Intervention de Jean-Jacques Ferrara

Réunion du mercredi 23 octobre 2019 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces – Air) :

Madame la présidente, chers collègues, à mon tour de prendre la parole pour vous présenter les principales orientations du projet de loi de finances pour 2020 relatives à l'armée de l'air. Globalement, celles-ci vont dans le bon sens, mais les ambitions renouvelées et l'arrivée de nouvelles capacités ne doivent pas faire oublier la persistance de fragilités durables.

Le niveau de disponibilité des flottes demeure largement insuffisant et pèse tant sur la régénération organique que sur les capacités d'intervention. Les premières actions de la jeune direction de la maintenance aéronautique sont encourageantes, mais il faudra encore attendre plusieurs années avant d'en tirer tous les bénéfices. Les personnels s'épuisent, parce qu'ils n'ont pas toujours les moyens de conduire leurs missions et que l'impact du rythme opérationnel est fort. Il en ressort une certaine frustration, à l'origine d'un nombre croissant de départs non désirés, que l'état-major tente d'endiguer par divers outils de fidélisation.

J'en viens à la présentation des crédits alloués à l'armée de l'air par le PLF pour 2020, et d'abord à ceux inscrits à l'action 4 « Préparation des forces aériennes » du programme 178 « Préparation et emploi des forces ».

Les crédits de cette action s'élèvent pour 2020 à 5,05 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,28 milliards d'euros en crédits de paiement. D'une année sur l'autre, cela représente une augmentation de 16,6 % des AE et une diminution de 1,7 % des CP. Plusieurs facteurs expliquent ces évolutions.

D'abord, l'augmentation des autorisations d'engagement traduit notamment la poursuite de la démarche de verticalisation et de globalisation des contrats de maintenance aéronautique. En 2020, les principales flottes concernées seront celles des Mirage 2000D, des C135, des Alphajet et des Fennec. Un contrat devrait également être conclu pour l'entretien des équipements optroniques. Plus généralement, l'entretien programmé des matériels représente 83 % des autorisations d'engagement et 68 % des crédits de paiement.

Ensuite, l'évolution de la maquette budgétaire a conduit au transfert, au sein du programme 178, des crédits dédiés au financement des infrastructures opérationnelles de chaque armée, auparavant inscrits au programme 212. Pour l'armée de l'air, cela concerne par exemple des travaux de sécurité et de protection sur différentes bases ou la construction d'un bâtiment pour l'école de formation des pilotes de chasse à Cognac.

Enfin, la création annoncée du commandement de l'espace, au début du mois de septembre, s'est traduite par la création d'une nouvelle sous-action budgétaire dédiée aux « activités spatiales ».

Au final, le budget proposé par le Gouvernement est conforme aux dispositions de la loi de programmation militaire. Il faut s'en féliciter et, bien que je fasse partie de l'opposition, je n'ai pas de raison de m'opposer à son adoption. Toutefois, ne soyons pas dupes : si les ressources semblent à peu près consolidées jusqu'en 2022, il y a lieu de s'interroger sur la couverture des besoins pour les trois dernières années de la programmation. Même avec l'actualisation prévue en 2021, il apparaît déjà que l'objectif de 2 % de PIB, s'il est atteint, ne correspondra pas aux 50 milliards évoqués en raison de la baisse attendue du PIB. Comme vous le voyez, je suis d'humeur changeante : quelques secondes après m'être réjoui, me voilà de nouveau lucide, voire inquiet… (sourires).

J'en viens à présent à la thématique que j'ai retenue cette année : les hélicoptères de l'armée de l'air. Ceux-ci remplissent plusieurs types de missions, que l'on peut regrouper en deux grandes catégories : d'une part, les missions d'appui, parmi lesquelles on retrouve l'aéromobilité, l'évacuation sanitaire, le renseignement ou l'appui feu ; d'autre part, les missions spécialisées, avec les interventions des forces spéciales, le contre-terrorisme, le sauvetage au combat, la recherche et le sauvetage des personnels et des civils, la sûreté aérienne dans le cadre de la posture permanente de sûreté aérienne.

Pour conduire ces missions, l'armée de l'air compte sur un parc d'appareils variés, répartis sur l'ensemble du territoire national : quarante Fennec, âgés de trente ans, dont vingt sont stationnés à Orange, quinze à Villacoublay, deux en Guyane, un au Gabon et deux en Côte d'Ivoire ; dix Caracal stationnés sur la base aérienne de Cazaux ; vingt Puma, âgés de plus de quarante ans, dont trois sont stationnés à Djibouti et à Nouméa, deux au groupe interarmées d'hélicoptères (GIH), cinq en Guyane et sept à Solenzara ; trois Super Puma « VIP » basés à Villacoublay ; deux H225 loués auprès de la société Icare, afin de conduire des activités de formation à Cazaux.

Quasi oubliée par la LPM, la composante héliportée semble être remontée dans l'ordre des priorités avec l'annonce par la ministre des armées, d'abord de l'accélération du programme Hélicoptère interarmées léger (HIL), les premiers exemplaires du Guépard devant être livrés en 2026 à l'armée de terre et, ensuite, de la commande, ô combien attendue ! d'un hélicoptère Caracal destiné à remplacer l'un des deux détruits en opération.

Ces décisions vont certes dans le bon sens, mais la composante héliportée de l'armée de l'air est en souffrance. Quatre questions me semblent devoir retenir l'attention de notre commission.

La première concerne le renouvellement de la flotte Puma. Alors que l'hélicoptère de manoeuvre de nouvelle génération (HMNG) n'est pas attendu avant 2035, il est vital de procéder au remplacement anticipé de la flotte. Le ministère des armées semble soutenir une opération de location-vente d'hélicoptères H225, selon deux modalités : soit d'un parc de vingt appareils ; soit d'un parc de douze appareils, dans l'attente du transfert des huit Caracal de l'aviation légère de l'armée de terre (ALAT), attendu à l'horizon 2025. Quelle que soit l'option retenue, il nous faut aller vite, car il ne reste plus qu'une trentaine d'appareils sur le marché de l'occasion, contre près d'une centaine il y a encore peu de temps. Les auditions que nous avons menées montrent qu'une décision doit être prise d'ici la fin de l'année si nous voulons mener à bien ce projet. J'y veillerai.

La deuxième question concerne la détermination des spécifications du Guépard propres à l'armée de l'air. Pour l'heure, seules les caractéristiques générales du Guépard ont été définies. Les spécifications propres à chaque armée devront être arrêtées d'ici l'actualisation de la LPM.

Pour l'armée de l'air, la priorité porte sur les équipements optroniques et sur la capacité de ravitaillement en vol. Au Sahel, le ravitaillement en vol permet de s'affranchir toujours plus des contraintes de l'élongation du théâtre et de limiter la mise en place des fameux « FARP » (pour « Forward arming refueling point »), ces points de ravitaillement en armement et en carburant où l'hélicoptère se pose et s'expose. À terme, la possibilité de conduire des opérations associant Guépard et Caracal constituerait un avantage décisif, tant pour des opérations d'appui, que de sauvetage au combat.

La troisième question concerne la modernisation des dix Caracal. Le développement d'un standard 2 du Caracal est attendu, afin de corriger les obsolescences – armement axial et de sabord, robustesse cyber, connectivité, autoprotection et avionique – et de préparer l'arrivée dans les forces du Guépard par la constitution d'une flotte cohérente du point de vue capacitaire. Une modernisation est indispensable si l'on veut éviter que les Caracal soient mis sur la touche lors de d'opérations conduites avec nos alliés.

La quatrième question concerne l'opportunité de doter nos forces d'une capacité de transport lourd par hélicoptères. Antienne s'il en est, l'acquisition d'hélicoptères de transport lourd a refait surface à l'été sous l'effet, d'une part, de l'apport majeur à l'opération Barkhane des trois Chinook CH-47 britanniques et, d'autre part, de la propagation d'une information selon laquelle l'armée de l'air étudie actuellement son acquisition pour les forces spéciales françaises. Ainsi que j'ai déjà eu l'occasion de le dire, il me semble que nous devrions soutenir le lancement d'une unité franco-allemande d'hélicoptères de transport lourd, sur le modèle de l'escadron de transport tactique de C- 130J, en cours de construction sur la base aérienne d'Évreux. J'en profite pour vous faire part, en premier lieu à vous, Madame la présidente, ainsi qu'à Mme Séverine Gipson, de ma relative inquiétude quant au calendrier de ratification de l'accord franco-allemand qui sous-tend le lancement de ce projet : il ne faudrait pas que les crédits alloués nous échappent.

Voilà, Madame la présidente, chers collègues, ce qu'il me semblait important de partager avec vous au terme de mes travaux.

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