Intervention de Régis Juanico

Réunion du mercredi 30 octobre 2019 à 15h00
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRégis Juanico, rapporteur pour avis :

Au premier abord, l'évolution des crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative en 2020 semble particulièrement favorable, avec pas moins de 238 millions d'euros de plus en crédits de paiement, pour un total de 1,230 milliard.

Comme pour tout budget, il y a l'affichage et la réalité.

Pour le sport, lorsque l'on prend en compte les effets de périmètre, avec le transfert sur le programme 219 de la masse salariale des CTS et que l'on exclut le programme 350 sur les Jeux olympiques, qui relève d'une logique distincte, les crédits consacrés au sport n'augmentent que de 1,7 million. Je parlerai donc de stagnation.

Les crédits dévolus à la jeunesse et à la vie associative augmentent certes de 51,5 millions, mais cette évolution s'explique très largement par l'inscription de 30 millions d'euros au bénéfice du service national universel, et ce au détriment du déploiement du service civique : celui-ci ne bénéficie que d'une hausse de 2,6 % de ses moyens (+ 13 millions), alors que les crédits avaient augmenté de plus de 60 millions par an en moyenne ces trois dernières années.

Enfin, sur le programme 350, l'on observe un quasi-doublement des crédits de paiement en 2020, pour répondre à la hausse des besoins de la Société de livraison des ouvrages olympiques (Solidéo), pour les opérations d'aménagement nécessaires à l'organisation des JOP. Mais sur les 129,5 millions inscrits cette année, il semblerait que seulement 28 millions – soit un peu plus de 20 % – soient fléchés vers les équipements sportifs, et donc bénéficient vraiment au sport dans son ensemble, au titre de l'héritage des Jeux.

Pourriez-vous, madame la ministre, nous confirmer ce chiffre et nous indiquer quels sont les équipements sportifs financés dans ce cadre ?

S'agissant du sport, on observe une stabilisation des crédits à un niveau particulièrement bas, après deux années de forte diminution. En effet, si l'on réunit les crédits budgétaires et les taxes affectées, les moyens dévolus au sport ont baissé de 15 % entre 2017 et 2019, soit presque 80 millions de moins.

Cela s'est traduit par une forte diminution du soutien apporté aux clubs et aux associations sportives sur nos territoires, ainsi qu'aux équipements sportifs. À ce contexte budgétaire très défavorable, s'est ajoutée la suppression des contrats aidés.

Ces évolutions sont en complet décalage avec l'objectif ambitieux, et que nous partageons, fixé par le Gouvernement d'augmenter de trois millions le nombre de pratiquants sportifs d'ici 2024.

Le budget proposé pour 2020 ne redresse pas la barre, il ne fait que stopper l'hémorragie. En tout état de cause, si l'on ajoute 1,7 million de crédits budgétaires aux 28 millions que je viens d'évoquer pour les équipements sportifs de la Solidéo, nous sommes plus proches d'une augmentation de 4 % des crédits que des 9,8 % affichés.

Je ne peux donc que regretter que les amendements déposés par plusieurs de mes collègues et par moi-même en première partie du projet de loi de finances pour augmenter le plafond des taxes affectées aux politiques sportives n'aient pas été adoptés, y compris les amendements de MM. Gaultier et Cormier-Bouligeon porteurs de 15 millions d'euros supplémentaires – amendements votés en séance le 21 octobre puis annulés du fait du recours par le Gouvernement à une seconde délibération aux petites heures du matin.

C'est d'autant plus dommageable que les recettes de ces taxes affectées au sport – notamment la taxe Buffet dont le rendement, du fait des droits TV pour le football professionnel, augmentera de 25 millions d'ici 2021, et la taxe sur les paris sportifs dont le produit a augmenté de 80 % depuis 2015 – sont très dynamiques. L'affectation de ces deux taxes répond pleinement à une logique de financement des politiques sportives par l'économie du sport.

On aboutit ainsi à une évolution paradoxale : alors qu'en 2017, 77 % du produit des taxes affectées bénéficiaient au sport, contre 23 % reversés à l'État, la proportion s'est plus qu'inversée, avec, depuis 2018, seulement 35 % des taxes affectées versées au sport et 65 % qui reviennent dans les caisses de l'État.

J'observe par ailleurs que l'exécution budgétaire de 2018 s'avère particulièrement atypique, avec une forte sous-consommation des crédits inscrits : sur les 347 millions votés par le Parlement sur le programme sport, ce sont plus de 64 millions qui ont été dégagés en gestion – ce qui relativise la portée de ce que nous votons – et versés au Centre national pour le développement du sport (CNDS) pour apurer ses restes à payer.

Là encore, l'on parvient à une situation paradoxale : les taxes affectées au CNDS ont chuté en 2018 – 144 millions de moins –, mais 64 millions lui sont reversés en fin de gestion cette même année 2018. Pour autant, ces sommes ne viennent pas financer des subventions pour les clubs sportifs sur les territoires, mais apurer des restes à payer.

S'agissant du présent budget, le transfert de la masse salariale des CTS de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sur le programme Sport pourrait s'interpréter comme une volonté d'améliorer la lisibilité budgétaire des moyens alloués au sport. Pour autant, il ne s'accompagne pas d'un transfert des autres crédits de personnel, notamment de la direction des sports et des services déconcentrés. Ce transfert aboutit finalement à séparer les personnels des sports en deux budgets opérationnels de programme, ce qui n'apparaît pas cohérent et affaiblit le ministère des Sports.

Par ailleurs, dans le contexte de crise durable autour du statut et de l'avenir des CTS, on peut s'interroger sur les raisons qui ont motivé ce transfert. Le risque d'externalisation de ces personnels aux fédérations est réel en l'absence d'ouverture de nouveaux concours – comme cela a été annoncé pour l'année 2019.

Sur le sujet des CTS, j'appelle de mes voeux un dénouement rapide pour une crise qui n'a que trop duré et s'est enlisée. La persistance d'un climat d'incertitude et de tensions depuis plus d'un an s'avère très délétère pour le corps des CTS, et plus largement pour les athlètes et le monde sportif, à quelques mois de l'échéance majeure des Jeux de Tokyo.

Il me semble nécessaire de maintenir le statut de fonctionnaire pour les CTS, sans pour autant prôner le statu quo : dans la lignée des propositions que j'ai formulées dans un précédent rapport, je préconise une réelle formation continue des CTS, avec la mise en place d'une « école des cadres », et une politique ambitieuse et moderne de gestion des ressources humaines. Il est par ailleurs indispensable de maintenir des concours de CTS ouverts aux sportifs de haut niveau en fin de carrière, car il s'agit d'un débouché particulièrement adapté pour eux. Confier la gestion des CTS à l'ANS me semble en tout cas peu pertinent, car elle ne dispose pas des moyens nécessaires pour assumer cette nouvelle mission. Il serait préférable de renforcer le centre de gestion opérationnelle des CTS, au sein de la direction des sports, en lui donnant davantage de moyens et d'outils pour la gestion des ressources humaines.

Je dirai également un mot de la réforme des services déconcentrés des sports, de la jeunesse et de la vie associative, avec la disparition des directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et des directions départementales de la cohésion sociale (DDCS), scindées en deux : les personnels relevant de la jeunesse et de la vie associative vont ainsi rejoindre les services déconcentrés de l'Éducation nationale, et leurs missions seront fortement réorientées vers la dimension « jeunesse », et particulièrement le SNU. Cette réforme fait craindre aux personnels une dilution de leurs missions, avec un accent qui serait essentiellement mis sur le SNU, et risque d'affaiblir encore davantage le ministère des Sports.

S'il est certes un peu tôt pour dresser le bilan de la réforme de la gouvernance sportive, j'ai retiré de mes auditions l'impression d'un manque de pilotage général, avec des acteurs nombreux, dont les champs d'intervention ne sont pas suffisamment définis, ainsi qu'un certain flou sur les processus décisionnels au sein de l'ANS.

En tout état de cause, comme j'ai déjà eu l'occasion de le souligner, la création de cette Agence, dotée de larges compétences, pose inévitablement la question d'un possible effacement programmé du ministère des Sports. Celui-ci ne doit pas devenir un acteur résiduel des politiques publiques sportives, mais doit rester le garant du déploiement de ces politiques sur l'ensemble du territoire, comme le souligne le Conseil d'État dans son récent rapport annuel.

L'expérimentation des PSF, par lesquels 28 fédérations volontaires ont assuré l'instruction des demandes de subventions déposées par leurs clubs, semble néanmoins réussie, selon les avis que j'ai pu recueillir en audition. Toutefois, compte tenu de l'appel d'air suscité par cette nouvelle procédure, il est indispensable d'augmenter le montant de la part territoriale, et donc des subventions versées aux clubs, pour faire face aux besoins exprimés, sans quoi la réforme des PSF ne conduira qu'à décevoir et décourager le monde associatif sportif, qui déposera de nombreux dossiers.

Il me semblerait aussi pertinent d'harmoniser les procédures suivies dans les commissions d'attribution des subventions des différentes fédérations, en prévoyant un cadre déontologique et éthique bien défini.

J'achèverai mon propos en regrettant le recul dans l'ambition d'un large déploiement du service civique. Ce dispositif plafonne et marque le pas du fait du ralentissement de la dynamique des crédits inscrits en 2020. Déjà, en 2019, nous avons pu constater dans nos circonscriptions que des mesures de régulation ont été prises en gestion, portant sur le nombre de volontaires du service civique et la durée des missions. Ces « coups d'accordéon » sont préjudiciables à tous les acteurs, les jeunes comme les structures d'accueil, notamment les fédérations sportives.

Il faudrait allouer 30 millions d'euros supplémentaires en 2020 pour parvenir à l'objectif des 150 000 volontaires. Or ces 30 millions sont justement inscrits au bénéfice du SNU, alors même que ce dispositif est redondant avec nombre de dispositifs de l'Éducation nationale, avec les journées « défense et citoyenneté », et bien sûr avec le service civique. Organiser un parcours de citoyenneté dès le plus jeune âge en s'appuyant sur les nombreux dispositifs existants serait beaucoup plus pertinent et efficace.

Pour ces différentes raisons, j'émets un avis défavorable sur les crédits de la mission Sport, jeunesse et vie associative.

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