Intervention de Marietta Karamanli

Séance en hémicycle du mardi 5 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Immigration asile et intégration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » augmentent. Ces missions comportent deux programmes, « Immigration et asile », qui augmente d'un peu moins de 8 % en crédits de paiement et « Intégration et accès à la nationalité française ». Un examen attentif révèle cependant des évolutions contrastées.

S'agissant du programme « Immigration et asile », les crédits d'intervention qui visent à garantir l'exercice du droit d'asile augmentent de 12 %, tandis que ceux dédiés à la lutte contre l'immigration clandestine reculent de 10 %.

Dans le premier cas, les crédits suivent l'évolution du nombre de demandes d'asile. Ils avaient augmenté de 13 % en 2019 par rapport à 2018. En 2018, l'OFPRA avait enregistré 123 000 demandes, soit plus de 23 % par rapport à 2017.

Au premier semestre 2019, 62 000 demandes d'asile ont été déposées, ce qui traduit un certain ralentissement. Il en résulte une forte diminution des dépenses de soutien au programme. En commission, j'ai souhaité connaître l'évolution des crédits de fonctionnement des services d'accueil des étrangers dans les préfectures pour savoir s'ils avaient baissé eux aussi. Nous n'avons pas reçu de réponse. Pourrez-vous nous éclairer, monsieur le secrétaire d'État ?

Nous le savons, les préfectures jouent un rôle essentiel dans la politique de régulation de l'immigration. Hélas, il est de plus en plus difficile d'y obtenir un rendez-vous. Or, faute de pouvoir décrocher un rendez-vous en préfecture, des ressortissants, avec ou sans papier mais éligibles à l'examen de leur situation, perdent leurs droits. Avant d'évoquer ou d'invoquer des principes, prenons des mesures pour clarifier la situation et permettre aux personnes concernées de rencontrer l'administration.

Les associations d'accompagnement nous le rappellent régulièrement : ces personnes demandent un accueil effectif, dans le respect de la loi. Faute d'information quant à l'effectivité de cet accueil, nous pouvons douter de la fiabilité des indicateurs censés mesurer l'efficacité des mesures prises.

Pour ce qui concerne l'hébergement des demandeurs, qui est une garantie du droit d'asile, s'il était prévu de créer 1 500 places en 2018 dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile, les CADA, l'objectif est tombé à 1 000 en 2019 alors que 15 000 places avaient été créées entre 2015 et 2017. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit simplement de mettre à niveau notre dispositif d'hébergement, sans prévoir d'ouverture de place supplémentaire, ni en centre d'accueil et d'examen des situations, ni en hébergement d'urgence, ni en CADA, ce qui est contraire à l'affirmation de la garantie de l'exercice de ce droit.

Venons-en aux crédits de l'action « Lutte contre l'immigration irrégulière », qui diminuent de 10 %. Selon le rapporteur spécial de la commission des finances, ces crédits ne recouvrent pas la totalité des dépenses de l'État engagées en ce domaine. La lecture du document de politique transversale, « Politique française de l'immigration et de l'intégration », ne nous en apprend pas davantage au sujet de cette évolution.

Notons par ailleurs que ce document ne précise pas non plus le nombre de retours forcés exécutés, puisque les prévisions actualisées de 2019 et de 2020 ne comportent aucune donnée chiffrée. Dans ces conditions, les députés ne peuvent guère se prononcer quant à l'évolution des crédits mobilisés dans le cadre de la lutte contre l'immigration irrégulière.

Pour ce qui est, enfin, du programme « Intégration et accès à la nationalité française », remarquons que la hausse des crédits est essentiellement affectée à l'accompagnement des étrangers en situation régulière et à celui des réfugiés.

Si l'on peut saluer cette hausse des crédits, n'oublions pas qu'elle suit l'évolution du nombre de demande, mais que nous ne savons pas si elle traduit une anticipation réaliste et raisonnable des besoins.

Il semble ainsi que le nombre d'heures de cours de langue soit passé de 200 à 400 heures, ce qui va dans le bon sens même si nous sommes encore loin du niveau de l'Allemagne. Sauf erreur, nous ne disposons pas d'un début d'évaluation de l'effectivité de la mesure décidée, alors que cette information serait fort intéressante.

Ce budget permettra-t-il de répondre à deux priorités : assurer la sécurité tout en anticipant correctement les conditions d'accueil et d'accompagnement des migrants devant bénéficier d'une protection humanitaire ? Investir pour assurer aux migrants un accueil digne n'est ni un luxe ni un risque, mais bien le moyen de garantir l'ordre, la cohérence et la solidarité de notre collectivité.

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