Intervention de Léa Guichard

Réunion du mardi 22 octobre 2019 à 17h20
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Léa Guichard, conseillère technique sur les violences sexistes au sein de la FNCIDFF :

Conseillère technique sur la thématique des violences sexistes et sexuelles sur la santé, la conjugalité et la parentalité, je présenterai les positions de la Fédération nationale des CIDFF avec ma collègue Christine Passagne qui est conseillère technique pour l'accès aux droits. Créés en 1972 à l'initiative du Gouvernement, les 106 centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) sont regroupés dans une fédération nationale qui, dans le cadre d'une convention pluriannuelle d'objectifs et de moyens (CPO) avec l'État, assure le pilotage stratégique du réseau national, les centres étant présents sur l'ensemble du territoire métropolitain et également en Polynésie française et en Guadeloupe.

La FNCIDFF apporte un soutien technique et méthodologique aux CIDFF. Représentant les CIDFF au niveau des instances nationales, européennes, et internationales, elle a pour objectif de mieux faire connaître les difficultés et les besoins spécifiques des femmes dans tous les domaines. Centre de ressources, de documentation et de formation, la fédération développe aussi des projets et des expertises. La spécificité de notre réseau est d'avoir une approche globale, transversale, et pluridisciplinaire, et ce, tout au long du parcours des femmes accompagnées par nos équipes pluridisciplinaires. Nous orientons et accompagnons aussi bien dans les thématiques d'accès aux droits, de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, que dans le soutien à la parentalité, l'emploi, l'insertion professionnelle, l'accès à la formation, la santé, et la sexualité. Nos équipes pluridisciplinaires regroupent des juristes, des conseillères conjugales et familiales, des médiatrices familiales, des psychologues, des travailleurs sociaux, etc., ce qui nous permet d'accompagner de manière globale les victimes de violences.

L'action des CIDFF dans le domaine des violences est multiple. Nous sommes porteurs de dispositifs nationaux de lutte contre les violences, comme le téléphone grave danger (TGD) ou les référents violence, et nous assurons l'accueil de jour. Nous formons les professionnels à la thématique des violences, ainsi que le public scolaire. En ce qui concerne les victimes de violence, nous les informons sur leurs droits et nous leur proposons un suivi qui va jusqu'à l'insertion professionnelle. Nous animons également des groupes de parole qui permettent de prendre en compte la spécificité de l'emprise qui est présente dans le cadre des violences conjugales. Il faut que les femmes connaissent le cycle des violences, le système de l'agresseur, que nous l'analysions avec elles pour le déconstruire, pour qu'elles puissent se situer dans leur parcours et apprécier le danger auquel elles sont confrontées.

Depuis 2016, nous avons développé en interne des services spécialisés d'aide aux femmes victimes de violences sexistes (SAVS) qui existent aujourd'hui dans 32 centres. Cette démarche s'appuie sur un cahier des charges élaboré en interne qui permet de monter en compétences sur toutes les thématiques des violences. Les CIDFF reçoivent avant tout des femmes victimes de violences conjugales, mais également des victimes de violences dans le cadre de la sphère professionnelle, de la prostitution, dans l'espace public, etc. Face à la diversité de ces situations, il nous fallait harmoniser nos pratiques et monter en compétence. Nous avons ainsi créé des outils et renforcé les partenariats locaux, notamment pour que l'expertise des CIDFF soit mieux connue.

La création de ces SAVS s'inscrit dans une réalité de terrain, à savoir une forte sollicitation des CIDFF par des femmes victimes de violences. En 2018, plus de 552 000 personnes ont été reçues par les CIDFF, parmi lesquelles plus de 71 000 femmes victimes de violences dont environ 51 000 demandes concernant les violences au sein du couple. Par rapport à 2017, c'est une hausse d'environ 9,5 % des demandes par rapport aux violences au sein du couple, ce qui est assez significatif. Après « Me Too », nous avons pu constater une hausse d'environ 12 % des demandes globales adressées à l'ensemble du réseau. Nous faisons également face à une multiplication des formes de violences, notamment des violences au sein du couple. Il est d'ailleurs difficile de parler des violences au sein du couple sans parler du cyber-contrôle et de la cyber-surveillance qui sont quasiment systématiques dans ces situations.

Les femmes s'adressent aux CIDFF avant tout pour des demandes juridiques – environ 50 % des demandes – que ce soit pour connaître leurs droits ou bénéficier d'un accompagnement dans les procédures judiciaires. Environ 40 % des demandes sont plus personnelles : entretiens individuels, groupes de parole, appui pour le soutien à la parentalité, aides sur le plan administratif, l'hébergement, ou l'insertion professionnelle.

Les femmes que nous accueillons dans les CIDFF ont, pour la majorité, moins de 45 ans, 80 % d'entre elles sont de nationalité française. Elles sont majoritaires célibataires avec enfants ; nous avons donc souvent des situations de monoparentalité. Elles vivent aussi bien dans les zones urbaines que les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Avec plus de 1 000 permanences, nous cherchons à être présents sur tout le territoire et à couvrir justement toutes les zones.

Si les CIDFF accueillent les femmes victimes de tous types de violence, 80 % des violences subies par les femmes que nous recevons sont des violences au sein du couple. Beaucoup de violences sont subies au moment de la séparation, la séparation ne signifiant pas l'arrêt des violences. Au contraire, cela peut entraîner encore plus de violences, qui peuvent aller crescendo dans ces situations : environ 30 % des féminicides ont lieu lors de la rupture du couple. Parmi les auteurs de féminicides, environ 20 % ont la qualité d'ex-conjoint.

Les femmes que nous recevons ont souvent un problème de ressources. À peine la moitié d'entre elles ont une activité professionnelle, et donc un salaire ; 10 % d'entre elles ne disposent d'aucune ressource. La dépendance économique est pourtant un réel frein pour quitter le conjoint violent. Je voulais le signaler car cela montre l'importance de l'approche globale et pluridisciplinaire pour accompagner ces femmes.

Toutes ces problématiques ont déjà été, pour la majeure partie, identifiées dans le cadre du Grenelle, mais nous tenions à rappeler leur importance et le fait qu'elles sont toujours autant prégnantes et les violences toujours aussi présentes.

Malheureusement, il faut encore pallier un manque de prise en compte et de reconnaissance de ces violences par les professionnels, que ce soit au niveau juridique, au niveau de la police, de la gendarmerie, par le milieu médical ou par les professionnels de l'insertion professionnelle. Nous soutenons toutes les mesures évoquées en faveur de la formation de ces professionnels.

Il y a également une nécessité de développer et d'étendre les dispositifs nationaux de lutte contre les violences, et surtout de donner des moyens aux associations de terrain qui accueillent les femmes victimes de violences. Le 3919 a pu avoir des fonds supplémentaires dans le cadre du Grenelle pour répondre à toutes les demandes et toutes les sollicitations de la part des femmes, mais il faut savoir que 40 % environ des appels émis à ce numéro sont redirigés vers les CIDFF qui doivent pouvoir accueillir et sécuriser les femmes qui les contactent et leur proposer également un accompagnement adapté à leur situation.

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