Intervention de Muriel Pénicaud

Séance en hémicycle du jeudi 14 novembre 2019 à 21h30
Projet de loi de finances pour 2020 — Article 51 (appelé par priorité)

Muriel Pénicaud, ministre du travail :

Au cours des dernières années, des négociations ont été menées dans les secteurs habilités à recourir aux CDDU en vue de limiter leur usage ou d'établir des protections ou des garde-fous en faveur des travailleurs. Les précédents gouvernements ont essayé d'agir par la voie conventionnelle, afin de réguler le phénomène. Dans la quasi-totalité des cas – hormis quelques exceptions heureuses – , ces démarches n'ont pas abouti. Dans l'ensemble, la voie conventionnelle n'a pas permis de résoudre le problème.

Nous avons donc opté pour un système de régulation, qui a le mérite d'être simple. Il repose sur l'instauration d'une taxe forfaitaire de 10 euros par CDDU, qui ne pénalise en rien les CDDU de trois ou six mois, mais cible le recours excessif à des contrats très courts.

D'un point de vue global, cette taxe ne constitue pas une nouvelle contribution perçue sur les entreprises – ce point est très important. En effet, jusqu'au mois d'avril 2019, celles-ci s'acquittaient d'une taxe de 0,5 % sur chaque CDDU décidée par les partenaires sociaux, dont le produit était d'environ 50 millions d'euros. Lors de la réforme de l'assurance chômage, nous avons décidé de ne pas appliquer uniformément cette taxe, qui frappait aussi les CDDU de trois ou six mois, mais de la cibler sur les contrats de très courte durée, pour une recette fiscale similaire. Globalement, le niveau de taxation des entreprises n'augmentera donc pas ; nous nous contentons de cibler la taxe sur le recours excessif aux contrats courts.

D'autre part, je rappelle qu'il existe de nombreux outils – ils sont bien plus nombreux à présent – permettant de ne pas recourir aux contrats très courts, notamment l'annualisation du temps de travail, les groupements d'employeurs et le CDI intérimaire, que nous avons sécurisé juridiquement dans le cadre de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

En somme, la flexibilité est nécessaire pour certaines entreprises, mais elle peut s'accompagner d'une meilleure sécurisation pour les salariés. C'est ce que nous visons. Nous recherchons un système relevant de la flexisécurité.

Dans ce cadre, l'article 51 prévoit des exemptions, dont les justifications me semblent incontestables.

La première concerne les contrats d'intermittents du spectacle, qui seront exemptés de cette taxe, non parce qu'il s'agit du monde du spectacle, mais parce que les employeurs de ce secteur d'activité versent d'ores et déjà une surcontribution spécifique de 5 %, à laquelle s'ajoute une majoration des contributions spécifique sur les CDDU à hauteur de 0,5 %, majoration instaurée en 2013 et supprimée pour les employeurs des autres secteurs, mais maintenue pour ceux de ce secteur particulier par le décret du 26 juillet 2019, ce qui représente au total une contribution de 9,55 % à l'assurance chômage pour ces derniers. Chacun ici conviendra qu'on ne peut pas taxer un employeur deux fois pour le même objet.

Deuxièmement, nous excluons également du champ de la taxe les associations intermédiaires d'insertion professionnelle – vous avez eu raison de signaler leur cas, madame Louwagie – , car leur objet même est de limiter la durée des contrats d'insertion, qui servent de tremplin pour retourner vers l'emploi classique. Il serait donc illogique de les pénaliser, elles à qui on demande de conclure des contrats provisoires jouant ce rôle.

Troisièmement, M. le rapporteur général l'a évoqué, les employeurs des dockers occasionnels sont également exemptés, car la loi les oblige à utiliser des CDDU – ce pour quoi ils paient, au demeurant.

En outre, un amendement visant à exempter de taxe les branches professionnelles ayant consenti des efforts significatifs pour réguler par accord l'usage des CDDU a été adopté en commission. Mon cabinet et moi-même avons consacré beaucoup de temps à rencontrer et écouter les professionnels des secteurs concernés – comme vous l'avez fait aussi, mesdames et messieurs les députés, si j'en juge par le nombre d'amendements déposés – , notamment le déménagement, l'hôtellerie et la restauration. Cet amendement de Mme Verdier-Jouclas vise, de même que d'autres identiques, à répondre à leurs préoccupations, tout en s'inscrivant dans une logique de responsabilisation des branches professionnelles et des employeurs. Il y est prévu que, si des branches signent des accords étendus fixant des seuils en matière de durée minimale des CDDU et de nombre de jours par an au-delà desquels l'employeur est tenu de proposer un CDI au salarié, alors elles seront exemptées de la taxe de 10 euros par CDDU.

Ce point me semble très important. Dès lors que des gens travaillent 200 jours par an uniquement en CDDU, vous m'accorderez qu'il y a quelque chose de vicié dans le monde du travail !

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