Intervention de Vincent Ledoux

Séance en hémicycle du jeudi 31 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission aide publique au développement (état b)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVincent Ledoux, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Je supplée en effet cet après-midi notre collègue Marc Le Fur pour la présentation de l'examen des crédits de la mission « Aide publique au développement ». J'en suis particulièrement ravi, car ce budget interroge notre volonté et notre capacité à faire solidarité avec les pays en voie de développement, et par là même à garantir la stabilité internationale.

Les Français sont majoritairement favorables à une hausse de l'aide au développement d'ici à 2022, percevant bien que les investissements réalisés dans les pays du Sud sont très positifs pour la France. Trois quarts d'entre eux préfèrent l'expression d'« investissement solidaire » à celle d'« aide au développement », dénomination qui serait plus appropriée pour accompagner les évolutions d'une politique visant à renouveler ses approches et ses méthodes.

À cet égard, ce budget va dans le bon sens. Tout d'abord, il traduit un effort réel de presque 1 milliard d'euros en autorisations d'engagement en faveur de grandes initiatives internationales : par exemple, la France s'engage très fortement dans l'action multilatérale en faveur de l'environnement, à hauteur de 700 millions d'euros sur trois ans.

Par ailleurs, le budget présenté montre que le ministère se ressaisit de ces outils d'aide au développement. Enfin, on ne doit pas oublier que les crédits de la mission connaissent une progression très dynamique depuis 2018, progression que l'on ne retrouve pas ailleurs à ce niveau dans le budget de l'État, ce qui témoigne de la priorité accordée à cette politique.

Ce constat est néanmoins teinté de trois interrogations que nous livre M. Le Fur et qui doivent, à mon sens, nous servir d'aiguillon.

La première interrogation porte sur notre capacité à atteindre l'objectif des 0,55 % du revenu national brut – RNB – consacré à l'aide publique au développement à l'horizon 2022 : Marc Le Fur souligne dans son rapport que la hausse des crédits de paiement ne correspond qu'à 13 % de l'effort supplémentaire pour atteindre notre objectif.

La deuxième interrogation porte sur la quotité de l'aide au développement entre le bitatéral et le multilatéral. Le rapporteur spécial constate une hausse des autorisations d'engagement, mais il voudrait être certain que ce ne soit pas contradictoire avec notre ambition.

Troisièmement, le rapporteur spécial s'interroge sur la répartition du produit des taxes affectées au développement, y percevant un mauvais signal. Le produit de la taxe sur les billets d'avions, qui abondait le Fonds de solidarité pour le développement, serait ainsi utilisé, pour plus de la moitié, au financement de nos infrastructures.

Pour autant, des perspectives encourageantes sont à saluer dans l'aide au développement gérée directement par les services de coopération des ambassadeurs, l'aide au projet passant à 60 millions d'euros. Quant aux fonds alloués à l'aide humanitaire d'urgence, ils augmentent de moitié pour atteindre 155 millions d'euros, l'aide alimentaire s'élevant à 60 millions d'euros. Ces éléments emportent l'adhésion du rapporteur spécial qui émet un avis favorable au présent budget.

Je me permettrai en mon nom, monsieur le ministre de l'Europe et des affaires étrangères, de présenter d'autres perspectives pour notre aide au développement.

Au sein de nos territoires, nous avons des connaissances, des compétences et des savoir-faire, autant de leviers que nous devons mieux exploiter. Vous m'avez missionné sur le sujet, et de mes travaux ressortent trois axes-phares qui peuvent servir, me semble-t-il, de feuille de route complémentaire pour notre aide publique au développement.

Premier axe : l'objectif est de tisser des liens de société à société, en plus des grandes initiatives diplomatiques et économiques qui nous lient déjà de pays à pays. Cela nous permettra de démultiplier la priorité africaine de la France, dans un travail gagnant-gagnant entre Français et Africains. Je le dis clairement : il faut que la priorité africaine du Président de la République soit également celle de tous les territoires, voire de tous les citoyens. Il faut à cette fin d'abord mener un travail d'identification des spécialisations de nos territoires dans la relation entre entreprises et entrepreneurs français et africains ; des actions sont déjà menées, mais on doit mieux les connaître.

Deuxième axe : les compagnonnages consulaires sont un formidable outil de coopération. Je propose de les relancer afin d'obtenir des fécondations croisées des compétences entre artisans français et africains.

Troisième axe : ouvrir les instances de coordination de l'action territoriale extérieure aux chambres de commerce et d'industrie, aux chambres des métiers et de l'artisanat ainsi qu'aux chambres d'agriculture, car nous segmentons encore trop les acteurs de la coopération décentralisée.

Je me suis permis ces quelques mots pour souligner, en plus des remarques du rapporteur spécial, que la démultiplication des leviers de coopération, à tous les niveaux et dans tous les territoires, offre une perspective enthousiasmante pour l'ensemble de notre société, dans l'attente du sommet Afrique-France de Bordeaux en juin 2020 et dans l'esprit de Paul Ricoeur, pour lequel « la logique de l'échange de dons est une logique de réciprocité qui crée la mutualité ».

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