Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du jeudi 7 novembre 2019 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Sébastien Lecornu, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé des collectivités territoriales :

Effectivement, ce n'est pas la même chose. Je serai bref, mais j'espère vous convaincre, madame la ministre Pau-Langevin.

Premièrement, il existe un grand principe, celui selon lequel le salarié est protégé dans l'entreprise précisément parce qu'il défend l'intérêt social de cette dernière : un bon dialogue social participe à l'intérêt de l'entreprise. En commençant à imaginer des protections dans le droit du travail pour des causes extérieures à l'entreprise, on s'engage dans une voie complètement inédite. D'ailleurs, même si nous ne les avons pas consultés formellement, les contacts que nous avons eus avec les représentants des syndicats de salariés montrent qu'ils observent cette affaire avec beaucoup d'attention. Si une protection aussi forte est accordée aux représentants du personnel dans une entreprise, ce n'est pas pour rien ; du reste, les pompiers volontaires et les réservistes des armées, par exemple, n'en ont jamais bénéficié. Établir comme fait générateur de la protection dans l'entreprise la qualité d'élu local, alors même qu'il n'y a aucun lien entre les deux – car il s'agit d'un mandat politique, et non d'un mandat social, comme c'est le cas pour le représentant du personnel –, constituerait un véritable virage, auquel je suis défavorable.

La seconde raison est une raison de fait : dans la vraie vie, les élus sont souvent salariés de toutes petites entreprises – artisans, commerçants – de leur commune ou des environs, qu'il s'agisse de la communauté de communes ou du canton. Avec une telle disposition, on aurait vite fait d'en déstabiliser un certain nombre. Certains pourraient me répondre, à la rigueur, que cela importe peu, mais le problème essentiel est que l'on risque de rendre les élus locaux inemployables : à compétences équivalentes, quand on aura le choix entre quelqu'un qui est adjoint au maire et quelqu'un qui ne l'est pas, il y a fort à parier que c'est le second qui sera embauché.

Cela veut-il dire qu'il ne faut rien faire ? La réponse est non. À cet égard, je pense que l'amendement CL1064, présenté par M. Houlié et plusieurs de ses collègues, va dans le bon sens, parce qu'il permet de traduire pour la première fois en droit positif la sanction de la discrimination. En effet, ce qui serait scandaleux, c'est qu'un élu de la République, salarié dans une entreprise, se voie privé d'une promotion, soit victime d'une discrimination à l'embauche ou d'une sanction disciplinaire, que sais-je encore, précisément parce qu'il est élu. Or, actuellement, s'il va devant le conseil des prud'hommes, il ne peut pas opposer sa qualité d'élu local comme critère de discrimination. C'est absolument incroyable. Le cas est prévu dans le code général des collectivités territoriales, mais n'a jamais été traduit dans le code du travail. Il n'existe donc pas d'acte de droit positif permettant de protéger les élus.

Pour toutes ces raisons, je vous propose donc, madame la ministre George Pau-Langevin, de retirer vos amendements CL473 et CL474 et de soutenir l'amendement CL1064, de manière à ce que celui-ci soit adopté. En clair, si je devais résumer ma position en une phrase, je dirais que, plutôt que d'imaginer une protection en amont, qui crée de nombreuses difficultés, je propose une protection en aval ; ce serait déjà, me semble-t-il, une belle avancée.

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