Intervention de Julien Aubert

Séance en hémicycle du lundi 4 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert, rapporteur spécial de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire :

Le projet de loi de finances veut « répondre à l'urgence écologique ». L'ambition est noble mais le résultat, décevant. D'une certaine manière, la montagne accouche d'une souris – une souris verte, peut-être, mais une souris quand même ! Cette souris écologique ne fait pas tout mal : dans votre budget, il y a quelques points positifs que je souhaite souligner. Ainsi, cette année, nous avons reçu le jaune budgétaire dix jours et non quarante-huit minutes avant le débat, comme l'an dernier. De même, le chèque énergie est un dispositif peu connu, mais utile et efficace. La création d'un fonds de revitalisation dans les territoires concernés par la prochaine fermeture des centrales à charbon est une bonne chose. Même s'il reste du travail, les premières évolutions de la maquette budgétaire vont dans le bon sens.

Malgré tout, le bilan d'ensemble est décevant et trois grandes critiques peuvent être adressées aux crédits présentés : à mon sens, le budget discuté aujourd'hui manque de simplicité, de cohérence et de pertinence.

Première critique, le manque de simplicité est illustré jusqu'à la caricature par la réforme du crédit d'impôt pour la transition énergétique, CITE. Selon la Fédération française du bâtiment, FFB, cette réforme comporte 192 cas de figure différents ; oui, 192 ! Ce n'est plus un crédit d'impôt, c'est Rubik's cube qui agrège des critères de revenu et de performance énergétique ; aux intéressés de trouver la bonne couleur sur la bonne face. Qui peut croire qu'un dispositif aussi complexe trouvera son public ? C'est une manière hypocrite d'empêcher certains bénéficiaires potentiels d'accéder à leurs droits. À mon avis, le compte n'y sera pas alors même que les besoins en matière de rénovation énergétique sont élevés. Je vous donne rendez-vous dans un an pour faire le bilan de la réforme du CITE, mais je crains fort que le résultat ne soit éloigné de nos attentes.

Deuxième critique, le manque de cohérence se retrouve en matière d'accompagnement du verdissement du parc automobile. La trajectoire budgétaire des deux dispositifs soutenant cette mesure est étonnamment contradictoire : d'un côté, le Gouvernement augmente de moitié les crédits du bonus écologique pour les porter à 395 millions d'euros, mais de l'autre, il diminue d'un tiers les crédits soutenant la prime à la casse pour les abaisser à 405 millions. Financer le bonus écologique par des économies sur la prime à la casse, il fallait y penser ; il faut saluer l'ingéniosité de Bercy !

Ce manque de cohérence se retrouve également au sein même des dispositifs. Ainsi, la prime à la casse ne s'applique que si la valeur du véhicule acheté ne dépasse pas 60 000 euros ; c'est beaucoup, c'est même trop selon moi, mais au moins il y a un plafond. En revanche, pour le bonus écologique, il n'y en a pas : le bonus est versé quelle que soit la valeur du véhicule acquis. L'acheteur d'une Tesla à 100 000 euros bénéficiera ainsi d'un bonus écologique de 6 000 euros. Je ne trouve pas cela acceptable. En agissant ainsi, l'État crée un pur effet d'aubaine. Celui qui peut s'offrir une voiture à 100 000 euros ne doit pas être aidé avec nos impôts.

Troisième et dernière critique, le budget présenté manque de pertinence puisqu'il refuse d'envisager certaines économies, voire de les évoquer. Je pense bien sûr aux éoliennes, et surtout aux éoliennes terrestres, mais aussi au coût très élevé des contrats d'achat d'électricité photovoltaïque antérieurs au moratoire de 2010. Oh, c'est une paille – une petite question à 100 milliards d'euros. Mais on pourrait au moins évaluer juridiquement les possibilités de renégocier ces contrats.

Nous savons tous que nos finances publiques sont contraintes ; cela doit nous obliger à faire des choix et à mieux cibler les secteurs soutenus. Je déplore que ce ne soit pas le cas et je regrette que la commission des finances ait adopté sans les modifier profondément les crédits de la mission.

Mais il ne suffit pas de critiquer, il faut également proposer. Voilà pourquoi j'ai déposé plusieurs amendements sur la prime à la casse, le bonus écologique, l'éolien et le photovoltaïque. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques instants pour poursuivre nos échanges sur la souris verte qui tire le diable par la queue et qui court dans une herbe ressemblant à du gazon synthétique.

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