Intervention de Florence Parly

Réunion du mercredi 10 juillet 2019 à 18h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Florence Parly, ministre des armées :

Et je vous en remercie. Il s'agit de répondre à une volonté croissante de certains États clients d'organiser leurs acquisitions via des contrats d'État à État. Ce nouvel outil est une évolution très importante dans le domaine de la politique de soutien aux exportations : l'État suivra attentivement et étroitement, auprès des acteurs industriels, les différentes étapes des partenariats les plus stratégiques.

Le second grand contrat européen de l'année 2018 concerne l'acquisition par l'Espagne de 23 hélicoptères NH90. Cela témoigne, une fois encore, de la réussite de ce programme qui a été lancé dans le cadre d'une coopération entre quatre pays européens, la France, l'Italie, l'Allemagne et les Pays-Bas.

La coopération est un des mots phares de la loi de programmation militaire (LPM), c'est un mot structurant pour notre action jusqu'en 2025. Nous avons affiché clairement notre ambition d'augmenter le nombre de programmes menés en coopération avec des partenaires européens par rapport à la précédente LPM. Pourquoi ? L'avenir, sur le plan européen, ne consiste pas seulement à accroître nos exportations en Europe mais aussi, et peut-être surtout, à développer avec nos partenaires des offres cohérentes, crédibles et capables d'assurer notre supériorité opérationnelle. L'Europe de la défense, au fond, revient à bénéficier de l'excellence de chacun des pays européens, à pouvoir coordonner les savoir-faire de tout l'espace européen, au profit d'une défense de meilleur niveau.

C'est ce que nous faisons, par exemple, avec l'Italie : le programme spatial MUSIS (Multinational Space-based Imaging System), dans le cadre duquel le premier satellite de la famille CSO (Composante spatiale optique) a été lancé en décembre dernier, nous permettra d'échanger des images optiques acquises par les satellites CSO contre des images radar des satellites italiens CSG (COSMO-SkyMed de seconde génération).

C'est quand l'Europe partage intelligemment ses ressources qu'elle est forte, et elle sera plus forte encore avec les prochains programmes qui seront développés en coopération. Nous en avons besoin ; c'est un atout mais aussi une nécessité économique. Produire ensemble permet d'assurer une mutualisation des coûts de recherche et développement (R&D), de réaliser des économies d'échelle en matière de production et de conférer une meilleure compétitivité à nos industries sur les marchés internationaux.

C'est aussi un moyen de faire valoir notre excellence et le savoir-faire français. Mettre en commun nos moyens n'amoindrit pas notre influence : cela fait, au contraire, rayonner la France. Coopérer est un moteur pour nos exportations d'équipements d'une façon directe, lorsque l'industrie française participe à des programmes de codéveloppement, mais aussi indirectement, en soutenant l'intégration de l'industrie européenne et en renforçant la compétitivité de notre industrie sur le marché international.

Enfin, c'est l'opportunité pour des sociétés françaises de se prévaloir du référencement de leurs produits au sein de forces étrangères. Pour que ces sociétés puissent également mettre en avant l'utilisation de leurs équipements par nos armées, j'ai récemment créé le label « utilisé par les armées françaises », que j'ai remis pour la première fois à deux PME innovantes lors du salon du Bourget.

L'avenir européen se précise et se construit chaque jour. D'importantes coopérations et de puissantes synergies sont en gestation. Pour le moment, néanmoins, et on peut s'en désoler, force est de constater que le seul marché européen ne suffit pas. Un jour, je l'espère, l'Europe de la défense fera de nous des pays pleinement autonomes par rapport au reste du monde : mais pour l'heure, l'Europe dépense encore trop peu pour sa défense et achète encore trop peu au sein de l'Union européenne (UE). Les trois quarts des pays européens continuent à acheter presque en totalité, ou en tout cas pour l'essentiel, du matériel américain. Si je me fais l'infatigable avocate de l'Europe de la défense, c'est pour tenter de remédier à cette situation qui n'est pas satisfaisante. Je crois que toute l'énergie que nous déployons paie : nous avançons et nous recevons de plus en plus de signaux positifs.

De ce point de vue, même si c'est un peu hors sujet, je ne résiste pas au plaisir de souligner que le gouvernement roumain a choisi, il y a quelques jours, l'offre française présentée par Naval Group, associé au chantier naval roumain SNC, pour la fourniture de quatre corvettes multimissions et la rénovation de deux frégates roumaines. Avec ce contrat, la Roumanie devient le premier État membre de l'OTAN et de l'UE à acquérir ce type de bâtiments. Tout en assumant ses engagements vis-à-vis de l'OTAN, la Roumanie démontre par cette acquisition sa volonté de renforcer l'Europe de la défense et de développer sa BITD en se tournant vers ses partenaires de l'UE pour des acquisitions très structurantes d'équipements militaires. Il faut aussi noter que ce succès intervient quelques mois après que Naval Group a remporté un marché pour le remplacement des chasseurs de mines des marines belges et néerlandaises.

Si l'Europe est résolument notre horizon, nous ne pouvons pas, pour le moment, nous contenter du seul marché européen. Nous avons donc tissé, partout dans le monde, des liens étroits avec d'autres États, et il est de notre intérêt de les consolider.

Au Proche et Moyen-Orient, la France compte historiquement plusieurs partenaires stratégiques qui sont des acteurs fiables dans la lutte contre le terrorisme. Ces partenaires, quels que soient leurs dirigeants et les gouvernements en France, constituent un socle régulier et substantiel pour nos exportations dans la région, bien que celles-ci soient en diminution. En 2018, les prises de commandes ont représenté un peu plus de la moitié des 9 milliards d'euros que j'ai évoqués : le recul est de 10 % par rapport à 2017.

Dans la région Indo-Pacifique, où la présence française est importante, comme j'ai notamment eu l'occasion de le rappeler à Singapour, dans le cadre du « Shangri-La Dialogue », nous avons bâti des partenariats structurants et stratégiques avec deux pays majeurs : l'Inde et l'Australie. Cette zone, où se façonnent les futurs équilibres mondiaux, représentait 15 % du montant total de nos prises de commandes en 2018.

Je vais maintenant aborder la structuration de nos principaux contrats à l'export et les secteurs qui intéressent plus particulièrement nos partenaires étrangers.

L'aéronautique et le spatial arrivent en tête : ils ont représenté un peu plus de la moitié de nos prises de commandes en 2018. Le secteur des hélicoptères constituait alors près de 20 % des exportations françaises, notamment grâce aux contrats relatifs aux NH90 passés avec le Qatar et l'Espagne. Dans les deux cas, les retombées pour l'industrie française, Airbus Helicopters, sont nombreuses. Forts de l'expérience acquise et de leur excellence opérationnelle sur de nombreux théâtres, nos avions de combat continuent également à intéresser. Le Qatar nous a accordé sa confiance pour l'acquisition de douze Rafale supplémentaires ; le premier aéronef qatarien est sorti des chaînes de production de Mérignac en janvier 2019 et sera suivi de vingt autres.

La part de l'armement terrestre dans nos exportations a été en nette hausse au cours des dernières années. Cela représentait un quart des prises de commandes en 2018. Le contrat CAMO y est naturellement pour beaucoup : il constitue le plus grand marché d'exportation en Europe depuis les Mirage 2000 achetés par la Grèce, et la première exportation des véhicules Griffon et Jaguar ainsi que de la radio logicielle SYNAPS.

Le domaine naval, que j'ai évoqué tout à l'heure, représente le dernier quart de nos exportations en 2018. Ce qui frappe, surtout si l'on y inclut les contrats signés en 2019, est l'ouverture de nouveaux marchés qui restaient jusqu'alors la chasse gardée de la concurrence, comme l'Argentine, la Belgique, les Pays-Bas et la Roumanie. C'est une excellente nouvelle pour nos industriels et pour l'Europe de la défense.

Pour conclure, l'année 2018 a été une bonne année pour la BITD française et pour l'Europe. Les exportations sont la rançon de notre souveraineté. Elles comptent pour notre économie, en particulier pour les 200 000 emplois de notre industrie de défense. Nous devons donc continuer à exporter, avec discernement et dans une stricte conformité avec nos engagements internationaux, en procédant d'une façon toujours aussi minutieuse à l'examen de chaque cas, comme le fait la Commission interministérielle pour l'exportation des matériels de guerre (CIEEMG), dont la deuxième partie du rapport décrit dans le détail les procédures – un encadré très didactique figure à la page 24 –.

Nous préparons également l'export sur le moyen terme : nous lançons de nouveaux programmes qui sont pensés pour pouvoir être exportés dès leur conception. C'est le cas par exemple du missile antiaérien français MICA de nouvelle génération, pour lequel est prévu un mécanisme de redevance à l'export qui permettra d'en réduire le coût pour nos armées.

Je ne vais pas être plus longue, Monsieur le président. Je me tiens maintenant prête à répondre aux questions.

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