Intervention de Philippe Dunoyer

Séance en hémicycle du mercredi 6 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Dunoyer, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La mission « Outre-mer » connaît une baisse faciale de ses crédits : son budget s'élève à 2,55 milliards d'euros en autorisations d'engagement, en diminution de 4 % ; les crédits de paiement accusent une baisse légèrement plus importante, de 6,54 %, pour s'établir à 2,4 milliards.

Une fois corrigés les effets de périmètre, cette baisse des crédits n'en est plus vraiment une. Elle représente en réalité une vingtaine de millions d'euros, soit 0,8 % de la mission – si l'on en croit le bleu dans lequel le Gouvernement s'engage à instaurer une aide à l'accession sociale et à la sortie de l'insalubrité spécifique à l'outre-mer pour compenser la baisse de 30 millions de l'action « Logement » du programme 123. La situation est donc inverse à celle de la loi de finances pour 2019, qui affichait une hausse certes substantielle, mais uniquement apparente. Le projet de loi de finances pour 2020 affiche quant à lui une baisse qui n'en est pas une, et c'est une bonne chose.

En deux ans, la mission « Outre-mer » a subi d'importantes modifications de périmètre qui rendent sa lecture plus difficile et complexe. Nous pouvons le déplorer, tout en espérant que 2020 est la dernière année qui connaîtra de telles transformations.

Rappelons tout d'abord que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une petite part – moins de 12 % – de l'effort global de la nation en faveur des outre-mer. Cet effort s'élève à 22,05 milliards d'euros, soit une progression de 2 % par rapport à 2019.

Ensuite, les réformes réalisées l'an dernier en matière fiscale et sociale – redéfinition du périmètre des exonérations spécifiques à l'outre-mer dès 2019, conséquence de la disparition du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi ; abaissement du plafond de la réduction d'impôt sur le revenu pour domiciliation ultramarine ; suppression du mécanisme de la TVA non perçue récupérable – ont des conséquences sur le PLF pour 2020.

En raison du choix gouvernemental de privilégier les exonérations de cotisations sociales et le soutien à l'économie par des instruments communs à l'ensemble des territoires, les crédits non répartis ont pris une place considérable au sein des crédits alloués aux outre-mer, passant de 176 millions d'euros en 2018 – soit moins de 1 % de l'effort budgétaire global – à 2,5 milliards en 2020, soit 12 % de l'enveloppe totale. Cela fait naître plusieurs interrogations sur la mesure du soutien de l'État dans nos territoires.

À ces incertitudes s'ajoute la prévision à la baisse du montant des exonérations de cotisations, telle qu'elle est anticipée par l'ACOSS. Une telle situation est inconfortable, car les variations de prévisions d'un exercice à l'autre nuisent à la visibilité dans le pilotage du budget de la mission. Ce mécanisme pénalise ainsi gravement l'action publique, puisque des dépenses contraintes et imprévisibles peuvent remettre en cause, en cours d'exercice, les initiatives acceptées par le Parlement touchant aux autres aspects de la vie des populations ultramarines. À cet égard, je note avec satisfaction, madame la ministre, que vous avez obtenu l'assurance du déblocage de nouveaux crédits si le besoin s'en faisait sentir, sans que le reste de la mission serve de variable d'ajustement.

Je tiens à souligner plusieurs avancées figurant dans cette mission. Dans le programme 138 « Emploi outre-mer », notons le recrutement de 135 personnes en cinq ans, dont 35 dès 2020 pour déployer le plan SMA – service militaire adapté – 2025, la création d'une nouvelle compagnie à Bourail, en Nouvelle-Calédonie, ou encore l'augmentation de 10 millions d'euros de la dotation du prêt de développement outre-mer afin d'étendre le bénéfice de celui-ci aux entreprises situées dans les collectivités du Pacifique.

Dans le programme 123, « Conditions de vie outre-mer », nous pouvons saluer l'accompagnement de la création d'observatoires locaux du logement et de l'habitat dans chaque territoire, ou encore le doublement des crédits alloués au fonctionnement de l'ensemble des observatoires des prix, des marges et des revenus.

Au-delà de ces motifs de satisfaction, un aspect de la mission « Outre-mer » doit faire l'objet d'une grande vigilance de notre part. L'exercice budgétaire 2018 a fait apparaître des sous-consommations, portant essentiellement sur le programme 123, à hauteur de 120 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 144 millions en crédits de paiement. Cette sous-consommation chronique de fonds alloués aux collectivités pour la réalisation d'opérations structurantes, le plus souvent contractualisée, est responsable d'une baisse marquée du volume de crédits de paiement dans le PLF pour 2020.

Cette conséquence strictement budgétaire menace un engagement essentiel du Gouvernement – de vous-même, madame la ministre, ainsi que de M. le ministre de l'action et des comptes publics : la sanctuarisation des crédits de la mission. Nous devons veiller à ce que la baisse ne perdure pas et à ce que les territoires bénéficient de dispositifs d'accompagnement et d'ingénierie, déjà évoqués en commission comme au sein de la délégation aux outre-mer. La création d'un groupe de travail consacré à la sous-exécution, que vous nous avez annoncée hier, aidera ainsi les collectivités à améliorer leur taux de consommation de crédits.

Je traiterai enfin brièvement, car nous y reviendrons au cours de l'examen des amendements, d'un volet essentiel de l'action de l'État : la politique de continuité territoriale. Son dispositif funéraire, objet de nombreux débats, est aujourd'hui totalement inopérant. Il serait également nécessaire de développer la continuité intérieure, notamment inter-îles, et celle des liaisons vers d'autres destinations plus proches, en particulier dans les territoires archipélagiques tels que la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

Le budget pour 2020 honore les engagements pris dans le cadre du livre bleu outre-mer et des contrats de convergence et de transformation. Il est conforme aux perspectives du plan SMA 2025 et de la trajectoire outre-mer 5. 0. Pour ces raisons, j'émets un avis favorable aux crédits de la mission « Outre-mer ».

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