Intervention de Valérie Boyer

Séance en hémicycle du mardi 5 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaValérie Boyer, rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères :

La France est aujourd'hui confrontée à un véritable défi migratoire. Jusqu'à présent, le chef de l'État nous expliquait qu'il n'y avait pas de crise migratoire, estimant qu'on ne pouvait parler d'une crise de cette nature et que l'immigration constituait une chance. Il s'est même prononcé en faveur de l'élargissement de l'Union européenne aux pays des Balkans, et en faveur de l'entrée la plus rapide possible de la Roumanie dans l'espace Schengen. Aujourd'hui, nous constatons qu'il change de discours. Il a même déclaré en septembre que la France ne pouvait pas accueillir tout le monde – j'y reviendrai, et je pense qu'il y reviendra aussi demain.

D'après l'économiste Jacques Bichot, qui a réalisé des études sur le coût de l'immigration, celle-ci occasionnerait un surcoût annuel pour l'État de 25 milliards d'euros. Il est néanmoins difficile d'accéder à des chiffres fiables et étayés dans ce domaine. Cette année, le budget global de la mission « Immigration, asile et intégration » est en augmentation. Pourtant, les Français ne connaissent pas toute la vérité des chiffres. Alors que la lutte contre l'immigration irrégulière doit être notre priorité, le Gouvernement décide, paradoxalement, de baisser ce budget.

Ainsi les crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière sont-ils en diminution, ce qui est incompréhensible au regard des défis auxquels notre pays est confronté : 250 000 titres de séjour accordés en 2018, soit deux fois plus qu'il y a vingt ans et bien davantage que sous le précédent gouvernement ; 400 000 à 500 000 étrangers en situation irrégulière ; 123 000 demandeurs d'asile, soit une hausse de 6 % depuis le début de l'année et de 22 % par rapport à 2018.

Alors que, partout ailleurs en Europe, les demandes d'asile baissent de 10 %, elles croissent de 22 % en France ! Ajoutons que 95 % des déboutés du droit d'asile demeurent sur le territoire, et qu'à peine 7 000 expulsions forcées ont été réalisées vers des pays tiers.

Enfin, 3 390 étrangers figurent dans le fichier des personnes radicalisées, et notre pays compte 16 000 détenus étrangers.

Si le social n'a pas de prix, il a un coût ! C'est pourquoi, cette année, j'ai décidé de concentrer mes travaux sur la dimension sociale de l'immigration en France, et plus particulièrement sur trois points.

Le premier point concerne les mineurs non accompagnés, les MNA. Le système de prise en charge de ces mineurs est au bord de l'implosion faute d'une politique publique à la hauteur, et les plus vulnérables en sont les premières victimes. J'en prendrai pour exemple le département des Bouches-du-Rhône, que l'on peut qualifier de « millenium » : fin septembre, il a pris en charge 1 025 mineurs étrangers non accompagnés, soit 25 % des mineurs accompagnés par les services de l'aide sociale à l'enfance, pour un coût passant de 26 à plus de 37 millions d'euros, soit une hausse de 44 % en un an. Le contrôle de la minorité de ces jeunes est de surcroît aléatoire, puisque, malheureusement, le fichier AEM – appui à l'évaluation à la minorité – n'est pas déployé dans tous les départements, bien qu'il ait fait ses preuves. Je demande que l'État n'abandonne pas les départements, comme aujourd'hui, dans la mise en oeuvre de cette compétence régalienne.

Le deuxième point concerne la protection universelle maladie, la PUMA. Aujourd'hui, toute personne travaillant ou résidant en France de manière stable et régulière peut bénéficier de la prise en charge de ses frais de santé par la PUMA, sans jamais avoir cotisé. C'est le cas des demandeurs d'asile dès le dépôt de leur demande, pendant toute l'instruction de leur dossier, voire au-delà, puisque le droit commun accorde la PUMA une année après la première demande. Il faut absolument mettre fin à ce détournement du droit d'asile.

Parmi les 123 000 demandes d'asile examinées en France, 70 % sont refusées, mais les personnes déboutées bénéficient encore de la PUMA : de toute évidence, l'assurance maladie n'est pas prévenue que l'asile ne leur a pas été accordé. En outre, l'obligation de quitter le territoire français prononcée à leur encontre n'est pas exécutée, et ces personnes restent en France.

Au nom de la justice sociale et de la protection de notre système de santé, il convient de prévoir un régime spécial pour les demandeurs d'asile, pendant l'examen de leur dossier, qui nous permette de les suivre et de les distinguer. À l'issue de la décision de l'OFPRA – Office français de protection des apatrides – et, le cas échéant, une fois l'asile accordé, ils pourraient accéder à la protection maladie universelle.

Le dernier point occupe actuellement le débat public. Il s'agit de l'aide médicale d'État – AME – , qui vise à assurer une couverture maladie aux personnes démunies qui résident en France en situation irrégulière, en poursuivant une triple logique humanitaire, sanitaire et économique.

Au 31 décembre 2018, 318 106 personnes en étaient bénéficiaires, pour des dépenses atteignant 848 millions d'euros – ou plutôt 1 milliard, puisque, en la matière, les budgets sont toujours surexécutés et sous-estimés. La hausse incontrôlée des dépenses d'AME doit impérativement nous conduire à repenser et à resserrer ce dispositif, qui ne peut, en l'état, que renforcer l'attractivité de notre pays.

Le délai de carence ne permettra pas de résoudre ce problème, car il est évident qu'une personne ayant subi un accident ou souffrant d'une maladie contagieuse sera prise en charge. Comment faire en sorte que l'AME soit harmonisée dans l'ensemble du territoire ?

Telles sont les questions qu'il faudrait traiter avec courage et transparence. Surtout, il faudrait donner à la représentation nationale et aux Français des chiffres qui les informent véritablement du coût réel de l'immigration. Aujourd'hui, ces informations manquent en matière de prise en charge des soins et de santé. La France dispose d'un des systèmes les plus généreux au monde avec l'AME, la PUMA et le dispositif des étrangers malades. Pourtant, il est très compliqué de suivre les personnes concernées sur le plan épidémiologique et social. Il est temps d'y remédier.

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