Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du lundi 4 novembre 2019 à 16h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Écologie développement et mobilité durables

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

Pour commencer cette discussion budgétaire sur les transports et les affaires maritimes, il importe de rappeler quelques chiffres clés.

Les émissions de gaz à effet de serre des transports étaient supérieures de 12,6 % à l'objectif de baisse des émissions pour l'année 2018. L'empreinte carbone des Français et des Françaises, incluant les émissions liées aux importations, est six fois supérieure à ce qu'il faudrait. La France n'atteint pas ses objectifs de diminution des émissions de gaz à effet de serre, avec un dépassement de 6,7 % en 2017 et de 4,5 % en 2018. Il manque entre 15 et 18 milliards d'euros de financement public et privé par an, alors que l'Institut de l'économie pour le climat estime que les niches fiscales sur les énergies fossiles s'élèvent à 16 milliards d'euros.

Pour 2020, vous prévoyez un budget de 13,2 milliards d'euros, qui n'est en réalité que de 12,4 milliards d'euros si l'on y soustrait le compte d'affectation spéciale « Véhicules propres », intégré à la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Comme l'a rappelé Mme la secrétaire d'État, la hausse réelle n'est donc que de 830 millions d'euros, dont 400 millions liés à la charge de la dette de la SNCF. Pour cette année, comme pour l'année dernière, vous prévoyez des suppressions d'effectifs : le ministère et ses opérateurs perdront ainsi 1 073 postes l'année prochaine, dont 797 ETP pour le ministère. Le budget de 2019 avait déjà supprimé 1 078 postes ; d'ici à 2022, ce sont 4 961 postes dont la suppression est annoncée. Au total, 13 250 ETP auront été supprimés entre 2013 et 2019, dont plus de la moitié – 7 248 – supprimés entre 2017 et 2019, soit environ 12 % des effectifs.

Le bilan n'est guère plus brillant en matière de transports et d'affaires maritimes. On note une évolution négative du trafic selon les modes : le transport routier progresse de 2,9 %, quand les trafics des modes ferroviaire et fluvial sont en baisse de 4,2 % et de 0,2 %.

En matière de transport ferroviaire, un exemple très actuel illustre de manière flagrante votre totale inconséquence, celui du train de primeurs entre Perpignan et Rungis. Rappelons qu'il s'agit du seul train de fret français acheminant jusqu'au coeur de l'agglomération parisienne des fruits et légumes, entre 1 200 et 1 400 tonnes par jour convoyées depuis Perpignan jusqu'à Rungis – et qu'il est suspendu depuis juillet. L'état des wagons frigorifiques, vieux de quarante ans, ne garantissait plus les conditions de sécurité et de maintien du froid, et aucun accord n'a été trouvé entre la SNCF et les deux sociétés qui chargent le train sur les conditions de renouvellement du contrat. Après avoir prétendu que la ligne ne fermerait pas, Élisabeth Borne a affirmé que la ligne rouvrirait le 1er novembre. Mais vendredi dernier, le train entre Perpignan et Rungis est resté à quai ; il a été remplacé par une liaison privée de transport combiné entre Perpignan et Valenton, offre qui s'adresse aux grandes surfaces. Le désengagement de l'État fait donc la joie du privé et le malheur du climat, avec les dizaines de poids lourds qui empruntent chaque jour l'autoroute et dont le nombre ne va cesser d'augmenter à cause de la fermeture de cette liaison ferroviaire.

Vous faites dérailler le ferroviaire, et, « en même temps », vous laissez couler le fluvial ! Ainsi, Voies navigables de France – VNF – , établissement public chargé de gérer la majeure partie du réseau des voies navigables, perd de nouveau des subventions et des postes. Vous prévoyez de baisser sa subvention de 1 million d'euros en 2020, à environ 250 000 euros, et le plafond de ses effectifs de 2,6 %, à 4 152 ETP contre 4 264 en 2019, soit 112 emplois en moins.

Rappelons qu'avec 8 500 kilomètres de voies navigables, la France possède le plus long réseau d'Europe. Le transport fluvial reste très nettement avantageux en termes de gaz à effet de serre, puisqu'il en émet entre quatre et cinq fois moins que la route. Quand une barge transporte 5 000 tonnes, entre 200 et 250 camions sont retirés de la route. Pourtant, ce mode de transport beaucoup plus écologique a été totalement délaissé. Vous n'avez pas été les premiers à appliquer cette politique, mais vous la poursuivez. Le transport fluvial de marchandises représente moins de 3 % des tonnes-kilomètre transportées contre 7 %, en moyenne, en Europe, 12 % en Belgique, 15 % en Allemagne et 43 % aux Pays-Bas. Cette situation s'explique par la place écrasante qu'occupe le transport routier que vous ne cessez de favoriser. L'abandon du transport fluvial se traduit par une dégradation de l'infrastructure et par la perte des savoir-faire due à la sous-utilisation, elle-même résultant de la vétusté du réseau. C'est un cercle vicieux.

En février 2018, le Conseil d'orientation des infrastructures estimait qu'un investissement de 245 millions d'euros par an pendant dix ans serait nécessaire pour régénérer le réseau, somme à laquelle devraient s'ajouter 30 millions d'euros pour la modernisation. Or, sur ces 275 millions d'euros, VNF n'en a obtenu que 180 millions. En décembre 2018, la totalité du conseil d'administration de VNF s'était opposée à l'adoption du budget pour 2019. La situation ne va pas s'arranger en 2020.

Alors non, nous ne voterons pas vos crédits et nous continuerons à construire, avec les mouvements et dans les espaces d'auto-organisation, une alternative sociale, écologique et démocratique à votre monde en perdition.

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