Intervention de Éric Woerth

Réunion du mercredi 2 octobre 2019 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Woerth, président :

Nous essayons d'éviter de recommander des choses qui pourraient nuire à l'attractivité, nuire à l'arrivée de capitaux et nuire au bon fonctionnement des marchés. Nous faisons très attention aux infrastructures de marché de la Place financière. Il est vrai que nous n'avons pas auditionné Euronext. Tout ce qui pourrait apparaître comme totalement dérogatoire aux règles appliquées dans les pays voisins serait évidemment tout à fait nuisible.

En même temps, je pense que nous pouvons dire que la place de Paris fait très attention à la crédibilité des informations qu'elle gère, parce qu'autour d'un prix, il y a des informations qui forment ce prix. Je crois que les propositions que nous faisons peuvent s'intégrer à cela. Pour répondre à votre question, nous avons vu le cercle des administrateurs, mais nous n'avons pas vu l'IFA.

Je pense qu'il faut des codes professionnels qui font référence, d'une certaine manière, comme il y a un code de l'Association française des entreprises privées (AFEP). Nous constatons qu'au fur et à mesure, les codes servent à influer les comportements. Un tel code, ou une telle charte sur le dialogue actionnarial serait évidemment assez nouvelle et ne devrait pas être coercitive.

Beaucoup d'entreprises que nous avons rencontrées nous ont fait part de leurs difficultés à dialoguer, parce que c'est le fonds qui domine, c'est lui qui a la main même s'il est un actionnaire minoritaire.

En tout cas, je sais que les fonds sont très attentifs à leur image. Pourquoi ? Parce qu'en réalité, l'argent qui a été investi chez eux provient de fonds de pension, de banques, de personnes très riches, de personnes attentives à la destination de cet argent. C'est de l'argent qui ne peut pas s'investir n'importe comment, dans n'importe quelles conditions, parce que cela rejaillirait à ce moment-là, sur l'image de l'activiste. In fine, cela assécherait totalement ses capacités à lever du financement.

Nous avons besoin qu'un dialogue soutenu et contenu puisse s'installer dans le marché. Les entreprises ne savent pas très bien comment s'y prendre.

Nous avons besoin de quelques règles de base. Notamment, il ne devrait pas être possible de publier un white paper, c'est-à-dire un papier public, sans que l'entreprise ait pu, à un moment donné, être mise au courant. Il ne devrait pas être possible de faire le tour de tous les actionnaires, sans que l'entreprise ait eu également connaissance des informations qui sont données sur elle-même, et qui pourraient, être considérées comme fausses. Elles ne sont jamais fausses, puisque la diffusion de fausses informations sur un marché est pénalement réprimée, et les fonds restent prudents. Une interprétation qui est fausse, cela peut être une erreur ou juste une interprétation différente.

Nous avons besoin de qualifier les informations qui sont données au marché. Un marché qui a des informations de meilleure qualité est un bon marché. Nous avons envie de nous engager, parce que nous investissons en toute sécurité ou, en tout cas, en toute certitude et en toute connaissance de cause.

Nous avons posée à plusieurs reprises la question de la souveraineté. D'abord, nous ne savons pas exactement qui investit dans ces fonds. Nous notons simplement qu'il y a de plus en plus d'argent. Cela étant, il est possible qu'un certain nombre d'entreprises soient visées et que quelques États étrangers aient pour objectif de déstabiliser une entreprise française. J'imagine que nos services doivent être attentifs à cela. La Banque publique d'investissement (BPI) a créé un fonds qui s'appelle Silver Lake, et Nicolas Dufourcq, président de BPI, nous en a parlé. Cela n'a pas pour vocation de contrer les activistes, mais d'essayer de repérer des actifs stratégiques et d'y investir de l'argent, pour stabiliser le capital de grandes entreprises stratégiques et exposées. Oui, les enjeux géopolitiques doivent exister, mais nous ne sommes pas capables de les révéler.

Les procédures de référé constitueraient un signal. Je pense qu'une vraie procédure est parfois nécessaire.

Cela étant, l'AMF dispose de tous les moyens pour actionner des procédures qui existent déjà. Elle peut suspendre la cotation, elle peut agir de plusieurs manières, afin de refroidir un peu la situation et de se poser quelque temps pour voir ce qui se passe exactement autour du titre.

Cela ne veut pas dire qu'il faut empêcher. Simplement, il faut trouver un équilibre et une symétrie de l'information et donner à la société une capacité de réaction. Sinon, d'autres actionnaires qui peuvent penser des choses différentes perdront de l'argent. Parfois, c'est aussi une décote d'image pour l'entreprise qui est en jeu.

Sur les franchissements de seuil, le seuil de 5 % est un seuil européen, mais nous pouvons nous en affranchir. Nous pouvons l'abaisser, comme les Anglais, à 3 %. Cela étant, les entreprises peuvent déjà décider aujourd'hui dans leurs statuts d'appliquer un seuil plus bas. Chez Pernod Ricard, ils ont fixé statutairement un seuil inférieur.

Pourquoi vouloir abaisser le seuil autrement que par les statuts ? Beaucoup d'entreprises nous ont dit que ce seuil était trop haut, mais qu'elles ne voulaient pas l'abaisser par elles-mêmes, parce qu'au sein de l'assemblée générale cela donne toujours l'impression de vouloir manipuler les choses.

C'est vrai qu'il faut combattre les prédateurs. Je ne crois pas qu'il y ait d'autres pistes que le référé. Benjamin Dirx et moi avons bien vu que l'AMF dispose de nombreuses possibilités. Mais je pense qu'elle hésite parfois à les actionner, parce qu'elle pense ne pas être prête et ne pas détenir l'information suffisante. D'où la longueur des enquêtes.

Nous en avons discuté avec la Securities and Exchange Commission (SEC) à New York. L'AMF nous avait indiqué que dans un certain nombre de cas, ils n'obtenaient pas les informations demandées à la SEC, alors que les organismes régulateurs échangent normalement des informations. La SEC dit évidemment le contraire. Mais les fonds savent très bien qu'il est très difficile d'obtenir des informations.

Il y a assez peu de fonds qui ont leur siège à Paris. Ils sont souvent aux États-Unis ou en Angleterre.

Pour Jean-Louis Bricout, comme je l'ai dit, l'activisme est plutôt quelque chose d'utile, si cela révèle de la valeur ou si cela révèle une sur-cotation ou une survalorisation, parce que le marché n'a pas vu tel et tel élément, voire telle et telle fraude.

Je suis d'accord avec ce que dit Daniel Labaronne. Nous ne cherchons pas de frein, mais nous cherchons juste un peu plus de transparence. La meilleure réponse demeure la prévention. Ainsi, la banque Lazard, qui a mis en place une équipe dédiée à cela, prépare les entreprises, identifie les défauts de gouvernance, les poches de sous-activité ou de sous-rentabilité.

Enfin, il faut sanctionner les franchissements de seuils non déclarés, et il faut que la sanction soit suffisante, sinon cela ne marche pas. La seule sanction de privation temporaire des droits de vote n'est pas suffisante, il faut des sanctions pécuniaires.

Je dois ajouter que d'autres rapports sur ce thème sont en cours en préparation. Paris Europlace, le club de juristes y travaillent. Nous voyons bien qu'il s'agit d'un sujet d'actualité. Il faudra dans un deuxième temps que nous donnions vie, comme pour tous les rapports, aux propositions que nous faisons, si vous êtes d'accord pour les publier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.