame des Sables-d'Olonne a mis en lumière les difficultés auxquelles les sauveteurs en mer sont confrontés. Après ce drame, il était tentant de proposer d'en tirer immédiatement des conclusions, de tout questionner, entre autres l'organisation et le financement de la SNSM. Il ne fallait cependant pas céder à la précipitation, car la SNSM est un objet compliqué. Son modèle, qui est en partie basé sur les dons, est très particulier ; il est le fruit de notre histoire maritime. Ce modèle est aujourd'hui en tension du fait des évolutions de la pratique du nautisme et de la démographie des bénévoles.

Le ministère de la transition écologique et solidaire travaille à l'évolution de ce modèle avec les sauveteurs eux-mêmes. En attendant le résultat de ce travail, il fallait apporter une première réponse à la SNSM. C'est ce que j'ai souhaité faire en proposant à notre commission d'affecter une partie de la fiscalité sur le permis plaisance aux sauveteurs, dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances.

Je retiens par ailleurs de mes auditions deux points importants. La formation des sauveteurs, d'abord, dont le profil évolue progressivement des marins professionnels vers les plaisanciers, et qui doit être repensée, avec une réflexion sur l'équivalence des formations délivrées par les différents ministères. J'ai, ensuite, pu prendre la mesure de la charge administrative qui pèse sur les bénévoles. L'appui d'un pôle dédié aux tâches administratives auprès de chaque délégué départemental pourrait constituer une piste d'amélioration.

Ces deux points, l'équivalence des diplômes et la charge administrative, sont également soulignés par la mission d'information commune du Sénat, présidée par le sénateur M. Didier Mandelli, et dont le rapport vient d'être publié.

Nous avons cependant deux points de désaccord. Je n'ai, pour ma part, pas observé de blocage structurel majeur ni de fracture entre le siège de la SNSM et ses stations. Toujours est-il que certaines relations internes mériteraient d'être fluidifiées. Par ailleurs, je ne suis pas d'accord avec le Sénat quand il critique le désintérêt de l'État pour la SNSM. L'État, bien sûr, peut faire plus, mais il ne faut pas oublier que la SNSM est une association de bénévoles et que ceux-ci sont attachés à ce modèle. On ne peut pas préserver ce modèle et, en même temps, vouloir que l'État assume lui-même l'entièreté du sauvetage en mer. De même, il n'est pas sérieux de demander chaque année toujours plus de subventions publiques sur la base d'évaluations non concertées avec les services de l'État, et refuser de se satisfaire des augmentations de crédits quand elles sont décidées.

Ainsi, j'ai été un petit peu déçu du retour du président de la SNSM, après que nous eussions alloué tout de même une belle somme à son établissement, la semaine dernière.

Il reste que les sauveteurs en mer sont aujourd'hui confrontés à plusieurs défis d'ordre budgétaire, liés notamment au renouvellement de la flotte, mise en service à la fin des années 1980. Comme je l'ai dit, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a donc adopté, à l'initiative du groupe MODEM et apparentés, un amendement affectant à la SNSM 4,5 millions d'euros issus de la taxe sur le permis plaisance. Le Gouvernement s'est par la suite engagé, en séance publique, à déposer, dans la deuxième partie du projet de loi de finances, un amendement augmentant du même montant les crédits alloués au sauvetage en mer. Je souhaite à ce propos remercier les ministres M. Gérald Darmanin et Mme Élisabeth Borne, ainsi que le président de l'Assemblée nationale M. Richard Ferrand, pour leur rôle respectif dans la recherche de cette solution. Je resterai cependant attentif sur deux points, qui restent en suspens : la pérennisation de ces crédits après 2020 et leur incidence sur le budget futur des affaires maritimes, car celui-ci inclut la gestion du sauvetage en mer et ne peut donc en être affecté.

Le second axe de mon rapport porte sur la réduction de la vitesse des navires de commerce. Cette mesure, si simple en théorie, est très prometteuse en ce qui concerne la réduction des émissions de gaz à effet de serre liées au transport maritime.

Il paraît que 45 millions de tonnes de gaz à effet de serre seraient économisés, si on réduisait de 4 kilomètresheure la vitesse des navires des transports vraquiers, c'est-à-dire des bateaux qui ne transportent pas de marchandises directement consommables. Ne nécessitant aucune innovation technologique, elle est immédiatement disponible pour l'ensemble des navires.

Un engagement international est néanmoins indispensable pour agir efficacement et ne pas pénaliser notre flotte, qui a déjà engagé sa transition, dans un univers extrêmement concurrentiel. Après l'adoption du GNL, des « scrubbers » à boucle fermée ou encore l'extension prochaine des zones à faibles émissions de soufre en Méditerranée, la réduction de la vitesse des navires s'inscrit dans l'action diplomatique de la France en faveur d'un transport maritime décarboné. Je pourrais aussi parler des branchements à quai, qui sont si nécessaires dans nos ports, notamment dans celui de Marseille pour les grands navires de croisière. Le Président de la République s'était engagé à défendre la réduction de la vitesse des navires lors du dernier G7 à Biarritz. En 2023, aura lieu à l'Organisation maritime internationale (OMI) la révision de la stratégie pour éliminer les émissions de dioxyde de carbone des navires. La France a déjà déposé deux soumissions à ce sujet et parviendra, je l'espère, à faire consensus.

Au-delà de la réduction de la vitesse, il est primordial de continuer à soutenir toutes les initiatives et tous les investissements pour un transport maritime décarboné. Je regrette, à cet égard, que ne soient pas passés les amendements que j'avais déposés sur le transport à voile, dans le cadre de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités, en vue de soutenir ce mode de transport ainsi que l'aménagement d'espaces pour les vélos sur ces navires, comme cela est fait pour les trains et les autobus.

De véritables états généraux du transport maritime seraient nécessaires pour donner une cohérence à ces démarches et tracer une voie ambitieuse vers des échanges neutres en carbone. Je citerai par exemple le potentiel considérable des navires à voile qui peuvent même être utilisés par la marine de commerce. Deux projets sont en cours, ce qui est tout de même assez fantastique. Le projet Zéphyr & Borée amènera en Guyane des pièces détachées d'Ariane Espace, tandis que le projet Neoline desservira Nantes, Saint-Pierre-et-Miquelon et Baltimore.

En conclusion, je vous engage à donner un avis favorable aux crédits du budget des affaires maritimes.

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