Intervention de Adrien Taquet

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 16h30
Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès de la ministre des Solidarités et de la Santé :

Je constate comme vous l'augmentation de la violence au sein des très jeunes couples, un phénomène qui trouve probablement une explication dans l'exposition à la pornographie. Nous annoncerons des mesures à ce sujet, auquel nous sommes très attentifs. Près de la moitié des enfants âgés de moins de 11 ans ont déjà été exposés à des contenus pornographiques. C'est une violence qui leur est faite, car ils ne sont pas armés pour interpréter des images de cette sorte. Cela peut avoir des effets traumatiques, altérer le regard porté sur les femmes et sur la perception de la relation entre les hommes et les femmes en ancrant dans de jeunes esprits l'idée d'un rapport de domination ; cela peut aussi altérer la construction de la sexualité.

La pornographie est également l'une des sources d'une forme de domination encore plus aiguë : la prostitution infantile, croissante. Les associations concernées estiment que quelque 8 000 mineurs se prostituent en France et, face à cette forme de prostitution qui prend des noms divers, la justice, les forces de l'ordre et les associations sont assez dépourvues. Apparaissent de nouveaux lieux de recrutement, dont les foyers de l'aide sociale à l'enfance. De plus, certains comportements observés dès le collège – la banalisation de l'acte sexuel – ne laissent pas d'interroger. Il faut effectivement faire le lien avec l'exposition à la pornographie, à portée de clic et pour cette raison de plus en plus généralisée et précoce.

Nous réfléchissons depuis plusieurs mois à ce sujet, plus large que celui des violences intrafamiliales, avec les associations, les administrations concernées et les acteurs de l'ensemble de la chaîne numérique que sont les fournisseurs d'accès, les plateformes et les réseaux sociaux. Nous avons finalisé avec ces derniers une charte par laquelle ils s'engagent à fournir systématiquement et gratuitement des dispositifs de contrôle parental ; le texte comprend aussi un volet concernant la sensibilisation des enfants et des parents à ces sujets. La charte est prête à être signée dans le cadre du plan de lutte contre les violences faites aux enfants. À la demande de mon collègue Cédric O, une inspection du ministère de l'économie est chargée de déterminer les moyens juridiques et techniques de réduire l'exposition des mineurs à la pornographie. C'est un sujet à propos duquel tous les pays du monde s'interrogent depuis quinze ans sans qu'aucun n'ait encore trouvé la recette miracle respectant par ailleurs les grands principes de l'Internet. Pour autant, quand il s'agit d'exposition de mineurs à la violence, nous devons être fermes et faire respecter nos convictions et nos principes.

Je ne sais si la suspension de l'autorité parentale doit être automatique en cas de violences intrafamiliales mais je pense en tout cas qu'un mari violent ne peut pas être un bon père. Une fois cet axiome posé, il faut apprécier quelle traduction lui donner. Il est vrai qu'en matière de protection de l'enfant, notre pays – et donc l'aide sociale à l'enfance – a été traversé par des mouvements de balancier idéologiques. On a voulu maintenir à tout prix le lien biologique. Il en est parfois résulté que le cordon liant un enfant et des parents toxiques n'a pas été coupé, si bien que tout ce que faisaient les travailleurs sociaux pendant la semaine ou le mois était annihilé par une rencontre avec un parent toxique le week-end ; cette situation a aussi fait obstacle à l'adoption d'un certain nombre d'enfants. Une doctrine inverse voulait que l'on place l'enfant à tout prix, parce que c'est dans le cercle familial que se produisent 80 % des violences faites aux enfants, que la famille est donc un lieu quasiment dangereux par nature et qu'il faut rompre ce lien dès que possible. Les lois du 5 mars 2007 et du 14 mars 2016 ont permis d'équilibrer les deux doctrines, mais le fait est que la loi n'est pas encore intégrée par certains travailleurs sociaux et certains magistrats ; il faut donc que le travail de pédagogie pratique se poursuive.

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