Intervention de Manuéla Kéclard-Mondésir

Séance en hémicycle du mercredi 6 novembre 2019 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Outre-mer

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuéla Kéclard-Mondésir :

Nous connaissons tous les enjeux qui existent dans les outre-mer. Le budget que vous défendez, madame la ministre, répond-il aux attentes qui en découlent ? Loin d'ouvrir un acte II du quinquennat, il se situe dans la continuité du budget précédent, fondé sur la volonté de libéraliser l'économie ultramarine.

La regrettable suppression de la majoration de traitement de 40 % pour les fonctionnaires, récemment évoquée par les médias et censée entraîner un cercle vertueux de baisse des prix, est un exemple de cette mentalité. Il y en a d'autres : la suppression du CICE ; la suppression de l'abattement fiscal qui affecte directement les jeunes ménages et les entreprises ; la suppression des contrats aidés qu'entraîne la raréfaction des ressources des collectivités locales… Sous couvert de libéralisation, vous organisez ainsi la paupérisation de la population.

Vous comprendrez donc les réticences qu'exprime le groupe de la Gauche démocratique et républicaine, désireux de sanctionner une politique anxiogène. Pour ma part, avec quelques autres parlementaires d'outre-mer, je subordonnerai mon vote à la qualité de votre écoute et au sort qui sera réservé à nos amendements.

Ce budget perd beaucoup de son périmètre au profit du budget général, ce qui pose encore une fois la question de son efficacité et de sa cohérence. Avec un montant total de 2,5 milliards d'euros, il est en baisse de 4 %. Cette réduction affecte les autorisations d'engagement et, surtout, les crédits de paiement, dont la baisse de 16 % nous conduit à nous interroger. Elle ne saurait être justifiée par la sous-consommation des crédits, puisque celle-ci résulte d'obstacles administratifs et logistiques ; il serait même dommageable de le laisser penser.

La diminution des crédits alloués au logement est elle aussi dommageable. La suppression par le Gouvernement de l'allocation logement accession, contre l'avis unanime des élus des territoires, a eu pour conséquence dramatique le blocage de milliers de dossiers. Il ne faut pas non plus oublier les difficultés du foncier, l'habitat insalubre ou la sortie de l'indivision successorale, qui entravent l'émergence de projets.

Ces errements dans l'approche expliquent les difficultés qui ont émaillé les voyages ministériels en Martinique et en Guadeloupe et, plus récemment, le voyage du Président de la République à La Réunion, du 23 au 25 octobre : aucune réponse n'est apportée aux besoins des outre-mer.

Le chef de l'État a pourtant salué, lors de son déplacement, l'« exemplarité » du modèle ultramarin, en particulier son organisation agricole qui a permis de créer de la richesse et des emplois. Contre une certaine tendance administrative qui consisterait à profiter de cette discussion budgétaire pour revoir le dispositif, le Président de la République a clairement annoncé le déplafonnement des aides attendu par tous ceux qui exploitent une entreprise agricole ou agro-alimentaire en outre-mer. Nous souhaiterions donc connaître votre point de vue sur le sujet, madame la ministre, et espérons que vous apaiserez notre inquiétude en vous engageant explicitement à respecter la parole présidentielle et à prévoir dans le PLF des crédits suffisants pour l'agriculture de diversification outre-mer, afin de financer l'ensemble des besoins en développement des territoires.

Abstraction faite des questions de technique budgétaire et des mesures administratives erronées, je souhaiterais souligner la faille fondamentale de ce budget, qui consiste à vouloir libéraliser techniquement l'économie d'outre-mer. Libéraliser, oui ! Mais pas en oubliant la réelle nécessité de rattrapage économique déjà reconnue par l'article 343 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; ni en oubliant le vieillissement de la population, problème auquel aucune solution de fond n'est apportée ; ni en oubliant notre géographie qui représente un handicap structurel en nous faisant cumuler éloignement, insularité, économie d'entrepôt et pauvreté ; ni en oubliant que c'est toujours l'État qui, par ses politiques fortes et volontaristes, nous a permis l'émancipation et le développement.

L'outre-mer ne souffre pas d'un manque de libéralisation mais du manque de volontarisme de l'État. Nous attendons donc que ces priorités soient mieux traduites dans son budget.

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