Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du mercredi 6 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Travail et emploi

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Je voudrais tout d'abord vous exprimer ma satisfaction, mesdames et messieurs les députés, de pouvoir continuer avec vous cette discussion que nous avons commencée en commission la semaine dernière.

Je voudrais ensuite, avant de répondre aux questions qui m'ont été posées, rappeler la philosophie générale de notre action, transcrite dans la mission budgétaire « Travail et emploi » : clairement et de façon constante, depuis deux ans, nous posons les fondations d'une nouvelle politique de l'emploi fondée sur les compétences, sur la liberté donnée aux acteurs et sur les leviers permettant à chacun d'aller vers l'emploi. Il s'agit d'une approche systémique et complète afin de lutter contre le chômage de masse – vous avez été nombreux à rappeler à quel point celui-ci est une source de difficultés et de souffrances dans notre pays depuis longtemps.

Approche systémique, disais-je : elle a d'abord pris la forme d'ordonnances, qui ont redonné confiance aux PME, lesquelles disent depuis n'avoir plus peur d'embaucher ; puis ce fut la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, avec notamment les volets concernant l'apprentissage et la formation professionnelle, ainsi que les volets relatifs à l'accès à l'emploi des personnes handicapées et à l'égalité professionnelle ; ce fut aussi le plan d'investissement dans les compétences, le PIC ; et c'est maintenant l'investissement massif que le Gouvernement va faire dans l'insertion par l'activité économique – j'y reviendrai – , ainsi que la réforme de l'assurance chômage. Ma conviction est claire : la clé de voûte de notre politique, c'est l'émancipation organisée et prévue par la solidarité.

Oui, 2020 sera une année de consolidation et d'approfondissement de cette transformation opérationnelle de la politique de l'emploi, l'année de la montée en puissance des dispositifs prévus par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Ce projet de budget ne s'est pas construit en chambre, il a été élaboré sur le terrain, avec des déplacements effectués toutes les semaines depuis deux ans, en favorisant le dialogue avec les acteurs.

En 2020, vous l'avez souligné, les crédits de la mission « Travail et emploi » s'élèveront à 13,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à 12,8 milliards d'euros en crédits de paiement, en progression par rapport à 2019. Ce budget marque la volonté du Gouvernement de poursuivre les efforts de transformation au service de nos concitoyens.

Comme vous, je pense qu'il est important de rappeler le contexte. Oui, l'emploi repart, oui, le chômage baisse, même s'il reste très élevé : depuis deux ans, le taux de chômage a baissé de 9,6 % à 8,5 %. Et il ne s'agit pas d'un artefact statistique : si vous ne croyez pas l'Institut national de la statistique et des études économiques – INSEE – et le Bureau international du travail, ce n'est pas mon problème, monsieur Quatennens, mais je pense que vous faites erreur. Ces chiffres sont fournis par des statisticiens indépendants qui mesurent le chômage indépendamment du Gouvernement, et je ne les conteste pas, quels qu'ils soient.

Cependant, il est vrai qu'il existe une disparité entre les départements et dans nombre de territoires. Vous l'avez dit, monsieur Cherpion : dans les Vosges, il y a des bassins d'emploi où le taux de chômage est encore très élevé ; en revanche, dans le département dans son ensemble, il est passé de 10,3 % à 8,8 %. Et dans les Landes, monsieur Vallaud, il est passé de 9,4 % à 8,1 %. Toutefois, nous nous accorderons tous pour dire que le chômage doit être combattu territoire par territoire, bassin d'emploi par bassin d'emploi ; il ne doit pas y avoir des lieux où il baisse et d'autres où il ne baisse pas. Cela suppose de continuer à mettre en oeuvre les dispositifs sur le terrain.

Je souligne que cette approche générale s'inscrit dans la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté, en l'espèce par le moyen de l'insertion par l'activité économique, comme l'ont souligné M. Da Silva, M. Perrut et Mme de Vaucouleurs.

Vous avez été plusieurs à parler de la réforme de l'assurance chômage et des quotas en matière d'immigration. Ces questions ne relevant pas de la mission « Travail et emploi », je ne peux pas vous répondre dans le détail : ce n'est pas le lieu. Je rappellerai seulement deux faits : premièrement, ce n'est pas l'État qui a décidé tout seul de définir les règles, c'est la loi, que nous respectons tous et qui prévoit que si les partenaires sociaux n'arrivent pas à conclure, il revient à l'État de définir les règles ; deuxièmement, à ceux qui contestent qu'il y ait à la fois des créations d'emplois et de vraies pénuries d'emplois, je signale que la création en deux ans d'un demi-million d'emplois ne met pas fin à la difficulté à recruter des personnels dans certains secteurs. Dans son enquête de 2019 sur les besoins en main-d'oeuvre – autant prendre les chiffres actuels, plutôt que ceux d'il y a deux ans ! – , Pôle emploi estime qu'un emploi sur deux est difficile à pourvoir en France, et d'autres enquêtes, telles que celles de l'INSEE, le confirment.

Dès lors, il importe de permettre à chacun, y compris aux plus fragiles, aux plus vulnérables, d'accéder à l'emploi, et cela en fournissant des marchepieds, voire des tremplins. C'est pourquoi notre stratégie trouve son aboutissement dans le pacte d'ambition pour l'insertion par l'activité économique, fruit d'une concertation de plus de six mois avec tous les représentants du secteur et présenté au Président de la République le 10 septembre dernier, à Bonneuil-sur-Marne. Le projet de budget pour 2020 prévoit un accroissement historique du financement des aides au poste dans les structures d'insertion par l'activité économique : 83 000 ETP seront financés dans le cadre du fonds d'inclusion dans l'emploi, soit 7 000 ETP de plus par rapport à la loi de finances initiale pour 2019, et 15 000 à 20 000 personnes supplémentaires pourront accéder à l'insertion par l'activité économique dès 2020, grâce à un budget augmenté de 120 millions d'euros, lequel dépassera ainsi pour la première fois la barre symbolique du milliard d'euros. Cet effort est essentiel et s'inscrit dans la durée puisque nous visons, à l'horizon 2022, 100 000 bénéficiaires supplémentaires pour ce dispositif – ils sont 140 000 aujourd'hui.

Dans le même ordre d'idées se pose la question du handicap. Je l'ai déjà évoquée à propos de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Il y a aussi les entreprises adaptées, un outil essentiel, comme le soulignait Mme de Vaucouleurs, pour permettre aux personnes en situation de handicap les plus éloignées de l'emploi d'y accéder par étapes. L'appui financier de l'État à cette transformation se poursuivra en 2020 avec un budget de 403 millions d'euros, en augmentation de 7 millions d'euros par rapport à 2019. Nous voulons que 6 000 à 10 000 personnes supplémentaires accèdent aux entreprises adaptées dès l'année prochaine.

En ce qui concerne les parcours emploi compétences, les efforts déjà accomplis seront complétés par 100 000 nouveaux parcours, programmation semblable aux perspectives de 2019. Je veux souligner un point : lorsque, à la suite du rapport de Jean-Marc Borello, les contrats aidés « secs » ont été transformés en parcours emploi compétences, avec une obligation d'accompagnement et de formation, nous avions prévu d'en créer 200 000 en 2018. Or seuls 100 000 ont été mis en oeuvre, et cela malgré les financements disponibles. Pourquoi ? Parce que la vérité est apparue : beaucoup de ceux qui employaient des contrats aidés voulaient une aide à l'employeur, non au salarié ; et ils n'étaient pas prêts à accompagner ce dernier, ni à le former.

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