Intervention de Hubert Julien-Laferrière

Séance en hémicycle du jeudi 31 octobre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Mission aide publique au développement (état b)

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHubert Julien-Laferrière, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères :

Nous savons tous que la France occupe depuis longtemps une place singulière sur la scène internationale, et elle défend aujourd'hui le multilatéralisme et la solidarité internationale quand la première puissance mondiale remet en cause l'idée même de solidarité entre les nations. Or c'est bien de cette solidarité qu'il s'agit ce soir et non pas d'une autre politique au profit de laquelle l'aide publique au développement serait un outil.

L'ambition fixée dès le début de son mandat par le Président de la République, devant la communauté internationale, a confirmé cette place singulière, et, en février 2018, le comité interministériel de la coopération internationale et du développement, le CICID, a fixé une feuille de route quantitative, consistant à amener notre aide publique au développement à 0,55 % du revenu national brut, mais aussi qualitative, il faut le rappeler, avec des priorités géographiques, sectorielles et en termes d'instruments.

La mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2020 est l'an II de la trajectoire budgétaire du CICID. Et, il faut le souligner, la trajectoire est respectée à 0,01 % près, puisque le CICID prévoyait 0,47 % du revenu national brut et que nous serons l'année prochaine à 0,46 %, alors que l'aide publique au développement avait perdu 40 % de ses crédits budgétaires entre 2010 et 2017.

La mission bénéficie de plus de 60 % d'augmentation en autorisations d'engagement et près de 7 % en crédits de paiement. Mais ce qui doit nous intéresser tout autant, c'est l'efficacité de notre politique et donc le rééquilibrage de notre aide au regard de la feuille de route qualitative fixée par le CICID. Le rééquilibrage entre le bilatéral et le multilatéral, ainsi qu'entre prêts et dons en faveur des dons-projets, est une priorité. Pour rappel, l'augmentation de notre aide doit profiter pour les deux tiers à l'aide bilatérale et aux dons.

De ce point de vue, on peut saluer l'augmentation des crédits de paiement, car cela signifie que les projets effectivement mis en oeuvre augmentent : plus 300 millions d'euros, dont 202 millions d'euros pour l'aide projet bilatérale qui passe à 639 millions d'euros si l'on ajoute les 185 millions d'euros qui viennent du Fonds de solidarité pour le développement, c'est-à-dire des recettes de la taxe sur les transactions financières – TTF – et de la taxe sur les billets d'avion.

Cela m'amène à faire une petite remarque, monsieur le ministre : lors de l'examen du volet recettes du PLF, j'avais déposé un amendement pour augmenter l'affectation de la TTF au profit du développement et, même si je comprends bien qu'une part du produit des taxes affectées doive aller au budget général, je constate que c'est ce dernier qui a essentiellement profité du doublement du produit de la TTF théoriquement destinée en priorité à l'aide au développement. Nous en reparlerons l'année prochaine.

J'en reviens aux autorisations d'engagement : l'augmentation est importante, mais elle profite d'abord à nos engagements multilatéraux, cachant une légère baisse des autorisations d'engagement de l'action « Coopération bilatérale », baisse qui pourrait être préoccupante pour la mise en oeuvre de futurs projets, même si elle ne doit pas faire oublier la très forte hausse de l'an dernier qui a généré de nombreux projets en cohérence avec les priorités du CICID. Mais, je le répète, l'ensemble des autorisations d'engagement reste élevé.

Or il faut aussi financer les autres priorités affichées et en particulier, le rapporteur spécial suppléant l'a rappelé, l'augmentation des crédits alloués aux dons aux ONG, le doublement de l'aide humanitaire et les actions du FSPI – le Fonds de solidarité pour les projets innovants – à destination des ambassades.

La feuille de route qualitative, c'est aussi le rééquilibrage de notre aide publique au développement au profit des pays prioritaires, c'est-à-dire des pays les plus pauvres, et des secteurs sociaux prioritaires. Et la ventilation des engagements de l'Agence française de développement montre très nettement une réorientation en ce sens.

Par ailleurs, je tiens à saluer l'augmentation des crédits de cofinancement des coopérations décentralisées. Vous savez, monsieur le ministre, que nombre de collègues sont sensibles à ces coopérations qui, plus qu'un supplément d'âme, sont réellement un complément dans l'architecture de l'aide publique au développement.

Monsieur le ministre, la représentation nationale attend avec impatience le débat sur la future loi d'orientation et de programmation de notre aide publique au développement, ce qui devrait être l'occasion de moderniser encore davantage son dispositif.

Je conclurai en rappelant que, au niveau mondial, l'aide publique au développement, qui représente 0,4 % du PIB des pays développés transféré vers les pays en développement, est aujourd'hui l'unique instrument de redistribution planétaire.

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