Intervention de Gérard Cherpion

Séance en hémicycle du mercredi 6 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Travail et emploi

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Cherpion, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales :

Onze et demi pour cent : c'est le chiffre du taux de chômage du bassin d'emploi de Saint-Dié-des-Vosges et il a continué de progresser aux deuxième et troisième trimestres de 2019. Cette situation est en décalage avec les créations d'emplois à l'échelle nationale et le redressement du marché du travail depuis 2015, se traduisant par une baisse du taux de chômage de 0,5 point par an. Pourtant, les efforts déployés pour répondre à ce qui fut parfois qualifié de « préférence française pour le chômage » sont incontestables. Les grands plans de formation se succèdent sous chaque gouvernement, du plan 500 000 formations supplémentaires au plan d'investissement dans les compétences. En matière d'apprentissage, également, les réformes dues à la loi du 28 juillet 2011 et à la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel créent les conditions d'une insertion durable dans l'emploi.

Comment peut-on expliquer, dans ce contexte, que tant de jeunes et de moins jeunes soient marquées par le fléau du chômage, sans réelle perspective de retour à l'emploi ? Comment expliquer, également, que le taux d'emploi des moins qualifiés ne cesse de diminuer depuis 2017, contrairement à l'ensemble des autres pays européens ? Comment expliquer, enfin, que notre taux de chômage reste si élevé par rapport à la moyenne européenne, et si éloigné du taux de chômage frictionnel ?

Les différents travaux que j'ai pu mener au nom de la commission des affaires sociales font apparaître un marché du travail plus contrasté que jamais, où les embellies de l'emploi coexistent avec de nombreuses zones d'ombre où règnent la précarité et l'isolement professionnel. Les offres disponibles et les emplois vacants ne manquent pourtant pas. Textile, papeterie, outillage, chaudronnerie, hôtellerie-restauration, transport routier, sont quelques exemples parmi d'autres de secteurs d'activité ne parvenant plus à recruter, comme j'ai pu le constater sur le terrain. Si le coût du travail et la réglementation restent des freins à l'embauche, la principale barrière est le manque de compétences et de qualifications adaptées à l'offre de travail. Les chiffres de l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – ne peuvent d'ailleurs que nous interpeller : le nombre d'emplois vacants a plus que doublé depuis 2017 alors que le nombre de création d'emplois a lui aussi augmenté.

L'examen des crédits de la mission « Travail et emploi » nous donne l'occasion de dresser un portrait, à mi-législature, du marché du travail et des réformes adoptées en la matière. Il est à noter que ce budget reste inférieur à celui de 2018, malgré une progression entre 2019 et 2020.

Notre devoir est de lever un à un les freins à la formation professionnelle et à l'apprentissage – pour laquelle vous connaissez mon engagement – , que le plan d'investissement dans les compétences – PIC – permet d'ailleurs d'identifier, tel un miroir grossissant les difficultés de notre système.

Nos débats en commission des affaires sociales, la semaine dernière, m'ont permis de faire part de plusieurs inquiétudes. J'en rappellerai trois.

D'abord, l'État poursuit son désengagement de Pôle emploi à hauteur de 136 millions d'euros en 2020, en augmentant en contrepartie les ressources prélevées sur l'assurance chômage, cela, évidemment, contre l'avis des partenaires sociaux. Au prochain retournement de conjoncture, non seulement Pôle emploi aura plus de demandeurs d'emploi à accompagner, mais ses moyens auront diminué du fait de la chute des ressources de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce, l'UNEDIC. Voici un effet ciseaux particulièrement dangereux.

Ensuite, la phase de transition prévue par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel est semée d'embûches. La précipitation dans laquelle le Gouvernement entend repousser le transfert du recouvrement des opérateurs de compétences – OPCO – aux URSSAF par décret, l'impossibilité de mobiliser le nouveau dispositif de reconversion ou de promotion par alternance – Pro-A – faute d'accord de branche étendu, ou l'incertitude totale dans laquelle les collectivités sont désormais placées pour recruter des apprentis sous statut public en sont quelques exemples non exhaustifs.

Enfin, vous annoncez le lancement d'une révolution du compte personnel de formation – CPF – , à grand renfort de communication. Mais ce « CPF 2. 0 », qui fait le pari d'une désintermédiation et d'une autonomie totales, laissera de côté les publics les plus éloignés de ces outils, publics qui sont aussi, le plus souvent, les moins qualifiés, les plus isolés ou ceux qui ont le plus besoin d'accompagnement. Vous avez par ailleurs supprimé la coconstruction du CPF, alors qu'il s'agit du seul moyen d'en faire un véritable objet de dialogue social dans l'entreprise.

Je défendrai des amendements portant sur d'autres sujets d'inquiétudes qui, je l'espère, seront entendus.

Si le chemin restant à parcourir pour construire une véritable société de compétences est encore long, je suis convaincu que nous pourrons nous appuyer sur l'engagement conjoint des entreprises, des associations et des territoires. Les mentalités évoluent et l'apprentissage apparaît plus que jamais comme une filière d'avenir et d'excellence. Je constate, chaque semaine, l'engagement de nombreux responsables de centres de formation des apprentis – CFA – , jeunes apprentis et chefs d'entreprises, dans la formation et la lutte contre le chômage. Malgré des crédits pour la mission « Travail et emploi » toujours inférieurs à ceux de 2018, malgré une recentralisation des organes de décision, je souhaite que nous puissions enfin donner à chaque jeune la liberté de choisir son avenir professionnel.

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