Intervention de Frédéric Petit

Séance en hémicycle du jeudi 31 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Action extérieure de l'État

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrédéric Petit, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

La diplomatie que l'on appelle d'influence n'est pas, ou n'est plus, une collection d'activités internationales diverses et disparates, regroupées de façon artificielle dans un programme fourre-tout coincé entre les fonctions diplomatiques et consulaires. Elle correspond à la logique de la loi organique relative aux lois de finances, celle d'un budget public organisé par projets, par missions, et non par institutions. La transition est patiente et prend du temps.

Depuis deux ans, j'ai pointé d'une part le manque de cohérence diplomatique de toutes ces actions, issues de milieux, de personnes, d'histoires et d'horizons trop différents. Comment notre administration allait-elle mobiliser par le même service un président de chambre de commerce et d'industrie en Afrique, un entrepreneur multilingue, une institutrice de maternelle en Roumanie et un archéologue en Amérique du Sud ?

J'ai pointé, d'autre part, la gestion des ressources métiers. Le ministère gère des carrières, et non des ressources, en ignorant la définition de profil. Non seulement cela provoque des erreurs de casting, un bon diplomate n'étant pas forcément un bon développeur culturel ou un expert industriel, mais surtout cela chasse, tous les trois ans, une grande partie de nos profils les plus prometteurs.

Je constate cependant que, depuis deux ans, les choses évoluent en profondeur et dans la bonne direction. Je reprendrai certains termes du professeur Bertrand Badie que la commission des affaires étrangères a auditionné en ouverture de ces discussions budgétaires : nous vivons dans un monde de peur, et notre diplomatie culturelle et d'influence est une diplomatie de la confiance.

La mondialisation remet nos actions éducatives, culturelles, économiques et environnementales au coeur de nos enjeux diplomatiques. Il ne s'agit plus de savoir mieux que les autres et de projeter notre raison – voire nos intérêts – dans le monde, mais de construire des réponses partenariales à des défis et des menaces qui dépassent le cadre national. Les collectivités territoriales s'invitent d'ailleurs dans cette démarche, comme le souligne l'excellent rapport de Vincent Ledoux.

La nouvelle appréhension de ces actions est partagée de façon croissante au sein de l'administration, et se traduit toujours plus clairement dans les outils budgétaires. Un outil récent, discret, mais recueillant l'unanimité depuis deux ans, et dont la ligne budgétaire vient d'être logiquement augmentée, l'illustre : les fonds de solidarité pour les projets innovants, que nous évoquerons dans le cadre du programme 209.

En Irak, où j'ai effectué ma mission sous le titre Diplomatie d'influence et reconstruction d'un pays, notre diplomatie d'influence s'est appuyée à plusieurs reprises sur cet outil qui, parmi les projets récents les plus emblématiques, a également été mobilisé lors de la mise oeuvre du campus franco-sénégalais ou de l'université franco-tunisienne pour l'Afrique et la Méditerranée.

L'an dernier, j'ai déclaré à cette tribune que ce programme n'avait pas à gérer dans un premier temps la pénurie des moyens, mais bien sa réorganisation, dans l'esprit que je viens de décrire.

J'insisterai, à titre d'exemple, sur la mesure financière la plus significative : l'augmentation de 25 millions d'euros de la subvention pour service public de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, qui retrouve ainsi son niveau de 2013 – 408 millions d'euros – après avoir été rognée pendant des années.

Cette mesure constitue à mes yeux un symbole de la méthode : comme nous l'avons relevé dans nos débats très vifs en commission, si cette augmentation avait été appliquée il y a deux ans, avant la réforme profonde engagée pour le doublement du réseau, elle se serait sans doute évaporée dans les mêmes blocages et malentendus que ma collègue Samantha Cazebonne a traqués dans le rapport qui sous-tend cette réforme. Aujourd'hui, ces crédits arrivent fléchés et transparents, sur des actions décrites de façon claire et en temps utile pour être également débattues et comprises par les partenaires.

J'ajouterai deux remarques plus techniques, sans doute attendues par certains de mes collègues. Tout d'abord, cette subvention est aujourd'hui clairement destinée au développement du réseau et à des actions concernant l'ensemble des établissements, quel que soit leur statut. Comme nous le rappelions en commission, les près de 300 établissements homologués et non conventionnés, qui regroupent près de la moitié des élèves et pratiquent des frais d'écolage très proches de ceux des 75 établissements gérés directement, ne coûtent rien à l'État directement. Leurs budgets sont naturellement hors de celui de l'agence. Il était difficile, auparavant, de percevoir la répartition cohérente de l'effort du contribuable français sur les 500 établissements du réseau.

En second lieu, cette subvention de 400 millions d'euros ne représente qu'un financement minoritaire au regard de l'ensemble des coûts du réseau, qui s'élèvent à plus de 2 milliards d'euros – 1,2 milliard dans le périmètre de l'agence. Une corrélation proportionnelle sera sans doute observée entre le doublement du nombre d'élèves et le coût du réseau. Néanmoins, il ne faudrait pas considérer, comme certains pourraient le faire à l'avenir, que le doublement du nombre d'élèves devrait automatiquement s'accompagner d'un doublement de la subvention. Les chiffres d'aujourd'hui contredisent largement ce raccourci simpliste.

Il nous reste aujourd'hui à poursuivre cet effort de mise en cohérence pour le réseau culturel, l'audiovisuel extérieur, la coopération scientifique et universitaire et l'aide au développement, dans le même esprit. Ce budget en augmentation est la preuve que nous saurons accroître notre efficacité, pour que la France assume son rôle dans le monde. Je vous invite donc à voter ces crédits.

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