Intervention de Éric Coquerel

Séance en hémicycle du lundi 4 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Chacun le sait, le contexte environnemental dans lequel nous traitons le budget de ces missions est toujours plus alarmant. Il n'est pas besoin d'aller loin pour s'en convaincre. Le rapport de synthèse sur l'environnement en France, publié en octobre 2019 par votre ministère, est éclairant : disparition massive d'espèces, mauvais état de 80 % des habitats naturels, poursuite rapide de l'artificialisation des sols ; aucun progrès significatif en matière de qualité des eaux souterraines ; empreinte carbone par habitant en France trois à quatre fois plus élevée que la cible retenue de 1,6 à 2,8 tonnes de C02 par personne et par an.

Comment votre budget y répond-il ? D'un côté, les syndicats de votre ministère, que nous avons auditionnés, sont si alarmés qu'ils ont créé un comité de défense du ministère de la transition écologique et solidaire, dont certains craignent, à terme, la disparition pure et simple. De l'autre côté, à l'occasion des questions au Gouvernement, Mme Élisabeth Borne me répond en vantant une augmentation de 800 millions d'euros de votre budget. Les faits et les chiffres ne confirment malheureusement pas votre version.

Les principaux vecteurs de hausse des crédits de la mission dans le PLF 2020 sont l'augmentation des prévisions de taxes affectées – 730 millions d'euros supplémentaires, dont 504 millions pour l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, l'AFITF – et deux changements de périmètre : vous créez un nouveau programme « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État », doté de crédits évaluatifs de 409 millions d'euros – il va de soi que cette dépense, résultant d'une loi de démantèlement du service public, n'a rien à faire dans la mission « Écologie » et tout à faire dans la mission « Engagements financiers de l'État » ; vous supprimez le compte d'affectation spéciale « Aide à l'acquisition de véhicules propres », les 395 millions d'euros de crédits budgétaires correspondants étant inscrits au programme 174 « Énergie, climat et après-mines » au titre du bonus automobile, ce qui gonfle d'autant les crédits de la mission.

Bref, les hausses que vous affichez sont du vent, elles camouflent une vraie baisse. Les crédits budgétaires de la mission « Écologie » hors compte d'affectation spéciale « Pensions » connaissent en réalité une faible progression, passant de 11,52 milliards d'euros en LFI pour 2019 à 11,64 milliards en PLF pour 2020. Cela représente 1 %, soit moins que l'inflation. Je défendrai tout à l'heure des amendements visant à clarifier la maquette budgétaire de la mission et à assurer un minimum de sincérité dans la présentation des crédits.

J'ai lu ici et là que l'efficacité d'un ministère n'aurait pas de rapport avec ses budgets et effectifs. Tout démontre l'inverse : on ne fait pas plus avec moins. Les coupes claires pratiquées dans les effectifs se poursuivent. Comme les quatre syndicats représentatifs du ministère de la transition écologique et solidaire, je réclame à tout le moins un moratoire sur les réductions d'effectifs, sur les suppressions ou transferts de missions ainsi que sur les restructurations des établissements et des services. On en est loin. Pour 2020, le plafond des autorisations d'emplois du ministère de la transition écologique et solidaire, tel qu'il figure à l'article 42 du présent projet de loi de finances, passe de 39 373 à 37 382 équivalents temps plein travaillé – ETPT – , soit une baisse de 5,3 % de l'effectif, qui s'ajoute à la saignée des dix dernières années. Pour les opérateurs, la baisse est de 286 ETPT par rapport plafond 2019 ; elle touche très durement des établissements comme Météo France – qui perd 95 ETPT – ou le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement, CEREMA – qui en perd 101 – , alors que, par exemple, la Société du Grand Paris, dont le plafond des autorisations d'emplois était déjà passé de 200 à 430 ETPT de 2018 à 2019, voit ses effectifs portés à 585 ETPT en 2020.

S'agissant des quatre programmes dont j'assure plus particulièrement le suivi, les crédits, à périmètre constant, se réduisent : baisse de 0,63 % pour le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologique », baisse de 0,93 % pour le programme 181 « Prévention des risques », baisse de 2,83 % pour le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie », au sein duquel la masse salariale du ministère accuse une diminution sensible. Quant au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité », l'augmentation de 26 % en crédits de paiement résulte d'une mesure de périmètre : l'instauration d'une subvention pour charges de service public de 41,2 millions d'euros au bénéfice de l'Office français de la biodiversité, OFB, nouvel établissement issu de la fusion de l'Agence française pour la biodiversité, AFB, et de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage, ONCFS.

Je relèverai encore la baisse des subventions pour charges de service public de l'Institut national de l'information géographique et forestière, IGN, et du CEREMA. Quant à la légère hausse dont bénéficie Météo France, elle tient à des financements exceptionnels destinés au renouvellement du supercalculateur. S'agissant de l'Institut national de l'environnement industriel et des risques, INERIS, les baisses d'effectifs cumulées entre 2016 et 2024 représenteront 20 % du personnel, alors qu'on connaît le rôle central de cet établissement dans la recherche sur les risques industriels et leur prévention ainsi que dans l'élaboration de la réglementation, mais aussi son action en appui des services d'urgence lors des accidents industriels – le drame de Lubrizol l'a montré.

La même remarque vaut pour les inspecteurs des sites classés. J'ai déjà eu l'occasion de le dire : le directeur de la prévention des risques lui-même reconnaît que le nombre de contrôles a été divisé par deux en quinze ans, que le ratio moyen est d'un inspecteur pour 420 sites et qu'il manque 200 postes d'inspecteur pour assurer le minimum nécessaire. Comment prétendre que cela n'a pas d'effet sur le contrôle et le suivi des sites dangereux ? Ce cas est à l'image de tout le budget de votre ministère et des programmes dont j'assure le suivi ; c'est pourquoi j'appellerai à voter contre.

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