Intervention de Joël Aviragnet

Séance en hémicycle du jeudi 7 novembre 2019 à 9h00
Projet de loi de finances pour 2020 — Santé ; solidarité insertion et égalité des chances

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoël Aviragnet :

La semaine dernière, dans Valeurs Actuelles, le Président de la République a ressorti la vieille fable du « tourisme médical », laissant entendre que de nombreux étrangers viendraient profiter du système de soins français. Soyons rigoureux : le rapport de l'IGAS et de l'IGF présenté la semaine dernière peine à démontrer l'existence de filières venues des pays de l'Est pour alimenter le soi-disant tourisme médical. Ce rapport contient peu d'éléments quantitatifs, et les chiffres sont purement anecdotiques. En 2016, une étude de Médecins du monde soulignait que seuls 3 % des patients déclarent avoir quitté leur pays pour des raisons de santé. L'idée selon laquelle l'AME attire un flux important de migrants venant se faire soigner en France ne résiste pas à l'épreuve des faits : toutes les enquêtes disponibles montrent que la santé est un motif de migration très marginal, bien moins fréquent que les autres. Or vous vous apprêtez à réduire le droit à la santé de tous les demandeurs d'asile sans aucune preuve ni aucun chiffre sur le prétendu tourisme médical.

Ne soyez pas les idiots utiles des Le Pen, Ménard et Salvini ! Chers collègues, Emmanuel Macron s'est fait élire en 2017 en affirmant que Mme Merkel avait sauvé la dignité de l'Europe en accueillant des centaines de milliers de réfugiés. Pensez-vous qu'il faille sombrer dans l'indignité pour se faire réélire en 2022 ? Où sont passées nos valeurs communes ? Le droit à la protection de la santé est un principe constitutionnel ; allez-vous le bafouer pour séduire un électorat ? Si vous votez une réduction des droits à la santé pour les demandeurs d'asile et les migrants, alors l'extrême droite a déjà gagné, car elle s'est insidieusement installée dans vos esprits.

En 2012, l'Espagne, alors que la droite était au pouvoir, a réduit le droit à la santé des migrants en situation irrégulière. Résultat : le taux de mortalité a augmenté de 15 % en trois ans dans la population migrante. Est-ce souhaitable pour la France ? Pensez-vous que cela ait aidé M. Rajoy à se faire réélire ? Au contraire, l'émergence de Vox, un parti néo-franquiste, en est le terrible résultat.

L'AME permet à des personnes particulièrement vulnérables du fait de leur précarité administrative et sociale de se soigner et ne représente qu'une part infime des dépenses publiques de santé : 0,5 % des dépenses de l'assurance maladie. La réduire accentuerait le non-recours aux soins, déjà très fréquent parmi les populations concernées. Restreindre l'accès aux soins des sans-papiers aura pour effet d'augmenter le risque de morbidité et de mortalité chez les migrants et favorisera – et vous le savez – la diffusion de pathologies transmissibles.

Des études démontrent qu'une restriction de l'AME entraînera une charge supplémentaire pour les finances hospitalières et les urgences, déjà en grande difficulté. Vous êtes face à un choix qui déterminera la nature de votre engagement politique : défendre nos valeurs humanistes et protéger la santé des migrants, ou menacer la santé de plusieurs centaines de personnes pour séduire l'extrême droite. Ce moment de vérité nous oblige tous. Le groupe Socialistes votera contre tous les amendements du Gouvernement visant à réduire l'AME et l'accès à la protection maladie universelle des demandeurs d'asile.

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