Intervention de Adrien Quatennens

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 9h30
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAdrien Quatennens :

Avant d'entrer dans le détail de votre explication, monsieur le rapporteur pour avis, vous avez dit que l'État serait garant du financement du système de retraites. Par ailleurs, certains de nos collègues ont pu dire que l'État n'avait pas l'intention d'utiliser les réserves. A priori, ces déclarations d'intention pourraient sembler sincères. Mais lorsque l'on voit que l'État a rompu avec la règle de compensation appliquée à la sécurité sociale, nous pouvons nous interroger sur la pérennité de ce genre de promesses de principe.

S'agissant de la question de la nécessité de faire advenir un régime universel, le groupe La France insoumise est favorable à l'égalité, à condition que l'harmonisation ne se fasse pas vers le bas. Il est vrai qu'il existe quarante-deux régimes. Mais il faut rappeler que les régimes spéciaux, qui ont encore été beaucoup décriés ce jour, ne concernent que 3 % de la population active. Or ils occupent beaucoup les débats autour de la réforme des retraites.

Sur cette question, un aspect central n'est jamais évoqué. Si notre système de retraites a plutôt tenu ses promesses jusqu'à présent, notamment pour contenir le taux de pauvreté des seniors, c'est parce qu'à mesure que la population française vieillissait, à mesure donc que la part des seniors dans la population était plus importante, on consacrait davantage de ressources au financement des retraites. Les courbes sont très claires sur ce point. Plus la population vieillit, plus l'on procède à des augmentations de ressources pour financer les retraites, ce qui est bien normal.

Or un point de rupture se présente dans la proposition portée par le rapport Delevoye. Mais ce point de rupture n'est pas lié au principe du système par points ou à celui d'un régime de retraite universel. Le système par points constitue en réalité un algorithme, un outil au service d'une intention qui n'est pas réellement avouée par le Gouvernement. Ce point de rupture se situe dans la déclaration faite par M. Delevoye, selon laquelle les 14 % du produit intérieur brut (PIB) consacrés aux retraites constitueraient un plafond.

La décision majeure prise dans le cadre de la discussion sur la réforme des retraites consiste donc à dire qu'à partir de maintenant, et contrairement à ce qui a toujours été fait par le passé où l'on augmentait les ressources, la part des retraites restera bloquée à 14 % du PIB. Cette décision est prise alors que nous savons que la part de la population de plus de 65 ans continuera à augmenter. Un décrochage se produira donc entre la part des ressources allouée au financement des retraites et les retraites à servir.

En quelque sorte, cela revient à dire – je l'ai répété à plusieurs reprises de cette façon, et M. Delevoye n'a pour l'instant pas trouvé d'argument pour contester cette démonstration – que nous serons de plus en plus nombreux à table, mais que le gâteau ne sera jamais plus gros. Finalement, l'instauration du système par points revient à se demander comment l'on peut répartir davantage les miettes pour faire en sorte que le gâteau ne soit pas plus gros.

Nous pouvons en déduire immédiatement et sans avoir besoin de beaucoup d'explications sur les particularismes des différents régimes que, comparativement au système actuel, s'agissant du niveau des pensions ou de l'âge auquel il faudra partir à la retraite pour obtenir un certain niveau de pension, il faudra travailler plus longtemps ou renoncer à conserver le même niveau de pension. Personne ne peut produire une autre explication ! Si l'on décide de bloquer à 14 % la part du PIB allouée au financement des retraites, la situation est réglée. De toute façon, les gens seront perdants.

Je pense que nous devrions prendre le problème par l'autre bout. Plutôt que de choisir l'âge de départ ou le montant des pensions comme variables d'ajustement pour éviter de cuisiner un gâteau plus gros, nous devrions nous demander ce que nous voulons pour nos vieux jours, et quel système nous devrions mettre en place pour garantir un mode de vie à la retraite qui nous convienne.

Je propose par exemple deux objectifs politiques, autres que celui de geler des ressources. Le premier consiste à se demander quel est l'âge décent pour partir à la retraite, lorsque l'on considère une carrière complète, et en tenant compte du fait que l'espérance de vie en bonne santé est de l'ordre de 63 ans. Je pense que nous devrions pouvoir offrir la liberté de partir à la retraite à 60 ans. Le second objectif consiste à se demander quel est le niveau de pension digne susceptible d'éviter un décroissement du niveau de vie lors du départ à la retraite. Ce sont là des objectifs politiques. Nous ne contentons pas de dire qu'il faut geler les ressources de financement et adapter tout le reste, y compris la vie des gens, comme variable d'ajustement.

Se pose à présent la question du mode de financement de ces propositions ambitieuses. Il existe des solutions à très court terme pour remplir les caisses. Nous les connaissons. Cela consiste par exemple à augmenter les salaires pour augmenter les cotisations. 1 % d'augmentation de salaire représente ainsi 2,5 milliards d'euros de cotisations supplémentaires. Créer de l'emploi augmente également le nombre de cotisations. Mais cela ne règle pas le problème sur le long terme.

À long terme, et le rapport Delevoye le montre, il n'y a pas de contradiction entre l'augmentation du salaire net et l'augmentation des cotisations. C'est tout le débat que nous avons, et que nous avons eu le 22 octobre dans l'hémicycle. Il faut réhabiliter l'idée selon laquelle la cotisation est une part du salaire, et qu'elle sert à financer ce qu'il peut se passer demain, notamment les retraites.

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