Intervention de Jean-Félix Acquaviva

Réunion du mardi 5 novembre 2019 à 21h05
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Félix Acquaviva :

Nous sommes tous d'accord pour replacer les maires au coeur du fonctionnement de notre démocratie. Il est, cependant, navrant qu'il ait fallu la crise des gilets jaunes et le grand débat national pour que l'exécutif prenne conscience que les maires sont le coeur battant de notre démocratie et que nous prenions tous la mesure de leur dévouement mais aussi de leur découragement. Celui-ci est en partie lié aux dernières grandes réformes relatives aux territoires, qui ont conduit à des dysfonctionnements majeurs. Il y a eu, notamment, la loi NOTRe. Face à l'agrandissement inconsidéré des périmètres intercommunaux et aux transferts de compétences obligatoires, toujours plus nombreux, vers les EPCI à fiscalité propre, mais aussi face à un État centralisateur et à un Gouvernement jusque-là frileux en matière de décentralisation – mais nous attendons la suite –, les élus locaux se sentent dépossédés, impuissants et déconsidérés.

Nous regrettons aussi que le débat soit escamoté : des amendements ont été déclarés irrecevables alors qu'ils avaient, selon nous, un lien avec des dispositions figurant dans le projet de loi. Le groupe Libertés et Territoires a déjà appelé l'attention à plusieurs reprises sur ce point. Il serait très problématique que cela devienne une question d'interprétation ou d'opportunité politique.

Il n'y a pas d'amour, mais seulement des preuves d'amour. Votre volonté de redonner toute leur place aux maires et aux équipes municipales sera jugée à l'aune du débat que nous pourrons avoir dans cette commission puis en séance publique. Les Français, nous le savons, sont très attachés aux maires. Ces derniers restent largement en tête du classement des élus préférés de nos concitoyens. Cependant, le pouvoir d'action des élus diminue année après année et, en corollaire, la confiance et la considération accordées par les citoyens sont de plus en plus remplacées par la méfiance, la défiance, voire la violence, comme on a pu le voir ces derniers mois. Je pense notamment à la mort du maire de Signes, qui s'opposait simplement à un dépôt sauvage de gravats, en août dernier.

Si les maires sont à la portée des remerciements, ils sont aussi à la portée des engueulades. Par ailleurs, leur engagement est souvent chronophage et stressant. Il y a également une incertitude en matière de reclassement à la fin du mandat.

Mon groupe ne cesse d'appeler à prendre en considération les corps intermédiaires et les élus locaux. C'est le sujet de ce projet de loi – le premier que vous nous présentez dans ce domaine. Ces acteurs ne sont pas des freins au changement mais des relais essentiels et des atouts pour construire notre pays.

Ce texte a été profondément modifié lors de son passage au Sénat, qui a été très ambitieux – d'aucuns diraient trop – puisque le projet de loi a changé de nature. De nombreuses mesures ont été ajoutées, mais il reste aussi beaucoup d'interrogations, notamment en matière de formation. Mon groupe n'est pas rassuré, pour l'heure, par les dispositifs visant à permettre aux élus de se reconvertir à la fin, choisie ou non, de leur mandat.

Plus globalement, nous nous interrogeons sur l'existence d'une véritable stratégie pour les collectivités territoriales. Il y a d'abord ce projet de loi, dont vous souhaitez que nous ne modifiions pas les grands équilibres – vous n'acceptez, pour l'instant, que des retouches – et vous nous appelez parallèlement à faire preuve de patience, car vous annoncez un projet de loi « 3D » – différenciation, décentralisation et déconcentration. Nous espérons qu'il n'y aura pas un quatrième « D », pour découragement s'il n'y a pas de nouvel acte fort de décentralisation.

Les maires ont besoin que l'État et les citoyens leur fassent confiance. Il faut, pour cela, un véritable choc de décentralisation et de véritables capacités de différenciation, simplifiées, clarifiées et opérationnelles. Vous ne serez pas surpris si nous disons qu'il faut un nouveau choc de décentralisation, une véritable décentralisation, qui ne doit pas être un « grand soir » mais une clarification permettant de ne pas rester au milieu du gué – c'est, en effet, la conséquence des réformes précédentes, qui ne sont pas allées jusqu'au bout. On pourrait organiser un brainstorming sur cette question si vous le souhaitez.

Au-delà de ce qui figure dans ce projet de loi, qui ne constitue pas encore un vrai statut des élus locaux, que souhaitent ces derniers ? Ils veulent avoir la capacité d'agir en toute sérénité grâce à des moyens juridiques et financiers renforcés. Mon groupe a fait cinquante propositions pour rendre les territoires plus forts et plus autonomes, notamment en ce qui concerne le statut de l'élu local. Nous pensons qu'une responsabilisation est nécessaire : il faut donner aux élus locaux des compétences enfin pleines et entières en ce qui concerne la prise de décision, la réalisation et le financement des projets. Par ailleurs, pourquoi ne pas aller vers l'autonomie fiscale ? Elle est nécessaire pour les collectivités. On pourrait aussi parler de la révision de la gouvernance des intercommunalités, qui est un aspect important de ce texte : il faut assurer une représentativité suffisante de l'ensemble des communes.

Mon groupe, vous l'avez compris, sera très présent lors de l'examen de ce texte en commission puis en séance. Nous nous prononcerons en fonction de l'évolution des débats.

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